Autopsie de la crise : les leçons à tirer d'une Espagne en chute libre<!-- --> | Atlantico.fr
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Il est désormais à peu près sûr que la Banque Centrale européenne et le fonds d’intervention de l’Euroland (FESF/MES) vont voler au secours de l’Espagne, quitte à abandonner la Grèce à son triste sort.
Il est désormais à peu près sûr que la Banque Centrale européenne et le fonds d’intervention de l’Euroland (FESF/MES) vont voler au secours de l’Espagne, quitte à abandonner la Grèce à son triste sort.
©Reuters

Chroniques du pot aux roses

Cette semaine, Serge Federbusch revient aussi sur la déclaration de Ségolène Royal au sujet de la réussite de Najat Belkacem "du fait de ses origines".

Serge  Federbusch

Serge Federbusch

Serge Federbusch est président du Parti des Libertés, élu conseiller du 10 ème arrondissement de Paris en 2008 et fondateur de Delanopolis, premier site indépendant d'informations en ligne sur l'actualité politique parisienne.

Il est l'auteur du livre L'Enfumeur, (Ixelles Editions, 2013) et de Français, prêts pour votre prochaine révolution ?, (Ixelles Editions, 2014).

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1- Ce que vous coûtera votre futur château en Espagne 

Après un énième psychodrame collectif et une myriade de ballets aussi diplomatiques qu’énigmatiques, il est désormais à peu près sûr que la Banque Centrale européenne et le fonds d’intervention de l’Euroland (FESF/MES) vont voler au secours de l’Espagne, quitte à abandonner la Grèce à son triste sort. On ne peut pas être partout, voyez-vous.

Les marchés applaudiront, la majorité des commentateurs poussera un soupir de soulagement, quelques mauvais coucheurs maugréeront et prédiront un retour de bâton. D’humeur estivale, nous nous bornerons à dire : puisqu’il faut payer, autant faire un peu de tourisme et aller revoir cette Espagne qui menace notre épargne !

Promenez-vous Plaça de Catalunya ou dans les vielles rues de Barcelone, musardez du côté du Miquelet de la cathédrale de Valence, du jardin du Retiro à Madrid, des rosaces gothiques de Burgos, des ponts de Tolède et des plages de San Sebastian. Devant les terrasses de restaurants grouillant de clients (pas que des étrangers), vous aurez bien du mal à sentir la fameuse crise qui inquiète tant les gazettes et fait s’agiter les princes de la finance. Les 25 % de chômeurs doivent être enfermés chez eux à moins qu’ils ne travaillent au noir dans un pays qui ne connaît pas de RSA et laisse peu d’espoir de s’en sortir par l’aide publique. La plupart des villes d’Espagne ont été magnifiquement restaurées et réaménagées, embellies et étendues ces quinze dernières années. Les cités françaises font pâle figure par comparaison.

Et pourtant … Il faut aussi regarder derrière les palissades et les lapalissades ; prêter attention à ces tours d’habitation vides de Catalogne et d’Aragon, ces « urbanizations » quasi-abandonnées d’Andalousie, ces stades au chantier arrêté, ces immenses murs de commerce à louer un peu partout. Les écailles tombent définitivement des yeux lorsqu’on prend l’autopista payante entre Tolède et Madrid : près de 200 kilomètres de route sans croiser aucun autre véhicule ou presque. Normal : ils sont tous sur la vieille autovia gratuite. Le montant du péage est-il dissuasif ? Moins de dix euros. Et quel est le coût de construction de la nouvelle autoroute ? Plusieurs centaines de millions. Une abysse financière pour ses promoteurs. Des exemples de gouffres de ce type, l’Espagne en compte des dizaines.

Alors ? La crise espagnole, qui nous menace directement, tient, c’est un fait connu, à un sur-investissement démentiel dans l’immobilier et les équipements publics qui laisse exsangues les banques et les communautés régionales autonomes. Près des deux-tiers des logements construits en Europe de 2000 à 2008 le furent en Espagne, nécessitant un accompagnement massif en équipements publics. Le quotidien madrilène « Expansion » a fait le calcul lundi dernier : en 2012 les seules régions autonomes doivent faire face à 127 milliards d’euros de dépenses, hors frais financiers, plus que le gouvernement central ! Les sommes dont se gobergent les eurocrates et qu’ils vont dégager via le MES/FESF seront sévèrement entamées par les seuls besoins des collectivités locales ibériques dont l’Etat vient d’ailleurs d’annoncer, qu’à compter de 2013, il reprendra le service de la dette.

Quand bien même il signore Draghi rachèterait, avec des euros qu’il aura imprimé, sur le marché primaire ou secondaire, après moults tripatouillages des traités européens, les obligations pourries des Generalitat et banques en perdition, l’Espagne resterait confrontée à une insuffisance majeure d’activités industrielles exportatrices pour financer dans la durée son nouveau train de vie urbain.

D’autant que le taux de change de l’euro ne facilitera pas la reconstruction d’un tel appareil productif. Ceci explique la persistance d’une inquiétude latente sur la « soutenabilité » de cette stratégie de la dernière chance.

Faut-il également passer sous silence la profonde injustice de l’opération de sauvetage qui s’annonce ? D’une manière ou d’une autre, quelqu’un finira par payer : le créancier qui verra ses placements en euros rognés par l’inflation ou la dévaluation, le consommateur qui paiera ses importations plus cher, le contribuable des pays de l’Union pour la fraction de la dette non couverte par la création monétaire, les autres nécessiteux européens dont on ne voudra plus régler les factures, etc. Nous aurons tous douloureusement cotisé à la magnifique restauration des villes ibériques. On comprend les réserves allemandes à ce sujet, elles devraient être aussi les nôtres. Le sentiment de nombreux bureaucrates et politiciens, qu’au fond tout est soluble dans l’inflation, tient au caractère éthéré du rapport qu’ils ont avec la création de richesses, n’ayant jamais vécu que dans et par la chose publique. L’incapacité à décider et à dire la vérité qui mine nos démocraties représentatives et qui s’incarne parfaitement dans le nouveau gouvernement français se conjugue bien avec le monde merveilleux de la planche à billets. Ce genre de fiction finit souvent dans la servitude. Si les Américains s’en sortent pour l’instant en imprimant des milliers de milliards de dollars, c’est parce que le pouvoir, à Washington, est concentré et efficace et que le complexe militaro-industriel étasunien en impose encore au reste du monde. Avons-nous en Europe les moyens de suivre ce douteux exemple ? Notre système politique et notre organisation sociale sont plus proches de l’Amérique du Sud que de l’Amérique du Nord.

Pourtant, y-a-t-il autre chose à faire que de restaurer à prix d’or des châteaux en Espagne sans même en devenir propriétaire tout en supportant les risques sus-évoqués ? Qu’au moins les actifs financés par cette dette soient récupérés auprès des banques espagnoles en faillite par un fonds d’amortissement européen qui les vendra à l’encan et se paiera un peu sur la bête. Puisqu’il veut devenir un établissement financier de plein exercice, le MES/FESF aurait quelque chose de tangible à inscrire à son bilan. Il y a de quoi loger fort agréablement des centaines de milliers de retraités allemands, belges et français ou autres de la Costa Brava à la Costa del Sol. Ceci aurait aussi pour avantage de réintroduire des propriétaires solvables dans le système. Sinon, la pompe à déficits continuera de fonctionner, les chantiers inutiles seront achevés, d’autres tours et villes satellites surgiront.

Quant à la fierté ibérique qui ferait craindre le rejet de pareille intrusion, nul ne semble s’émouvoir sur les Ramblas du nouveau maillot de la Barça sur lequel s’inscrit sans complexe depuis quelques mois un étonnant « Qatar Foundacion » …

2- Si Ségolène s’appelait Marie-Ségolène, en serait-elle là ?

Certainement pas, car une frange laïcarde de l’électorat de gauche aurait interprété, dès 2005, les élans irrationnels et les appels à la communion nationale de la « Zapatera » comme une forme abâtardie de mysticisme catholique. L’ascension politique de la Madone du Poitou, tout de blanc vêtue, se serait interrompue plus tôt. Parfaitement consciente de ce handicap en forme de prénom, Marie-Ségolène Royal a donc choisi, pour l’usage électoral, un escamotage marial politiquement prudent.

Quant à son ex-collaboratrice, Najat Belkacem, elle l’a évidemment promue en raison d’un patronyme arabe nonobstant son frais minois et sa langue bien pendue. Ce n’est guère que la mise en œuvre de la logique de discrimination positive souvent vantée à gauche et parfois à droite et il n’y a aucune raison de s’indigner de cet aveu de Marie-Ségolène qui sait jouer des prénoms, tantôt en les cachant, tantôt en les exhibant.

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