La France emprunte à des taux négatifs, signe que la zone euro va plus mal que nous, pas que l'Hexagone va bien<!-- --> | Atlantico.fr
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"Le regard vis-à-vis de la France ne s’est pas amélioré, c’est plutôt le regard vers beaucoup d’autres pays qui s’est détérioré."
"Le regard vis-à-vis de la France ne s’est pas amélioré, c’est plutôt le regard vers beaucoup d’autres pays qui s’est détérioré."
©Reuters

Biais de regard

La France a emprunté ce lundi près de 6 milliards d’euros à court terme à des taux négatifs. Cela signifie que les investisseurs acceptent de payer pour prêter de l’argent à la France. Mais cela n'est pas un satisfecit de la politique menée dans nos frontières.

Nicolas Bouzou

Nicolas Bouzou

Nicolas Bouzou est économiste et essayiste, fondateur du cabinet de conseil Asterès. Il a publié en septembre 2015 Le Grand Refoulement : stop à la démission démocratique, chez Plon. Il enseigne à l'Université de Paris II Assas et est le fondateur du Cercle de Bélem qui regroupe des intellectuels progressistes et libéraux européens

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Atlantico : La France a emprunté pour la première fois ce lundi à des taux négatifs. Qu’est-ce qui a changé dans l’appréciation des marchés financiers ?

Nicolas Bouzou : Par rapport à la France, rien n’a changé ces derniers mois. Ce qui a changé, c’est l’appréciation des investisseurs par rapport aux autres pays. Au fond, quand vous êtes un grand investisseurs institutionnel – une grande compagnie d’assurance ou un fonds de pension, par exemple – vous avez des sommes extrêmement importantes à placer, des dizaines de millions d’euros, voire plus. Pour les placer sans risque, vous n’avez pas 36 solutions : les Etats-Unis, les grands Etats de la zone euro ou l’Angleterre, qui emprunte aussi à des taux extrêmement bas. A partir du moment où l'éventail de choix se réduit, car vous vous dites « il ne faut plus que j’investisse en Italie ou en Espagne », il ne vous reste pas beaucoup de pays : les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France. La France profite de cela. Le regard vis-à-vis de la France ne s’est pas amélioré, c’est plutôt le regard vers beaucoup d’autres pays qui s’est détérioré.

C’est donc une sorte de crainte d’un éclatement de la zone euro qui motive les investisseurs ?

Ce n’est pas nouveau, cela fait déjà quelques mois que c’est le cas. Si les investisseurs n’anticipaient pas un éclatement de la zone euro, les intérêts sur la dette grecque seraient beaucoup plus bas. Qu’aujourd’hui ils soient à 30%, cela montre que les investisseurs pensent d’une part que la Grèce est insolvable et d’autre part qu’elle ne sera pas sauvée.

Il y a déjà cette idée d’un éclatement de la zone euro chez les investisseurs. On le voit bien et des notes de revient qui sont simulées. Des grandes banques d’affaire notamment anticiperaient un éclatement de la zone euro.

La politique de François Hollande – qu’il s’agisse du pacte de croissance ou de la rigueur – a-t-elle un impact sur ces taux ?

Non, bien évidement. Le pacte de croissance est très bien, mais extrêmement faible : 120 milliards pour toute la zone euro. Il n'est absolument pas suffisant pour relancer la croissance. Cela peut aider quelques entreprises qui ont besoin de financement dans des secteurs à forte valeur ajoutée, mais il n’y a pas de programme d’envergure.

La rigueur de François Hollande n’a pas non plus d’impact, car il n’y a rien de nouveau : il ne fait qu’appliquer son programme. A la limite, cela pourrait même inquiéter les investisseurs qui pourraient se dire que plutôt que d’augmenter les impôts, on pourrait avoir un début de réformes. Ce qu’on peut dire de François Hollande, c’est qu’il est suffisamment sérieux pour ne pas empêcher le fait que la France s’endette à des taux négatifs – c’est évidemment à mettre à son crédit – mais de la à dire qu’il en serait responsable, c’est très excessif.

A long terme, la France peut-elle continuer à emprunter à ces taux-là ?

Les marchés risquent toujours de se retourner. C’est donc un point qui est à surveiller. Si je voulais être provocateur, je dirais qu’il y a quatre ou cinq ans, l’Espagne était notée AAA par les agences de notation. Et il y a cinq ou six ans, la Grèce s’endettait au même taux que le Royaume-Uni. Donc, évidemment, les choses peuvent changer. Cela ne veut pas dire qu’elles vont changer, que la France se retrouvera dans le cas de la Grèce, mais cela veut dire qu’il faut continuer à se protéger  et qu’il faut continuer à réduire le déficit. Et ça, François Hollande l’a redit en des termes très clairs à l’ouverture de la conférence sociale ; il n’y a pas d’ambiguïté. Je ne suis pas sûr en revanche que la hausse d’impôt sera suffisante pour réduire les déficits sans avoir d’impact négatif sur la croissance.

La France est protégée à court terme, aujourd’hui elle a une excellente réputation, mais ce n’est pas écrit dans le marbre, on a déjà vu des exemples d’évolution à ce niveau là.

Propos recueillis par Morgan Bourven

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