Conférence sociale : jusqu'à quand prendra-t-on au sérieux des partenaires sociaux totalement discrédités ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les syndicats sont tous financièrement dépendants d’un système dit «paritaire», qui se bâtit avec un intérêt très limité pour l’intérêt des salariés et de l’entreprise.
Les syndicats sont tous financièrement dépendants d’un système dit «paritaire», qui se bâtit avec un intérêt très limité pour l’intérêt des salariés et de l’entreprise.
©Reuters

Grand Guignol

La Conférence sociale qui s'ouvre lundi doit poser les bases du dialogue social de ce quinquennat. Mais que peut-on vraiment attendre de syndicats en manque de légitimité, peu représentatifs, et dont le financement repose sur des bases contraires à l’intérêt des salariés ?

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Comment ne pas applaudir aux intentions affichées par le gouvernement à propos de la grande conférence sociale qui doit se tenir les 9 et 10 juillet ? Faire confiance aux partenaires sociaux, s’appuyer sur le dialogue social, gouverner en associant les acteurs du jeu économique, tout cela ne peut que susciter l’adhésion. Et sans vouloir rabâcher, chacun se souvient que la réussite économique allemande n’a d’égal que sa culture de l’accord entre employeurs et syndicats, au sein même de l’entreprise.

Dans le même temps, comment ne pas s’attrister de voir que ces bonnes intentions sont mises en oeuvre avec les mêmes acteurs sur le retour qui ont, année après année depuis soixante ans, transformé le dialogue social en une mauvaise comédie de boulevard, sur un scénario éculé dont plus aucun salarié ne se divertit?

Prenons les choses dans l’ordre.

Premièrement, quelle est la légitimité de ceux qui participeront à la conférence sociale à parler au nom des forces économiques et sociales de ce pays? Côté syndical, on trouve la bande des 5 (CGT, CFDT, FO, CFTC, CGC), dont la réforme de la représentativité adoptée en août 2008 a d’ores et déjà montré les fragilités, alors que son application au niveau national n’est prévue que pour 2017 ! Ainsi, entre la CFTC dont il est acté qu’elle ne représente qu’une très faible minorité de salariés et FO dont la certification des comptes est longue et obscure, ce qui laisse planer les plus grands doutes sur les pratiques en vigueur dans ses coulisses, on compte autour de la table au moins deux acteurs en trop.

Côté patronal, la situation n’est pas meilleure. Le MEDEF ne représente les patrons que par le bon vouloir du prince depuis 1945, à l’époque où il n’était encore que le CNPF, et la CGPME réussit l’exploit de dépenser chaque année près de 10 millions d’euros avec environ 2 millions d’euros de cotisation.

D’où viennent les 8 millions manquants ? Nous touchons ici au deuxième point de la journée des dupes qui se prépare. Les gens qui vont gracieusement parler la semaine prochaine de l’avenir économique du pays, outre que leur représentativité reste à prouver, sont tous, à des degrés divers, financièrement dépendants d’un système dit «paritaire», hérité du Conseil National de la Résistance, en 1945, et qui se bâtit avec un intérêt très limité pour l’intérêt des salariés et de l’entreprise.

Dans le cas de la CGPME, il est de notoriété publique que l’essentiel de son financement ne provient pas des cotisations de ses adhérents, mais d’une dîme prélevée en cachette sur des entreprises non adhérentes, par le truchement d’une usine à gaz appelée formation professionnelle. On suivra avec un intérêt tout particulier les résultats de la table ronde consacrée à ce sujet. Je suis prêt à prendre les paris: ceux qui tirent financièrement profit du système aujourd’hui obtiendront qu’il ne soit pas remis en cause.

Pourtant, des mesures d’urgence sont à prendre dans ce domaine. La France serait bien inspirée, par exemple, de simplifier ses dispositifs d’alternance, qui distinguent de façon totalement artificielle la professionnalisation, dont les fonds financent les syndicats de salariés et de patrons, et l’apprentissage qui est purement étatique. Comme l’indispensable fusion de ces deux dispositifs priverait nos partenaires sociaux d’une partie de leur financement, la réforme du secteur est bloquée, alors qu’elle constituerait un puissant moyen de lutter contre le chômage, notamment des jeunes.

Comment ajouter foi à un dialogue social, lorsqu’il est animé par des acteurs qui se servent sur la bête et font passer la lutte contre le chômage ou la compétitivité économique après leurs intérêts financiers immédiats ?

Troisième point, le Président parle de constitutionnaliser le dialogue social. Mais pourquoi faire ce choix quand on sait qu’un accord négocié entre partenaires sociaux n’a pas de valeur juridique, et que ses effets s’effaceront toujours derrière la loi et son application souvent bornée par les juges? C’est bien beau d’être dans la Constitution. Mais s’il s’agit de consacrer un rôle de figuration, là où les partenaires sociaux devraient être les acteurs principaux, la mesure n’a aucun sens.

Sauf bien sûr si, en contrepartie, le gouvernement obtient des forces qu’il réunit autour de la table un soutien à des mesures scélérates. Auquel cas leur approbation vaut bien une Constitution. Ce qui fera des salariés, une fois de plus, des dupes d’un système qui les instrumentalise sans réduire le chômage ni la misère. 

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