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8 juillet 1982... Retour sur le plus grand match de football de l'équipe de France
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Des Bleus de légende

Ce dimanche marque le trentenaire d'un des plus beaux matches de l'équipe de France de football en compétition officielle. C'était le 8 juillet 1982, à Séville. C'était une demi-finale, contre la RFA, perdue - injustement - mais qui valut aux tricolores le surnom de "Brésiliens de l'Europe". Retour sur cette partie inoubliable, monument du football français...

Philippe David

Philippe David

Philippe David est cadre dirigeant, travaillant à l'international.

Il a écrit trois livres politiques : "Il va falloir tout reconstruire", ouvrage qui expliquait le pourquoi du 21 avril,  "Journal intime d'une année de rupture", sorti en 2009 aux éditions de l'Ixcéa, qui retrace les deux premières années de présidence Sarkozy et  "De la rupture aux impostures", Editions du Banc d'Arguin (9 avril 2012). 

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C’était il y a 30 ans. Cette année là le 8 juillet tombait un jeudi. Les tubes de l’été s’appelaient « Words », « Rock Amadour » ou encore « Just an illusion ». La météo était aussi chaude que pouvaient l’espérer les estivants et la France avait, pour la première fois depuis 1958, son équipe Nationale qualifiée pour la demi finale de la coupe du Monde qui se jouait en Espagne.

Pourtant le chemin avait été long et compliqué avec pour commencer une défaite 3-1 face à l’Angleterre dans la fournaise de San Mames, le stade de l’Athletic Bilbao. S’ensuivit une victoire aussi convaincante que rocambolesque face au Koweït (4-1), la France marquant un but refusé suite à l’intervention du frère de l’émir et d’un match nul au cours duquel Manuel Amoros avait sauvé la France de l’élimination en renvoyant le ballon de la tête sur sa ligne de but à la dernière minute.

La seconde place de l’Espagne avait fait qu’en seconde phase de poule la France se retrouva avec l’Autriche et l’Irlande du Nord. Libérés d’avoir passé le premier tour, les Bleus se lâchèrent en pratiquant un jeu magnifique contre l’Autriche vaincue 1-0 sur un coup franc magistral de Genghini et en faisant exploser l’Irlande du Nord  avec deux doublés de Giresse et Rocheteau. La technique et le collectif de l’équipe de France lui valurent dès lors le surnom de  « Brésiliens de l’Europe » (le Brésil ayant cette année là une équipe fabuleuse mais qui n’arriva pas à passer le second tour). Suite à ces deux victoires (la première ayant été acquise sans Platini, blessé) se profilait la demi finale face à la RFA (l’Allemagne étant alors coupée en deux).

« Celui qui n’a jamais vu ce match n’a jamais vu un match de football. Celui qui n’a jamais vu ce match n’a jamais vu un match de coupe du Monde » dira plus tard Michel Platini.

En effet, ce France RFA 1982 restera éternellement plus qu’un match de football. Si le football avait existé sous la Grèce antique, le scénario de ce duel serait sans aucun doute devenu le scénario de la plus grande des tragédies grecques. Comme le dit encore Michel Platini : « Aucun film au monde, aucune pièce ne saurait transmettre autant de courants contradictoires, autant d'émotions que la demi-finale perdue de Séville. »

En effet, en un peu plus de deux heures, ceux qui ont vu ce match sont passés par tous les sentiments de la vie. De la joie la plus intense lorsque Giresse court vers le banc de touche après le troisième but (« je cours vers la finale de la coupe du Monde » dira « Gigi ») à la plus extrême désillusion lorsque Hrubesch marque le dernier tir au but suite à l’échec du Grand (avec un grand G) Maxime Bossis. Du plus grand sentiment d’injustice lorsque Schumacher pût casser en toute impunité deux dents à Battiston, dans ce qui restera une des plus grandes injustices dans un match de Coupe du Monde,  au plus grand sentiment d’admiration en voyant les Tricolores développer un football de rêve pendant la quasi-totalité de la partie.

Séville, c’est en effet tout ça et même bien plus que ça. De ce match on peut faire un livre comme l’a fait Pierre-Louis Basse avec « Séville 1982 ».

Si, parmi tous les matches que j’ai vus dans ma vie, je ne devais en retenir qu’un seul ce serait celui-ci. Je l’avais vu au « café de la plage » à Soulac sur Mer où nous étions en vacances. Dans le café il y avait plus d’Allemands que de Français et les Allemands nous félicitaient pour la qualité de notre jeu. A la fin du match, craignant que des débordements de colère puissent avoir lieu côté français, ceux-ci nous consolaient en nous disant que nous avions une équipe merveilleuse. Ce soir là, au coup de sifflet final, je suis tombé en larmes dans les bras de mon père qui avait lui aussi la voix nouée par l’émotion. Je n’étais pas le seul, à la rentrée de septembre tous les copains du lycée ou presque reconnaissaient eux aussi en avoir chialé. Trop d’émotions. Trop d’injustice. Trop de choses vécues en un temps trop court.

A la sortie du café, je promis à mon père qu’un jour j’irai voir un match dans ce fameux stade « Ramon Sanchez Pizjuan ». Ce fût chose faîte le 14 août 2010 pour la finale aller de la super coupe d’Espagne FC Séville FC Barcelone. Je l’ai appelé depuis les tribunes en lui décrivant la barre sur laquelle la frappe d’Amoros s’était écrasée à la dernière minute, le lieu de l’agression de Schumacher ou encore le but dans lequel les Français avaient marqué trois fois et où s’était déroulée la séance de tirs aux but. Je lui ai alors dit : « Ce match, c’est un des moments les plus forts que nous ayons vécu ensemble », chose à laquelle il me répondit qu’il était totalement d’accord. Ironie de l’histoire, ce fût la dernière fois que je lui ai parlé depuis un stade puisqu’il tira sa révérence subitement quelques semaines plus tard. Séville était donc devenu doublement un lieu qui aura marqué ma vie.

Ce soir là mon voisin en tribune était un « socio » du FC Séville qui avait assisté au match dans la tribune des supporters français et qui m’a confirmé qu’il n’avait jamais vu des supporters aussi tristes après la fin d’un match.

J’ai eu aussi la chance de rencontrer dans la société d’un ami commun un des acteurs de cette tragédie : Le grand Marius Trésor. Fait du hasard, j’étais la veille au soir au Stadium de Toulouse à quelques sièges d’Alain Giresse. Après que notre ami eût fait les présentations, je dis à Marius : « Et bien dites moi, j’étais à côté de Giresse hier au soir, avec vous aujourd’hui, il ne manque plus que Platini et j’aurais à mon palmarès les trois buteurs de Séville ! »

A la fin de ma phrase, Marius Trésor m’a pris gentiment par les épaules alors que nous avions fait connaissance trente secondes avant et m’a répondu les yeux figés : « Ne me parlez plus de ce match. Ne me parlez plus de ce match ». C’était en 1993, plus de dix ans après le match, et on sentait que ce match était toujours en travers de la gorge du buteur du Maracana et de Sanchez Pizjuan…

Trente ans après que reste t’il ? Un match inoubliable ? Une équipe mythique ? Un scénario « hitchkockien » ? Beaucoup de tout ça et même beaucoup plus que tout ça.

Il reste une merveilleuse équipe de France volée par un arbitre hollandais qui avait choisi son camp dès le début du match en ne sanctionnant aucune des agressions de Schumacher y compris la pire sur Battiston, qui refusa un but parfaitement valable à Rocheteau en début de seconde période et qui permit aux allemands de revenir à 3-2 à la dernière minute de la première prolongation en ne sanctionnant pas deux fautes flagrantes sur Giresse et Tigana.

L’image de Mr Corver plaisantant avec les allemands à l’aéroport de Séville après le match révolta encore plus, et à juste titre, les joueurs de l’équipe de France.

Il reste une équipe d’Allemagne qui restera plus dans les mémoires pour son boucher dénommé Harald Schumacher que pour sa combativité qui lui permit de remonter deux buts en prolongation. « Toni » Schumacher, le tueur de Cologne qui exécuta ses basses œuvres ce soir là à Séville n’a même pas reçu la moindre sanction de la FIFA ni de sa fédération alors que les images étaient accablantes pour lui. Inutile de dire qu’à cette occasion la Deutscher Fussball Bund (la fédération allemande de football), s’est totalement déshonorée et a démontré que le terme « éthique » était totalement absent de ses statuts, chose qu’on savait déjà depuis 1954 et la victoire d’une équipe d’Allemagne dopée à la métamphétamine qui avait terrassé, encore une fois avec la complicité de l’arbitre, la merveilleuse équipe de Hongrie.

Il reste le jeu fantastique à une touche de balle d’artistes du ballon rond qui s’appelaient ce soir là Jean-Luc Ettori, Maxime Bossis, Manuel Amoros, Marius Trésor, Gérard Janvion, Jean Tigana, Bernard Genghini, Christian Lopez, Patrick Battiston, Alain Giresse, Michel Platini, Didier Six et Dominique Rocheteau sans oublier, bien entendu, Michel Hidalgo.

Il reste dans les mémoires de la France entière une fierté immense pour son équipe qui avait perdu avec les honneurs, la manière et sous les applaudissements de la planète entière comme le décrivit si bien Francis Huster dans sa « Lettre ouverte à Michel Platini » publiée peu après par « l’Equipe ». D’ailleurs, la Une de « l’Equipe » n’était elle pas le lendemain du match barrée d’un seul mot en lettres capitales : FABULEUX ! Pour qualifier une défaite en demi finale de coupe du Monde de « fabuleuse », il faut vraiment que ce match fût fabuleux…

On aimerait aujourd’hui retrouver une telle équipe d’artistes pour remplacer ceux qui nous ont fait honte en 2010 et il y a quelques jours en Ukraine. Il y a trente ans, treize joueurs et un entraîneur ont fait naître l'équipe de France sous les yeux de la planète entière, qu’ils en soient pour toujours remerciés.

Mais finalement, pourquoi parler de « Match de Séville » alors que ce soir là, c’est bien plus qu’un match qui s’est joué ?

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