Encadrement des loyers : une fausse bonne idée, c'est l'offre qu'il faut stimuler<!-- --> | Atlantico.fr
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"L'encadrement proposé remet en cause le principe de libre circulation des prix et des loyers."
"L'encadrement proposé remet en cause le principe de libre circulation des prix et des loyers."
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Dogmatisme immobilier

L’encadrement des loyers, promis par François Hollande, se précise. Le décret du ministère du Logement, qui concernera 41 agglomérations où les prix ont flambé, encadre la hausse des loyers lors de la relocation et du renouvellement du bail. Un dispositif plébiscité par 70% des Français, à défaut d'être réellement efficace.

Michel Mouillart

Michel Mouillart

Michel Mouillart est professeur d'économie à l'Université Paris X, spécialiste de l'immobilier et du logement.

Il est le co-auteur de La modernité des HLM : Quatre-vingt-dix ans de construction et d'innovations (La Découverte, 2003).

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Atlantico: Pour l'UNPI (Union nationale de la propriété immobilière), qui représente les propriétaires, l'encadrement des loyers fera flamber les prix. Cette mesure voulue par le gouvernement pour faire baisser les loyers risque-t-elle finalement de se révéler contre-productive ?

Michel Mouillart : Pendant toute la campagne présidentielle, on a entendu parler d'encadrement des loyers, voir de blocage. Le scénario qui a longtemps circulé était le suivant : en cas de relocation, la hausse maximale serait limitée à l'IRL (indice de révision des loyers). Sur cette base là, le risque était de décourager les propriétaires de faire des travaux dans leur logement.

Mais le décret du ministère du Logement prévoit des dérogations en cas de travaux dans le logement ou de loyer manifestement sous-estimé. L'impact de l'encadrement des loyers devrait donc finalement être assez limité.

Jean Perrin, le président l'UNPI, affirme dans le Nouvel Obs «Beaucoup de propriétaires vont refuser de louer et les autres vont renoncer à investir dans de nouveaux logements. Les prix vont flamber, car il va y avoir encore moins de logements sur le marché. »Ce scénario est-il crédible ? 

L'UNPI est dans son rôle de représentant des propriétaires. Le dispositif est moins brutal que prévu. Toutefois, l'encadrement proposé remet en cause le principe de libre circulation des prix et des loyers.

Par ailleurs, il y aura des effets pervers.
Par exemple, pour un propriétaire bailleur qui effectuera de gros travaux d'isolation thermique, le montant de ses travaux sera bien plus élevé que l'augmentation du loyer annuel qui, selon le décret du gouvernement, ne pourra excéder 15 % du coût TTC des travaux effectués.

L’encadrement ne concernera que certaines agglomérations. Le gouvernement a constaté que «Les loyers des logements locatifs privés situés en Ile-de-France et dans les grandes agglomérations atteignent (…) des niveaux très élevés en comparaison avec les loyers moyens constatés sur l’ensemble du territoire. » Selon les chiffres du ministère, «On enregistre en 2012, des loyers moyens de 24,1 €/m² à Paris, 17,9 €/m² en Ile-de-France ou encore 14,3 €/m² à Nice » contre 12,5 €/m² en moyenne sur le reste du territoire. N'y a-t-il pas des abus ?

Le zonage traditionnel qui ne correspondait à rien est abandonné au profit du bassin d'habitat ou d'activité. C'est un progrès.

Pour autant, les écarts considérables de loyers entre Paris, l'île de France, Nice et le reste de la France correspondent aux écarts de salaires entre ces différentes régions. Par ailleurs, cet écart, que l'on remarque dans le parc locatif privé, est exactement le même pour le parc locatif social.

Les loyers du parc locatif privé progressent moins vite que ceux du parc locatif social. L'argument des différences de niveau de loyers entre "zones" ne tient pas. Il ne fait que refléter les différences de revenus qu'on observe entre les ménages. 

Est-ce les loyers qui sont trop élevés ou les revenus des Français qui sont trop faibles ?

Plus personne ne se trompe. Les revenus des ménages sont insuffisants. En réalité, ces six dernières années les prix des loyers ont progressé moins vite que l'inflation. 

Les ménages qui restent locataires sont ceux qui ne parviennent pas à accéder à la propriété. Ceux qui restent n'ont pas les revenus suffisants pour partir. Il y a un problème de pouvoir d'achat en France.

Existe-t-il des moyens pour parvenir à des loyers raisonnables ? Peut-on jouer sur l’offre ?

En France, on n'a pas construit suffisamment pendant très longtemps, notamment dans les zones qui sont encadrées aujourd'hui. Les élus locaux n'étaient pas très favorables à la construction de logements privés ou sociaux. Sur tous ces territoires, on est en situation d'insuffisance d'offre. Dans ces conditions, il y a forcément des pressions sur le prix des loyers.

La question n'est pas de savoir s'il faut encadrer les loyers, mais comment faire pour élever rapidement et fortement le niveau de la construction.L'encadrement des loyers ne changera rien à l'insuffisance d'offre. Le problème vient du déséquilibre quantitatif entre l'offre et la demande. Il faut y réfléchir.

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