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Conférence sociale : le dialogue social français moins difficile
qu'on ne le répète
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La conférence sociale organisée par le gouvernement s'ouvre lundi. A cette occasion, le manque de représentativité des syndicats et les difficultés pour trouver un consensus ont été déplorés. Pourtant, le dialogue social fonctionne, et ce depuis 2007 déjà...

Claude Didry

Claude Didry

Sociologue, Directeur de recherche au CNRS, Directeur de l'IDHE 

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Atlantico : La conférence sociale organisée par le gouvernement s'ouvre lundi. A cette occasion, le manque de représentativité des syndicats et les difficultés pour trouver un consensus ont été déplorés. Le dialogue social est-il particulièrement difficile en France ?

Claude Didry :Les difficultés sont surtout dues à un contexte général, délétère de restructurations nombreuses dans les entreprises.

Ces difficultés existent, comme on l’a vu au début de l’année 2012 : Nicolas Sarkozy avait organisé un sommet social dont il était sorti une réflexion qui a suscité la controverse sur les accords compétitivité-emploi. Le débat s’est arrêté juste avant l'élection présidentielle, mais il s’agissait de permettre aux entreprises en difficulté de remettre en question le droit social. Cet accord, revendiqué par le MEDEF, a créé beaucoup de tensions et supposait de nombreux problèmes juridiques, notamment celui de la continuité des contrats de travail. Qui plus est, la question du dumping social s’est posée : imaginez que Renault et Peugeot s’adonnent à ces pratiques en arguant de leurs difficultés, cela donnerait lieu à une course à la baisse des salaires en Europe.  

Mais malgré tout, les institutions fonctionnent depuis 2007 et aboutissent à des résultats. Il n’y a pas plus de problème en France pour trouver le consensus que dans les autres États.

Les syndicats souffrent-ils réellement d'un problème de représentativité en France ?

Une loi d’août 2008 a réformé la représentativité des syndicats en introduisant un nouveau critère, celui du résultat aux élections professionnelles. Or le taux de participation à ces élections est de 60% en moyenne. Les partenaires sociaux sont donc de plus en plus légitimes – au sens de leur audience auprès des salariés.

Le taux de syndicalisation en France est de 8%. Mais ce n’est qu’une moyenne ; il y a donc des secteurs très faiblement syndicalisés. On a évidemment un problème de militantisme syndical.

Cela dit, le PS ou l’UMP rencontrent aussi un problème de militantisme. Et pourtant, on ne dit pas qu’ils souffrent d’un manque de représentativité. Depuis 2008, les syndicats sont ni plus ni moins représentatifs que le sont les partis au pouvoir.

Ne doit-on pas s'inspirer des modèles allemand ou suédois ?

Je ne crois pas que ces modèles nous surpassent. Au final, le système allemand se rapproche du nôtre. Nos systèmes reposent sur deux pieds : d’une part, l’adhésion syndicale ; d’autre part, la représentation du personnel dans les comités d’entreprise. La différence tient à ce que les conseils d’entreprise allemands ont des pouvoirs plus étendus, notamment en matière d’emploi. Ils peuvent bloquer leur destruction. Cela explique en partie pourquoi le modèle allemand a mieux résisté à la crise, en s’y adaptant par des stratégies de chômage partiel plutôt que de licenciements collectifs.

En Allemagne, les entreprises ont plus de marge de manœuvre – parce que compétitivité y est plus forte. C’est d’ailleurs ce qui explique le poids plus important des syndicats.

En Suède, le dialogue social repose sur une adhésion syndicale massive. Le syndicat a de multiples fonctions : assurance chômage, assurance professionnelle, protection sociale… On ne peut tout simplement pas comparer les syndicats suédois aux français, car ce sont des institutions différentes.

Personnellement, je regarderais plus vers le modèle du dialogue social européen. La confédération européenne des syndicats discute avec Business Europe, le Centre européen des entreprises à participation publique, et ces discussions aboutissent à des directives très importantes en matière de représentation des salariés, de régulation du temps de travail, des contrats de travail, etc. Ce modèle a contribué à renforcer le dialogue social en France, car cela a forcé les syndicats français à s’accorder entre eux avant de dialoguer au niveau européen. On l’ignore malheureusement aujourd’hui – surtout depuis la présidence Barroso à la Commission, très libérale, qui ne range pas le dialogue social parmi ses priorités. Or c’est le levier par excellence qui permettrait de faire face au risque de dumping social au sein du marché unique, pour éviter que des pays comme l’Italie ou l’Espagne baissent leurs salaires afin de gagner en compétitivité, ce qui provoquerait une déflation des salaires européens.

La gauche au pouvoir va-t-elle initier une nouvelle ère dans le dialogue social ?

Les rencontres au sommet existaient déjà sous la présidence Sarkozy – en-dehors, malheureusement, de la réforme des retraites, qui n’avait pas donné lieu à la consultation des partenaires sociaux. Instaurées par une loi sous le gouvernement Chirac, en janvier 2007, elles se déroulent dans un cadre législatif qui implique de consulter les partenaires sociaux sur les grands projets de loi qui touchent au droit social et au droit du travail. Cette conférence sociale est l’occasion de confirmer cette dynamique.

Il est vrai que le dialogue social tient une place importante dans le programme de François Hollande, qui proposait d’intégrer la consultation des syndicats dans la Constitution.

Quel est l’importance du dialogue social dans le contexte des restructurations actuelles ?

Il existe, dans les entreprises françaises aujourd’hui, une attente très forte de renforcement des pouvoirs des comités d’entreprise. Les élus du personnel possède une connaissance des entreprises qui doit être valorisée. Les salariés veulent discuter des restructurations. Ils souhaitent que l’emploi cesse d’être une variable d’ajustement qui dépend des intérêts actionnariaux, que les travailleurs soient des acteurs de l’entreprise – et non plus seulement des coûts. Si une entreprise est compétitive, ce n’est pas seulement parce que les salariés coûtent peu cher ; mais aussi parce qu’ils sont inventifs et bien formés. Alcatel par exemple développe ses marges grâce à des produits innovants.

Les affaires Molex, Continental, Goodyear, Florange ou encore PSA nous le montrent. Cela illustre à quel point le pouvoir politique a besoin de prendre en compte ces attentes, sous peine d’être totalement décrédibilisé. Nicolas Sarkozy, à Gondrange, y faisant des promesses et ne les tenant pas, a été un tournant dans le quinquennat. L’enjeu pour le gouvernement est donc capital. 

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