Enfin découvert ! Le Boson de Higgs, cette "particule de Dieu" qui nous permettra de mieux comprendre l'Univers<!-- --> | Atlantico.fr
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"Une telle découverte booste donc la technique, l’industrie, et génère bon nombre de retombées immédiates par l’instrumentation dont elle se sert, et qu’elle a générée".
"Une telle découverte booste donc la technique, l’industrie, et génère bon nombre de retombées immédiates par l’instrumentation dont elle se sert, et qu’elle a générée".
©DR

Particule particulière

C'est sûr à à 99,9999% ! Le CERN a annoncé ce mercredi avoir découvert une nouvelle particule, qui serait le fameux "boson de Higgs". Les implications de cette découverte scientifique majeure...

Sandrine Laplace

Sandrine Laplace

Sandrine Laplace est chercheur au CNRS, à l'Institut National de Physique nucléaire et de Physique des particules.

Elle participe au programme Atlas, porté par le LHC, le plus grand accélérateur de particules jamais construit.

Voir la bio »

Atlantico : Qu’est-ce que ce "Boson de Higgs" qu'aurait découvert ce jeudi le CERN ?

Sandrine Laplace : Le boson de Higgs est une particule qui est la manifestation de quelque chose de plus profond, qu’on appelle le champ de Higgs. Ce champ occupe tout l’espace, « le vide » dans notre jargon scientifique, selon une théorie scientifique.

Ce champ est important parce que toutes les autres particules, que l’on connait déjà bien (l’électron par exemple) interagissent avec ce champ, et c’est cette interaction qui leur fait acquérir une masse. C’est la raison pour laquelle on a l’habitude de dire que le boson de Higgs est lié à la masse des autres particules. Si on observe un boson de Higgs, on observe alors une preuve indirecte, mais indubitable, de l’existence de ce champ, et donc par la même occasion l’explication sur la masse des autres particules.

Pourquoi l’existence de ce champ est-elle si importante scientifiquement ?

Justement parce que l’on n’est pas capable, dans la théorie qu’on a construite aujourd’hui - dite du modèle standard - de donner une masse aux particules. Le modèle standard est une théorie élaborée scientifiquement, par laquelle on est capable d’organiser tout ce qu’on a observé sur la matière et les particules, à l’aide des accélérateurs. Cette construction mathématique a classifié les particules, expliqué leurs interactions…

Cependant, cela peut paraître bête mais malgré notre observation des particules, on ne peut leur donner une masse par un autre moyen qu’avec ce champ. Cette idée, que Peter Higgs ainsi que d’autres (Joseph Brout, François Englert…) ont trouvée, est la seule dont on dispose pour introduire la masse des particules. Cette hypothèse tient donc sur ce modèle standard.

L’effervescence dans le milieu scientifique autour de cette nouvelle est donc proportionnelle aux attentes suscitées autour de nombreuses recherches sur cet élément…

Absolument. Cette idée est vieille de 50 ans ! De nombreux programmes se sont cassés les dents sur cette particule. Là, avec le LHC (le plus puissant accélérateur de particules au monde), on a enfin réussi, avec une énergie beaucoup plus haute, à produire suffisamment de collisions pour le voir. Néanmoins restons prudents : "voir" signifie que l’on observe une nouvelle particule, c’est une certitude. Toutefois on n’est pas en mesure, scientifiquement, d’affirmer que cette particule est le très recherché boson de Higgs. Pour cela il va falloir procéder à des mesures complémentaires qui vont prendre plusieurs années.

En tant que scientifiques nous nous attachons aux faits, qui vont venir confirmer ou infirmer les hypothèses de nos théoriciens. D’autres explications théoriques que le boson de Higgs peuvent s’appliquer à la particule que l’on vient d’observer. Le travail de recherche n’est donc pas terminé. Il va falloir trier tous les modèles qui nous prédisent l’existence de ces particules. Pour l’instant toutes les données sont compatibles avec notre modèle standard, maintenant nous devons réfuter les autres hypothèses.

Si cette particule s’avère ne pas être le boson de Higgs, cette découverte en sera-t-elle minimisée ? Pourra-t-elle constituer alors une déception ?

Pas du tout. Nous, scientifiques, ne portons pas de jugement de valeur. Le fait d’avoir observé une nouvelle particule est déjà extraordinaire pour la communauté scientifique. On a un modèle standard des particules très complet qui, depuis un demi-siècle, explique rigoureusement tout ce qu’on a vu, et qui est cohérent. Pour la première fois nous sommes devant un élément nouveau, qui est peut-être le chaînon manquant de notre modèle. S’il ne l’est pas, cela n’enlève rien à l’importance de cette découverte, qui ouvre une porte vers un nouveau pan des particules.

La découverte du boson de Higgs conditionne-t-elle un peu la compréhension du monde de l’infiniment petit ?

Totalement. Notre modèle explique beaucoup de choses, mais on a pu se rendre compte de ses limites. On sait qu’il ne marche plus quand on descend encore plus dans l’infiniment petit, c’est-à-dire quand on monte encore plus dans l’énergie, autrement dit quand on remonte encore plus dans le temps.

Fondamentalement, nous sommes conscients qu’il existe un autre modèle, que nous n’avons pu encore élaborer, faute de données expérimentales. Cette découverte vient donc d’ouvrir une porte, pour peut-être découvrir ce qui existe au-delà de notre modèle standard.

Une fois le boson de Higgs découvert, que restera-t-il à découvrir dans ce domaine ?

Beaucoup de choses ! Notre modèle standard a montré ses limites en cas de montée en énergie dans les accélérateurs de particules. On s’attend donc à trouver d’autres particules qui ne sont pas le boson de Higgs, par exemple les particules supersymétriques, une des nombreuses théories qui pourraient prendre la suite de notre modèle. C’est une grande partie du programme de recherche du LHC actuellement.

Au-delà de la pure connaissance scientifique, quel peut-être l’intérêt concret de cette découverte, si tant est qu’il ne soit pas trop tôt pour en définir un ?

Imaginons qu’il s’agisse vraiment du boson de Higgs… Personne ne peut avoir aucune idée de son utilisation potentielle dans une application pratique à long terme. Au début du siècle, lors de l’élaboration de la mécanique quantique, la même question aurait pu être posée… La réponse est simple : aujourd’hui presque 80% du chiffre d’affaires mondial découle sur la mécanique quantique, en ce que toute l’électronique est basée dessus. Il est donc possible que le boson de Higgs ait un jour une utilisation pratique, mais personne ne peut le prédire à l’heure actuelle.

Néanmoins il existe plusieurs retombées immédiates issues de la découverte présentée aujourd’hui. Nous avons en effet dû construire des détecteurs à la limite de la technologie, en faisant montre d’une grande imagination. Une telle découverte booste donc la technique, l’industrie, et génère bon nombre de retombées immédiates par l’instrumentation dont elle se sert, et qu’elle a générée. C’est un cercle vertueux.

Propos recueillis par Romain de Lacoste

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