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La bombe nucléaire pour l’Iran :
pas forcément si dangereux
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Iran atomique !

L'Iran a lancé mardi plusieurs dizaines de missiles balistiques lors d'un exercice de simulation contre "une base militaire ennemie". De part son histoire, sa civilisation, l'Iran a toujours souhaité devenir une grande puissance régionale, l'arme nucléaire ne serait donc au final qu'un moyen de parvenir plus vite à cette ambition.

Thierry Coville

Thierry Coville

Thierry Coville est chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Iran. Il est professeur à Novancia où il enseigne la macroéconomie, l’économie internationale et le risque-pays.
 
Docteur en sciences économiques, il effectue depuis près de 20 ans des recherches sur l’Iran contemporain et a publié de nombreux articles et plusieurs ouvrages sur ce sujet.
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Avant tout débat sur la question du nucléaire iranien, il est en effet essentiel de rappeler certains faits historiques :

  • Le programme nucléaire iranien a été lancé du temps du Shah, sous le régime précédent, dans les années 1950. Si ce programme était de nature civile, on sait que le Shah pensait également à ses incidences militaires ;
  • Ce programme a été stoppé après la révolution de 1979 par l’Imam Khomeiny, qui s’y opposait pour des raisons religieuses ;

  • On sait que ce programme a été redémarré au milieu des années 1980. Les dirigeants iraniens, dont l’Imam Khomeiny, sont arrivés à la conclusion que le conflit avec l’Irak avait révélé à quel point l’Iran était vulnérable. Les forces conventionnelles iraniennes n’avaient pas pu empêcher l’armée irakienne d’envahir le pays. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies n’a jamais condamné l’attaque de Saddam Hussein. De ce fait, le régime iranien est arrivé à la conclusion qu’il avait besoin d’une force de dissuasion, ce qui l’a conduit à relancer le programme nucléaire militaire et à lancer la construction de missiles. Tout cet historique permet de comprendre que ce programme n’avait rien à voir avec la question israélienne ;
  • Depuis cette date, l’environnement stratégique de l’Iran a changé. L’Irak est devenu un pays allié gouverné par des chiites. Dans ce contexte, on ne sait pas quel est l’objectif final du programme nucléaire iranien. Rappelons que l’AIEA (Agence internationale pour l'énergie atomique) n’a jamais trouvé de preuve de la présence d’un programme militaire. Par contre, on peut penser que la volonté iranienne de maîtriser l’ensemble du cycle technologique cache une volonté d’atteindre un « seuil technologique », en clair, avoir la capacité de construire rapidement une bombe si nécessaire.

Est-ce que cette hypothèse, si elle se réalisait, accroîtrait la puissance régionale de l’Iran ? Tout d’abord, cette volonté d’être une puissance régionale existe en Iran, programme nucléaire ou pas, du fait notamment du sentiment nationaliste iranien nourri par le souvenir d’appartenir à une des plus vieilles civilisations du monde. Par ailleurs, la stratégie iranienne consiste plutôt à accroître son pouvoir d’influence régional à travers de multiples vecteurs religieux, culturels, diplomatiques, économiques, etc.

Voir dans l’Iran le pays qui veut déstabiliser ses voisins est ridicule
. Toutes les discussions à propos de la menace « chiite » sont souvent très superficielles. Le soutien de l’Iran au gouvernement chiite irakien s’explique d’abord par le souvenir de Saddam Hussein. C’est vrai qu’il peut exister des tensions inter-religieuses mais celles-ci s’expliquent souvent par des inégalités économiques ou « culturelles » qui ont des causes nationales. Le danger est l’instrumentalisation politique de ces tensions et le rôle de l’Arabie Saoudite à Bahreïn et même en Syrie est à cet égard dangereux.

Qu’en est-il des risques de prolifération dans la région ? Tout d’abord, pourquoi cette inquiétude soudaine alors que les pays occidentaux ont laissé Israël, l’Inde et le Pakistan acquérir en toute impunité l’arme nucléaire ? Par ailleurs, est-ce que c’est l’Iran le seul problème ? La frontière entre le nucléaire civil et militaire reste poreuse et le développement de l’énergie nucléaire, souvent pour des raisons commerciales, dans la région amènera certains régimes à, au moins, se poser la question de l’acquisition de ce seuil technologique.

En fait, derrière cette question de l’Iran nucléaire, se pose une autre beaucoup plus importante qui est l’analyse de l’environnement politique régional. Cette question du nucléaire sera réglée in fine par les peuples de la région. Et la spectaculaire modernisation de la société iranienne depuis 30 ans rend relativement optimiste à ce sujet.

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