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Le Hezbollah va-t-il 
se tenir à l’écart du brasier syrien ?
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Voisins, copains ?

Malgré la rhétorique ambiante et les rumeurs concernant l’implication du Hezbollah dans la répression en Syrie, le Parti de Dieu n’a aucun intérêt à s’immiscer dans les affaires de son encombrant allié. De son côté le régime syrien n’est pas arrivé à un stade de délitement qui nécessite l’aide d’un acteur non-étatique et étranger tel que le Hezbollah.

Wassim Nasr

Wassim Nasr

Wassim Nasr est journaliste et veilleur analyste. Il est diplômé à l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques (CEDS).

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Depuis le début du soulèvement en Syrie beaucoup ont accusé le Hezbollah d’aider le régime syrien dans la répression des opposants. Ces accusations ne se basent pas sur des faits, mais sur des rumeurs qui trouvent leurs fondements dans le jeu d’alliances régionales et dans la confrontation indirecte à laquelle se livrent l’Arabie Saoudite et la République Islamique d’Iran depuis des décennies dans toutes les « arènes » du Proche-Orient.

Mais on oublie que l’utilité et la valeur ajoutée du Hezbollah pour Téhéran résident dans sa capacité à constituer une menace pour l’Etat hébreu et non dans le soutien d’un régime baathiste aux abois. Surtout après le changement de cap du Hamas et sa sortie officieuse du giron syro-iranien. Une implication directe du Hezbollah en territoire syrien le privera de sa capacité de nuisance vis-à-vis d’Israël et ôtera de ce fait une carte importante des mains du négociateur iranien. Téhéran n’a aucun intérêt à sacrifier un Hezbollah à l’apogée de sa puissance, après l’échec des négociations - avec les Six (les cinq membres du Conseil de Sécurité + l’Allemagne) - de Moscou, cela malgré les lueurs d’espoir qui ont suivis les précédentes négociations d’Istanbul.

Depuis des mois le Hezbollah a entamé une opération d’envergure pour rapatrier son armement stocké en territoire syrien. Toutes les nuits les habitants de Dahié (banlieue sud de Beyrouth) témoignent d’un ballet de camions déchargeant leurs  cargaisons dans plusieurs entrepôts du bastion chiite. Parallèlement le Parti de Dieu retourne à la table des négociations - suivant l’appel du Président de la République Libanaise Michel Souleiman - pour discuter son armement et la « stratégie défensive » à adopter en accord avec les autres composantes politiques libanaises. Deux démonstrations de la primauté des préoccupations locales, qui démontrent à leurs tours que le Hezbollah agit dans l’optique d’un inévitable changement du pouvoir à Damas.

Certes il existe au sein du parti chiite un courant qui appelle à une implication directe dans le soutien au régime syrien. Une partie de l’appareil politique estime que la chute du régime Baathiste signera la fin du camp de la « résistance » et qu’il faudra tout mettre en œuvre pour maintenir Assad au pouvoir. Mais le courant qui s’y oppose a toujours la main haute fort du veto iranien à une telle entreprise. Cela dit les deux courants existent aussi au sein de l’appareil d’Etat iranien, entre le Guide de la Révolution Khamenei qui est pour épargner à l’Iran et au Hezbollah les hasards d’une implication directe dans le conflit syrien et le courant du Président Ahmadinajad qui lui pousse vers un soutien inconditionnel à Bachar el-Assad.

Il ne faut pas oublier aussi qu’au sein même du Hezbollah le courant anti-syrien a toujours exister. Une tendance qui s’est renforcée avec la confirmation de l’implication des renseignements syriens dans l’assassinat d’Imad Moughnieh (à la tête des opérations militaires du Hezbollah) à Damas en 2008.  Sans oublier qu’à la fin des années 1980, le Hezbollah (représentant l’influence iranienne) s’est imposé par la force des armes face à la formation chiite rivale Amal (représentant l’influence syrienne). Cela dit le Parti de Dieu a su s’adapter à la période de la « pax-syriana » (1990-2005) en destituant son chef le Cheikh Sobhi el-Toufaïli (ouvertement anti-syrien et maestro de la victoire du Hezbollah sur le terrain). Donc il n’est pas à exclure qu’une manipulation similaire soit planifiée à la tête du parti en adaptation à un nouvel équilibre régional moins favorable.

Une réalité qui pourra néanmoins rattraper le Hezbollah

La prise d'otage des pèlerins chiites en territoire syrien met un terme au mythe de la toute puissance du Hezbollah. Avec son incapacité à donner des réponses aux familles, le Parti de Dieu voit son autorité faiblir sur sa propre base populaire et sur sa « rue ». Le flou qui entoure les tentatives de libérations – certaines sources proches du dossier évoquent un déploiement massif de l’armée syrienne d’autres un bombardement de la région – ajoute à la confusion. Des tracts ont été distribués dans  les rues de Dahié menaçant respectivement la population et l’État turc, comme la population et l’État syrien des conséquences de cette prise d’otages.

L’incapacité du Hezbollah à tenir sa « rue », se traduit dans les rumeurs concernant l’énonciation d’une Fatwa religieuse qui interdirait le blocage de l’autoroute menant à l’aéroport de Beyrouth. (1) S’ajoute à cela plusieurs incidents sécuritaires  entre différents clans chiites de cette même banlieue ou dans la plaine de la Bekaa ; même si ces accrochages sont habituels le contexte de crise leur donne  une nouvelle dimension démontrant que l’évolution des choses échappe à la discipline de fer du Parti de Dieu.

Le Hezbollah qui tient le pays du Cèdre depuis son coup d’Etat « démocratique » de 2010, n’a rien à gagner à travers une implication dans le conflit syrien et à encore moins à gagner dans un embrasement au Liban. Mais l’évolution du conflit syrien et sa dimension confessionnelle pourraient mener à une implication de facto du Parti de Dieu, suite à une implication de sa base populaire. L’hégémonie militaire du Hezbollah au pays du Cèdre pourra aussi être mise à l’épreuve avec la constitution d’une force combattante sunnite aguerrie au combat sur le théâtre syrien. (2) Tous ces éléments réunis poussent le Hezbollah à une politique de préservation des acquis qui écarte de fait toute implication dans le conflit syrien et toute escalade sur la scène libanaise.

Les acteurs régionaux du théâtre syrien n’ayant pas encore clairement choisi la régionalisation comme sortie du statut quo, on constate que les acteurs locaux et les évolutions tragiques sur le terrain poussent indéniablement vers cette voie. Le long conflit libanais et le conflit irakien après lui nous donnent assez d’éléments pour savoir qu’arriver à un certain stade les décisions se font et se défont dans la rue et non dans les salons bien cossus.

(1) Cette autoroute - jouxtant Dahié - a été bloquée à plusieurs reprises par les familles des otages. Ce moyen de pression a été régulièrement utilisé pour diverses raisons et depuis des années par les habitants chiites de la banlieue sud de Beyrouth, mais toujours avec le feu vert du Hezbollah ; ce qui ne fut pas le cas de la dernière manifestation durant laquelle un responsable du Parti de Dieu a été agressé par la foule.

(2)Une telle force n’existait pas le 7 mai 2008, ce qui permit au Hezbollah de s’imposer sans grande difficulté dans les quartiers sunnites de Beyrouth et donc d’imposer sa volonté par la force des armes aux autres composantes politiques du pays.

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