La solution pour éviter les dépassements d’honoraires des médecins : la rémunération au forfait<!-- --> | Atlantico.fr
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Un médecin sur quatre réclamerait aux patients des honoraires supérieurs à ce que rembourse la sécurité sociale.
Un médecin sur quatre réclamerait aux patients des honoraires supérieurs à ce que rembourse la sécurité sociale.
©Flick/Alex E. Proimos

Trop c'est trop !

Afin de lutter contre la « fraude organisée » que sont les dépassements d’honoraires, la ministre des Affaires sociales et de la Santé Marisol Touraine a annoncé vouloir instaurer le plafonnement des honoraires. Un médecin sur quatre réclamerait aux patients des honoraires supérieurs à ce que rembourse la Sécurité sociale.

Christian Saout

Christian Saout

Christian Saout est président du Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS). 

Le CISS a développé, dans le cadre des présidentielles 2012, une campagne consacrée aux enjeux de l’accès aux soins où il était notamment question des dépassements d’honoraires.

 

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Les dépassements d’honoraires flambent depuis plus d’une décennie. Ce n’est donc pas nouveau. Ils sont estimés à un peu plus de deux milliards d’euros pour la médecine de ville, et pour les spécialités comme le dentiste ou l’optique l’estimation porte sur plus de 4 milliards d’euros. La situation n’est pas meilleure dans le monde hospitalier comme le rapporte régulièrement la presse.

C’est en 1980 que le gouvernement de Raymond Barre, au prétexte de retenir les meilleurs médecins tentés de partir à l’étranger, décide de créer ce secteur II à honoraires libres. Prévu pour être exceptionnel, le mécanisme a fini par se généraliser, notamment parce que les consultations n’ont pas été revalorisées par l’assurance maladie. Mais d’autres phénomènes ont joué : les assurances complémentaires se sont rapidement proposées de les rembourser moyennant des cotisations de plus en plus élevées et une concurrence acharnée entre elles. Enfin, les charges de gestion d’un cabinet en médecine de ville sont plus élevées dans certaines zones en raison des prix du loyer ou du foncier.

La situation est particulièrement sensible à Paris et dans les grandes villes où la clientèle est nombreuse et plus riche que dans les autres territoires. Il est également admis que ce phénomène de dépassements massifs touche surtout les spécialistes et faiblement les généralistes.

En tout état de cause, cela devient inacceptable quand les patients n’ont plus le droit au choix. Or, c’est ce que l’on observe de plus en plus : impossible de trouver une chirurgie de la cataracte au tarif de secteur I dans plusieurs départements de France métropolitaine, par exemple. Le citoyen qui a cotisé une quarantaine d’années trouverait pourtant assez normal de disposer d’un tel service sans effectuer une centaine de kilomètres. D’autant plus qu’il s’agit d’un acte simple, généralement sans risque.

A ce jour, aucune des solutions adoptées n’a permis de limiter les dépassements d’honoraires. Bien au contraire. L’encadrement pourrait-il être une solution ? Probablement pas à lui tout seul, en tant que tel. On l’a vu avec la proposition récente du Conseil national de l’ordre des médecins, consistant à interdire les dépassements d’honoraires au-delà de 3 à 4 fois le tarif de base, qui ne fait que reconnaître les pratiques en cours dans leur estimation haute. Un plafonnement dont l’effet serait de sanctuariser la situation actuelle et non pas de la résoudre. On peut même penser qu’elle aboutirait à augmenter les dépassements, en créant un appel à pratiquer systématiquement 3 à 4 fois le tarif de base. Pas sûr que ce soit une bonne idée.

En fait, il vaudrait mieux revaloriser les honoraires des consultations qui ont bien besoin de l’être. D’autant que l’on a revalorisé les actes techniques et que dans un contexte de maladies chroniques, comme c’est le cas aujourd’hui, c’est surtout le temps médical pour dialoguer avec le patient qui est nécessaire. Nous pensons donc qu’il est nécessaire de revaloriser les consultations. En outre, et toujours parce que nous vivons au temps des maladies chroniques, il serait encore plus judicieux d’instaurer une rémunération au forfait pour la prise en charge de ces malades et la coordination de leurs soins. Comme l’ont fait de nombreux pays étrangers.

Ce doit être l’horizon de la mandature pour redonner un sens à ce que l’on appelle le « tarif opposable ». En effet, il faut du temps pour réviser une nomenclature des actes cliniques. Que faire en attendant ? Probablement plafonner les dépassements comme le propose Marisol Touraine. Mais, il ne faut pas que ce soit un mensonge : reconnaissons donc qu’il ne s’agit pas de les faire disparaître. Et veillons à ce qu’ils n’augmentent pas. Pour cela, il faut qu’il y ait un observatoire d’évaluation externe du respect des engagements de la convention médicale, qui s’intéresserait notamment aux dépassements d’honoraires. Ce n’est pas très difficile à faire : l’assurance maladie a toutes les données et au siècle de l’open data elle doit les rendre disponibles. D’autant que ces données sont collectées avec l’argent des cotisations des assurés sociaux. Cet observatoire doit être indépendant des acteurs conventionnels (assurance maladie et syndicats de médecins) et comporter des représentants de l’Etat et des usagers. Les premiers chiffres doivent tomber dans un an. Le plafonnement, s’il devait être décidé, doit donc comporter une clause de « revoir » au mois de décembre 2013.

Par ailleurs, cette action doit être complétée de solutions locales, territoire par territoire, pour que chaque citoyen puisse trouver un professionnel de santé au tarif de secteur I à proximité de son domicile. Ce qui nécessite d’autres mesures pour une répartition plus harmonieuse des médecins en fonction des besoins de la population. Car la République, c’est aussi la garantie de l’accès aux soins de qualité pour tous et en tout point du territoire.

Dépassements d’honoraires et déserts médicaux sont deux sujets à résoudre en même temps !

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