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Clashs à répétition Hollande/Merkel/Cameron... L’Europe est-elle en train de se suicider ou d'accoucher elle-même ?
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Jour J

L'Union européenne s'est souvent construite dans l’épreuve et les difficultés. La crise actuelle pourrait donc constituer une fenêtre d'opportunité idéale pour faire un pas en avant vers plus de fédéralisme. A condition bien sûr que les dirigeants européens fassent preuve d'un peu plus "d'imagination intellectuelle".

Jean-Louis  Bourlanges - Bruno Le Maire - Jean-Vincent Placé

Jean-Louis Bourlanges - Bruno Le Maire - Jean-Vincent Placé

Jean-Louis Bourlanges est ancien député européen et vice-président de l'Union pour la démocratie française (UDF).

Il est aujourd'hui président du think tank l'Institut du centre.


Bruno Le Maire est un homme politique.

Il est nommé Secrétaire d'Etat aux Affaires européennes à la place de Jean-Pierre Jouyet le 12 décembre 2008.

Le 23 juin 2009, à la faveur d'un remaniement ministériel, il est nommé ministre de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Pêche.

Actuellement, il est  député de l'Eure.


Jean-Vincent Placé est un homme politique, membre d'Europe Ecologie les Verts. Sénateur depuis 2011, il préside le groupe EELV au Sénat.

Voir la bio »

Sur ce sujet lire aussi l'article : "Doit-on faire marche arrière sur l'euro pour éviter l'explosion de l'Europe ?"

Atlantico : La crise que traverse l’Europe ne constitue-t-elle pas une opportunité pour l’Union européenne d’avancer dans sa construction ?

Jean-Louis Bourlanges : L’Europe s’est construite en relevant une série de défis difficiles depuis son origine, avec la CECA, jusqu’à l’aide accordée à la Grèce. C’est toujours dans l’épreuve et les difficultés que se construit l’Union européenne.

La crise que traverse le Vieux continent ne constitue peut être pas une opportunité, mais s’impose aux européens comme une nécessité. Si nous ne parvenons pas à faire de très sérieuses avancées en terme de solidarité financière, économique et politique, l’euro ne tiendra pas.

Les dirigeants européens savent qu’ils doivent aller plus loin sur la voie de l’intégration, mais y répugnent en profondeur. L’Union européenne a besoin de deux choses : de plus d’imagination intellectuelle, du fait du caractère inédit de la situation économique actuelle, et de plus de solidarité entre les Etats. Jusqu’à présent, nos chefs ont fait preuve de peu d’imagination et d’un niveau insuffisant de solidarité.

Les Européens parlent de plus en plus de fédéralisme, mais ne font pas grand chose dans ce sens. Leurs tergiversations ne pourront pas durer éternellement. Angela Merkel célèbre le fédéralisme mais en renvoie l’avènement à une date lointaine. Ceci lui permet de justifier son refus de s’engager financièrement plus en avant puisqu’elle subordonne le renforcement des liens financiers au préalable de la réalisation d’une union fédérale.

D’ailleurs, ce qui caractérise l’évolution allemande des 15 dernières années, c’est le lent reflux de l’idée européenne, que ce soit dans la classe politique allemande ou encore à la Cour constitutionnelle de Karlsruhe qui explique à longueur d’arrêts qu’il n’est pas possible de faire de « démocratie multinationale » et que toute intégration européenne n’est qu’un leurre.

La chancelière elle même a pris ses distances avec la tradition fédéraliste. Dans un discours célèbre prononcé à Bruges en novembre 2010, elle a congédié la méthode communautaire au profit de la méthode intergouvernementale. Nous assistons aujourd’hui à un rétropédalage dont la portée est encore incertaine par rapport à cette évolution de 15 années d’euroscepticisme grandissant.

Le fédéralisme politique renvoie à un gouvernement et à un Parlement dotés de compétences politiques. Ni les Allemands, ni les Français, ni les autres dirigeants européens n’ont formulé de propositions concrètes dans ce sens.

Les récents appels de Angela Merkel, Mario Draghi ou de Mario Monti en faveur d’un fédéralisme ne marquent t-ils pas un tournant majeur ?

Il y a un contraste entre d’un côté des opinions publiques très réservées sur la remise en cause des souverainetés nationales et, de l’autre, des déclarations extrêmement fédéralistes de la part d’Angela Merkel comme d’ailleurs Alain Juppé, pourtant dépositaire de la tradition gaulliste, ou encore de Jean-Claude Trichet qui a demandé la constitution d’un ministère de l’Economie européen. Il y a donc une situation de contradictions.

Il n’est pas certain que les peuples européens soient favorables à davantage d’intégration. Ils forment pragmatiquement leur opinion en fonction des propositions qui leur sont faites. Mais les dirigeants politiques ne leur proposent rien.

Le recours au mot « fédéral » est plutôt nouveau dans les discussions européennes de niveau gouvernemental et c’est sans doute positif sous deux réserves : le mot fait peur à beaucoup de citoyens, qui y voient la volonté de construire les Etats-Unis d’Europe, et il est très vague en soi et ne permet pas de clarifier la position ou la pensée de celui qui le prononce.

La crise n’a t-elle pas mise un coup d’arrêt à la volonté d’élargissement de l’Union européenne en faveur d’un approfondissement, quitte à ce qu’il s’opère à deux vitesses comme l’a suggéré Angela Merkel ?

Jusque dans les années 1995, approfondissement et élargissement étaient liés. Chaque élargissement a été l‘occasion d’un approfondissement institutionnel et d’une extension des compétences de l’Union. Depuis lors, les élargissements se sont opérés sans approfondissement et l’Union européenne tente à s’organiser sur un mode dual : une union à vingt-sept assez lâche et une zone euro condamnée à davantage d’intégration. Ceci pose un problème d’articulation entre la politique de la zone euro et celle de l’Union européenne puisqu’elles ne se confondent plus.

Beaucoup de choses vont se décider dans les mois qui viennent car les pressions financières sont très fortes : pour combien de temps allons-nous continuer à aider la Grèce ? L’Espagne va t-elle pouvoir stabiliser sa situation ? L’Italie ne va t-elle pas être menacée par ses taux d’intérêt ? La France elle-même ne va t-elle pas être attaquée par les marchés ? Personne n’a fait ce qu’il fallait jusqu’à présent pour sauver l’Europe. L’aggravation de la situation créer le devoir d’agir.

Nous avons besoin d’imagination pour combiner rigueur et croissance, avancer sur la solidarité financière entre l’Europe du Sud et celle du Nord et donner un cadre de fonctionnement à une Union européenne devenue double.

L’Union européenne a t-elle besoin d’être en crise ou dans une situation atypique pour avancer ?

Il faut nuancer. L’Europe a avancé sous la pression de crises mais elle a parfois progressé dans une atmosphère relativement apaisée : sous Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt ou sous François Mitterrand et Helmut Kohl même si dans ce dernier cas il y avait un réveil de la guerre froide sous la menace des fusées soviétiques.

Mais depuis le milieu des années 1990, à une génération de dirigeants très européens - Helmut Kohl, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Felipe Gonzalez, Giulio Andreotti – a succédé une génération d’eurosceptiques, ou «d’eurotièdes » comme Silvio Berlusconi, José María Aznar, Jacques Chirac ou Gerhard Schröder. Le drame, c’est que se sont ces dirigeants là qui ont géré l’avancée fédérale qu’a constitué la création de l’euro. C’était profondément paradoxal. Il faut aujourd’hui sortir de cette contradiction.

Propos recueillis par Olivier Harmant

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