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Les écologistes entreront-ils un jour dans l'âge adulte ?
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Verts de rage ?

Cécile Duflot doit remettre ce samedi sa démission de présidente d'Europe Ecologie-les Verts. Daniel Cohn-Bendit a quant à lui dénoncé "la course aux maroquins ministériels" des écologistes et menace même de quitter le parti. Quel avenir pour le parti écologiste ?

David Valence

David Valence

David Valence enseigne l'histoire contemporaine à Sciences-Po Paris depuis 2005. 
Ses recherches portent sur l'histoire de la France depuis 1945, en particulier sous l'angle des rapports entre haute fonction publique et pouvoir politique. 
Témoin engagé de la vie politique de notre pays, il travaille régulièrement avec la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) et a notamment créé, en 2011, le blog Trop Libre, avec l'historien Christophe de Voogd.

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Atlantico : Ce samedi Cécile Duflot quitte la tête d’Europe Ecologie - Les Verts (EELV), après six ans passés au poste de secrétaire nationale. Comment expliquer le relatif insuccès des Verts dans les urnes ? S'ils bénéficient d'un groupe à l'Assemblée nationale grâce à des accords passés avec le PS, leur candidate à la présidentielle, Eva Joly, a réalisé moins de 3%. Est-ce dû au fait qu'ils traitent avant tout des sujets sociétaux plutôt que d'écologie ?

David Valence : Europe Ecologie-Les Verts est confronté au défi de la croissance, que connaissent tous les mouvements politiques longtemps marginaux, comme l'étaient les Verts dans les années 1980 : soit on se cantonne à des sujets "patrimoniaux", c'est-à-dire à l'écologie, pour EELV, soit on cherche à devenir un parti "complet", qui parle de tout. C'est la mutation que veulent réussir Cécile Duflot et ses partisans : installer les écologistes dans le paysage, en diversifiant leur discours et en professionnalisant ses pratiques. Mais ce n'est pas sans risque.  

Ainsi de la professionnalisation : elle s'accomplit aujourd'hui au détriment de ce qui faisait l'originalite des Verts, à savoir leur connexion très forte avec la société civile, les associations écologistes, etc... C'est cette évolution que Daniel Cohn-Bendit dénonce. Il met le doigt sur un point qui fait mal, et rencontre le sentiment d'une grande part de l'opinion, qui ne voit pas vraiment ce que les écologistes ont obtenu en échange de leur soutien à Hollande... Hormis des maroquins et des sièges de parlementaires !        

D'ailleurs, la sortie de Cécile Duflot en faveur de la légalisation du cannabis visait à rassurer ceux qui trouvent que le compte n'y est pas : en rompant le consensus gouvernemental, elle a voulu montrer que les écologistes restaient fidèles à leurs idées et ne les oubliaient pas pour un plat de lentilles. 

Cette prégnance des thèmes sociétaux se retrouve-t-elle au sein des autres partis écologistes en Europe, comme chez les Grünen allemands ?

Historiquement, en France comme en Allemagne, la particularité des Verts au sein de la gauche tient à l’importance qu’ils accordent à la société, couplée d’une certaine méfiance à l’égard de la machine étatique et de sa lourdeur. Les Verts ont confiance dans les initiatives individuelles, dans les communautés, les petits groupes. Dans l’identité des Verts français et des Grünen allemands, il y a toujours eu un côté "deuxième gauche" très fort, en plus de l’aspect environnementaliste. Ils ont su pendant longtemps perpétuer une tradition de méfiance à l’égard de l’Etat, casser la verticalité de la parole publique.

N’y a-t-il pas un paradoxe dans la "petite politique" menée par Les Verts, notamment lors des accords pré-législatives avec le PS, et cette constante méfiance envers l’Etat ? 

La prise de position de Daniel Cohn-Bendit est intéressante à plusieurs titres. Dans l’histoire des Verts comme mouvement, y compris chez EELV, il y a schématiquement trois tendances dont les limites sont plus ou moins mobiles.

Il y a d’abord ce qu’on pourrait appeler les "environnementalistes". Ils ne sont ni forcément très à gauche, ni très à droite. Pour eux, la question de base est celle de l’environnement. Cette tendance est la plus proche des associations, de ce qu’on appelle la nébuleuse écologique. Ce courant correspond à la motion CETT (Construire l'Écologie Pour Tous et Toutes) soutenue au dernier congrès des Verts. Yannick Jadot, Sandrine Bélier se retrouvent aujourd'hui sur une ligne comme celle-la.


On trouve depuis longtemps un autre courant au sein des Verts, très à gauche, qui a toujours été fasciné par la gauche radicale, voire les communistes. C’était le courant auquel appartenait Martine Billard avec qu’elle ne rejoigne le Parti de gauche. Aujourd’hui cela correspond à l’ancienne motion "Envie !" animée par Karima Delli, la jeune député européenne, par Alima Boumediene-Thiery, Jacques Boutault le maire du deuxième arrondissement et par Julien Bayou le jeune écologiste de "Sauvons les riches !" et "Jeudi Noir".

Enfin, entre ces deux courants à trop gros traits, il y a toujours eu un grand mouvement central composé de personnalités plus "réalistes". Pour eux, il faut entrer dans un système d’alliance avec le parti socialiste pour obtenir des députés rapidement. Il faut donc rentrer dans le système et devenir une formation de gauche comme les autres. Historiquement, ce courant-là est celui de Dominique Voynet.

La particularité de Cécile Duflot est qu’elle s’est structurée à la gauche des Verts, puis qu'elle a structuré autour d'elle le courant réaliste. On remarque donc dans l’interview de Daniel Cohn-Bendit donnée ce vendredi à Libération une critique assez récurrente de la tendance réaliste du parti qui tend à ce que EELV devienne un parti de gauche comme les autres.

Daniel Cohn-Bendit utilise le terme fort "d’arrivistes" à l’égard de certains membres du parti...

En jouant habilement des accords avec le PS, il est incontestable qu’un certain nombre de dirigeants Verts ont pu accéder à des responsabilités très rapidement. Je fais plus référence aux conseillers régionaux ou municipaux qu’aux ministres d'ailleurs.

Quid de l’avenir d’EELV après le départ de Cécile Duflot ?

EELV est un parti qui a énormément d’élus proportionnellement à la masse de ses militants qui a toujours été réduite (au maximum 9 000 adhérents).  Ces militants sont sensibles à la logique de Cécile Duflot qui consiste à entrer dans la mécanique du pouvoir et à partager les responsabilités. D’autant plus que la motion animée par Daniel Cohn-Bendit lors du dernier congrès (CETT) est très éclatée, ce dernier n’étant pas un leader très présent.

Ceux qui sont critiques à l’égard de cette participation au pouvoir, très attachés à l’esprit originel de ce qu’était EELV (structurer les liens avec la société et la nébuleuse écologiste), sont très faibles au sein du parti même s’ils viennent d’obtenir la présidence du groupe a l'Assemblee avec François de Rugy. Le courant de gauche est minoritaire par nature. Il n’y a rien qui puisse dans l’immédiat fragiliser Cécile Duflot. Pascal Durand devrait lui succéder sans aucun problème, il est une personnalité assez consensuelle.

Les problèmes commenceront peut-être à se poser au moment des élections intermédiaires. Si EELV fait un moins bon résultat aux européennes de  2014 qu’à celles de 2009, idem pour les régionales de 2016, les questions pourront alors se poser. On pourrait alors leur faire payer le prix de ce système d’alliance systématique dans les urnes.

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