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Homoparentalité : les études menées par les Américains
ne prouvent rien
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Beaucoup d'études (américaines pour la plupart) tendent à prouver qu'il existe aucune différence entre un enfant élevé par un couple hétérosexuel et un enfant élevé par un couple homosexuel. Mais ces études ont montré leurs limites, surtout en termes d’échantillonnage choisi.

 Koz

Koz

Koz est le pseudonyme d'Erwan Le Morhedec, avocat à la Cour. Il tient le blog koztoujours.fr depuis 2005, sur lequel il partage ses analyses sur l'actualité politique et religieuse

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Le débat s’engage et, après quelques échanges à peine, tombe cette sentence qui se veut définitive : il n’y a aucune différence entre un enfant élevé par un couple hétérosexuel et un enfant élevé par un couple homosexuel, des études l’ont prouvé, d’abord ! Des études et, même, des études américaines.

Des études américaines… Un full aux as. Qu’avez-vous à dire à ça ?

Généralement rien, d’autant que personne n’a lu lesdites études : pas plus celui auquel on les oppose que celui qui les invoque. Les études américaines étant ce qu’elles sont, elles sont donc tout aussi barbantes qu’écrites en anglais. Cette main abattue, la partie est pliée.

Mieux encore, le cadeau bonus : depuis quelque temps, les études sur l’ »absence de différences » font place aux études qui démontreraient qu’il vaut mieux être élevé par un couple homosexuel (de préférence, un couple de lesbiennes blanches de l’Upper East Side) que par un couple hétérosexuel. L’Humanité fait fausse route depuis la Genèse. Tu parles d’une désillusion.

Seulement, lorsque quelqu’un se penche sur lesdites études sans révérence injustifiée, on en ressort avec un sens renouvelé du burlesque.

Les limites des études "no differences"

En l’occurrence, il s’agit de Xavier Lacroix, dont j’achève l’ouvrage publié en 2007, La confusion des genres – Réponses à certaines demandes homosexuelles sur le mariage et l’adoption. Ouvrage à lire et qui dépasse nettement la question des études statistiques et sociologiques, au demeurant seulement brièvement exposée ci-dessous.

C’est par là et c’est bon, mangez-en. Au pire, cet article constitue un succédané de son argumentation, quasi-exhaustif sur la question socio-démographique.

Au final, il s’avère que les zétudes zaméricaines (et l’étude française de Stéphane Nadaud) ont une fâcheuse propension à cumuler les biais suivants :

      1. Les échantillonnages retenus sont ridiculement faibles : ainsi dans les articles recensés par Charlotte Patterson (psychologue militante de l’ »homoparentalité », elle-même lesbienne et élevant trois enfants), les questionnaires sont au nombre de 11 à 38… pour toute la population des Etats-Unis. L’ordre de grandeur est le même chez Stéphane Nadaud;
      2. La quasi-intégralité des études porte sur la situation des enfants, négligeant celle des adolescents ou jeunes adultes alors que l’on peut penser que le devenir de ces enfants à ces âges-là est un enjeu véritable;

      3. On interroge essentiellement (voire exclusivement, dans l’étude française) les adultes, qui sont nécessairement enclins à justifier leur mode de vie;
      4. On interroge des adultes directement sélectionnés par des associations d’homosexuels (cas de l’étude française en particulier), bref des militants, qui se sentent une responsabilité politique dans leurs réponses;
      5. La quasi-totalité des études ne compare pas la situation des enfants élevés dans des couples homosexuels à celle d’enfants élevés par des couples hétérosexuels mais étudie le comportement d’enfants élevés par une mère lesbienne au comportement d’enfants élevés par une mère hétérosexuelle seule ou ayant divorcé;
      6. Ces études sont systématiquement univoques : elles conduisent toutes à considérer qu’il n’y a pas de différences entre les deux situations ou, lorsqu’elles en relèvent, c’est exclusivement en faveur des enfants élevés par des mères lesbiennes. Or, ceci n’est tout simplement pas possible, dans le cadre d’une répartition classique de la population selon une courbe de Gauss. Pour mémoire, personne n’affirmerait par exemple que tous les enfants élevés par des parents hétérosexuels vont mieux que des enfants dont un parent est homosexuel.

Autant dire que ces études sont dépourvues de fiabilité.

L’étude « How different are they ? » de Mark Regnerus (mars 2012), et ses limites

Dans ce paysage par trop univoque, une étude a fait une intrusion fort remarquée. Il s’agit de l’étude de Mark Regnerus, de l’Université du Texas : How different are the adult children of parents who have same-sex relationships?Il faut dire que l’auteur n’y est pas allé de main morte, puisqu’il ressortirait de son étude que le fait d’être élevé par un parent ayant eu au moins une relation homosexuelle expose davantage à la marijuana et aux aux pensées suicidaires. Entre autres. C’est ce qui ressort de son tableau n°4.

LM [Lesbian Mothers] respondents report statistically greater marijuana use, more frequent smoking, watch television more often, have been arrested more, pled guilty to non-minor offenses more, and—among women—report greater numbers of both female and male sex partners than do IBF [Intact Biological Family] respondents.

Mark Regnerus prend toutefois soin de préciser à plusieurs reprises qu’il n’est pas justifié de passer directement du constat à la causalité, soulignant même que cela serait faire preuve de négligence. A la fin de sa discussion, il indique encore :

I will not speculate here on causality (…) I am thus not suggesting that growing up with a lesbian mother or gay father causes suboptimal outcomes because of the sexual orientation or sexual behavior of the parent; rather, my point is more modest: the groups display numerous, notable distinctions, especially when compared with young adults whose biological mother and father remain married.

Dans une réponse à des « fellow scholars« , il répète d’ailleurs que :

Implying causation here – to parental sexual orientation or anything else, for that matter -is a bridge too far.

Ainsi, ce n’est pas parce que vous aurez une relation lesbienne dans les douches du lycée que l’enfant que vous aurez ultérieurement (par d’autres voies) finira sa vie en prison. Ce n’est pas non plus parce qu’il te reproche de passer ton temps devant la télé que ton père a expérimenté la sodomie dans sa jeunesse, petit con.

Son étude, présentée sur Slatea provoqué une levée de boucliers, et de nombreuses critiques dont certaines paraissent fondées. Elle présente toutefois quelques avantages.

Ainsi, si Charlotte Patterson a été condamnée (dans le cadre de l’affaire Amer v. Johnson, 4 Fla.L.Weekly.Supp. 854 b (Flat. 17th Cir. 1997)) par un tribunal devant lequel elle était appelée à témoigner pour avoir refusé de lui communiquer les éléments sur lesquels elle s’appuyait (ainsi au demeurant qu’à l’American Civil Liberties Union, qui l’avait appelée à témoigner), Mark Regnerus fournit pour sa part l’ensemble de sa documentation (questionnaire et résultats). En outre, dans une démarche universitaire classique, il soumet son travail à la critique, publie les critiques et y répond.

De plus, contrairement aux échantillonnages par trop restreints voire ciblés des études mentionnées plus haut, l’étude de Mark Regnerus a conduit à interroger 15.000 Américains âgés de 18 à 39 ans. Ce travail est d’ailleurs reconnu, y compris parmi ceux qui le critiquent par ailleurs.

Les principales critiques portent notamment sur le fait que Mark Regnerus ait des convictions catholiques (c’te honte) et que son étude ait reçu des financements de riches conservateurs.

On pourrait aussi noter que, malgré le très large échantillonnage de son étude, Mark Regnerus et son équipe n’ont pu interviewer que 175 personnes dont la mère a eu une relation homosexuelle et 73 personnes dont le père a eu une telle relation.

Il est également relevé que, même s’il justifie de son choix, il a retenu comme constituant une « lesbian mother » une mère qui a eu par le passé ne serait-ce qu’une seule relation homosexuelle. Enfin, et de façon plus substantielle, on relève que son étude porterait davantage sur la situation comparée de ce qu’il appelle – romantiquement -une IBF (Famille Biologique Intacte, c’est-à-dire une famille dont les parents sont hétérosexuels et sont toujours mariés) et toute autre situation de vie.

Il semble toutefois que Mark Regnerus ait tenu compte de cette critique. Il indique ainsi que son étude ne permet pas de dissiper totalement cette limite, mais il note aussi que :

Yet when compared with other young adults who experienced household transitions and who witnessed parents forming new romantic relationships—for example, stepfamilies—the children of lesbian mothers looked (statistically) significantly different just under 25% of the time (and typically in suboptimal directions). Nevertheless, the children of mothers who have had same-sex relationships are far less apt to differ from stepfamilies and single parents than they are from still-intact biological families.

Les morales de ces histoires

Tout d’abord, tu n’abdiqueras pas ton discernement sur la simple invocation d’une étude. Les études sont soumises à de multiples biais possibles, tant dans la collecte de données que dans leur analyse. Certaines plus que d’autres, certes.

Tu te montreras également plus que prudent sur toute notion de causalité. A titre d’exemple, comme le note Mark Regnerus lui-même, le fait que des personnes élevées par une mère lesbienne reportent davantage de cas d’abus sexuels que le reste de la population peut également être dû au fait que c’est précisément cet abus qui a été la cause de la séparation d’une union hétérosexuelle…

Tu noteras tout de même qu’à tout prendre, il paraît clairement faux d’affirmer qu’il n’y ait pas de différence entre les enfants élevés par des couples hétérosexuels et par un parent homosexuel (seul ou en couple).

La morale essentielle nous est fournie par Xavier Lacroix (in La confusion des genres, p.117) :

« Plus fondamentalement, il y a un biais à s’en remettre à la scientificité pour une question qui relève en dernier ressort de choix éthiques et anthropologiques, c’est-à-dire philosophiques. Les enjeux de la paternité comme de la maternité, comme de la notion de santé ou de bien-être, ne relèvent pas seulement du constat; ils relèvent de l’éthique, c’est-à-dire du souci de la croissance de l’humain. Il est tout de même paradoxal d’appliquer des méthodes médicales à des questions fondamentales. Se réfugier derrière l’apparente objectivité du quantitatif, c’est éviter de poser les questions de sens et de valeur. Il y a là une option délibérée selon laquelle toute évaluation morale, tout jugement normatif paraissent littéralement insupportables. »

Et puis, à toutes fins, tu relèveras le bénéfice collatéral de la discussion autour de l’étude de Mark Regnerus. Il y apparaît que nul ne conteste les bénéfices d’une famille stable, alors que l’on se fatigue parfois à souligner l’évidence. Cela peut avoir à tout le moins le mérite de rabattre quelque peu le mythe médiatique stupide et nocif de la famille recomposée si idéale… Enfin, à titre infiniment subsidiaire et facétieux, note qu’un couple parental homosexuel stable, ça ne se trouve manifestement pas sous le sabot d’un cheval ou d’un sociologue.

Cet article est paru précédemment sur le blog de l'auteur : Homoparentalité : « Les études prouvent que »… dalle

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