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Nationalismes: 1/ Euro: 0 ?
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Qui veut tuer l'Europe?

Montée de l'extrême droite en Grèce, entrée du Front national à l'Assemblée en France : les nationalismes européens ont connu ces derniers temps une résurgence rapide. Ils se nourrissent des méfaits de la monnaie unique, des angoisses des classes populaires ignorées par leur gouvernement et des conséquences néfastes que pourrait avoir l'Europe sur ses pays membres. Auront-ils la peau du projet européen?

Thomas  Houdaille

Thomas Houdaille

Thomas Houdaille est secrétaire général du think-tank EuropaNova et directeur du programme européen de leadership, 40under40

Diplômé de l’ESCP Europe, il a auparavant été directeur commercial de la société Devoteam, fondé un cabinet de conseil avant de devenir Directeur Général du cabinet Beijaflore.

 

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Atlantico: L’une des principales cibles des différents mouvements nationalistes européens est l’euro en crise considéré par les populations comme le cœur de tous leurs problèmes économiques. Est-ce que la monnaie va aussi souffrir de la montée des nationalismes ?

Thomas Houdaille: La monnaie en elle-même est un symbole. A travers l’euro, on attaque la construction européenne. Aux détracteurs de l’euro, on peut opposer les arguments solides que sont la stabilité des prix, des cours et des changes. Quand on regarde les hausses des prix depuis l’introduction de l’euro, le panier moyen – en dehors de la hausse du prix de la baguette – a subi des taux d’inflation très acceptables.

Depuis quelques mois, l’Europe est le théâtre de la montée de nationalismes très forts qui prennent des formes différentes allant d’un néo-nazisme dur en Grèce avec l’Aube Dorée à une forme de protestation bien plus installée et politique avec le Front National français. A cela s’ajoute une sorte de distorsion dans la relation franco-allemande depuis l’élection de François Hollande. L’euro saura-t-il résister à toutes ces forces qui s’exercent et qui le menacent ?

Il est très probable que oui, car certains croient encore que c’est le projet européen qui sauvera les nations des replis populistes et nationalistes qu’elles vivent actuellement. La montée de ces partis vient de la crise économique d’une part, mais aussi de la défiance envers des partis traditionnels qui ont du mal à répondre aux angoisses des citoyens qui se sont donc repliés vers des partis qui proposaient des solutions certes simplistes mais qui ont l’avantage de protéger contre ce que l’on perçoit comme des menaces (la mondialisation ou l’Union Européenne).

Si les partis politiques ont été incapables de répondre, c’est parce qu’ils ont, pendant des années, stigmatisé l’Europe pour des raisons électoralistes. L’émergence de la crise et l’historique de déni du projet européen les a pris au piège.

Il est clair que la seule réponse à apporter est européenne car on sait désormais que l’ensemble des sujets ne peut plus être réglé uniquement au niveau national. C’est donc une période de tournant très difficile car les partis politiques hésitent encore à prendre une dynamique plus radicale en acceptant et en accélérant l’intégration européenne. Il est vrai que c’est compliqué car il faut à la fois négocier avec les partenaires européens et garder les citoyens en éveil sur ces questions. Cela demande donc à la fois du courage politique et de la pédagogie afin de montrer qu’il n’y a pas d’alternatives. En ce moment on vit le pire des moments car la dynamique européenne n’a pas encore passé ce cap et les partis politiques supportent encore le poids des erreurs passées, ce qui nourrit l’idéologie des partis extrémistes et populistes.

La solution réside donc en partie dans une refonte idéologique des partis traditionnels sur le projet européen ?

Complètement et nous l’avons martelé pendant la campagne présidentielle française durant laquelle il y a eu un déni de réalité considérant que les recettes du 20ème siècle étaient encore applicables. Or le monde a changé, il s’est largement globalisé, la France a besoin de ses partenaires européens pour construire un projet politique pérenne. Ainsi, les partis qui sont encore beaucoup trop nationaux doivent mettre au point une vision collective vers une Europe plus démocratique et la proposer aux citoyens. Cela implique aussi de lutter contre les dysfonctionnements mêmes de l’Union européenne. Le projet doit être en tous les cas plus porteur de valeurs et de prospérité tout en s’engageant vers des politiques européennes plus ambitieuses.

C’est d’ailleurs ce que demande l’ensemble du monde à l’Europe notamment pendant le G20. Mais les responsables politiques européens vont le faire progressivement car ils n’ont pas le choix, sur le plan national, ils sont menottés par des échéances électorales importantes. La vague est passée pour la France, mais ce sera bientôt au tour de l’Allemagne et de l’Italie d’y être confrontée.

Comment l’Union européenne, qui s’aperçoit que son existence ne pourra plus longtemps se concevoir en dehors d’une union politique, va réussir à juguler ces mouvements nationalistes ?

D’abord, elle devra donner une perspective en répondant aux exigences des électeurs qui ont rejoint les partis populistes. Bien sûr, elle est en train de tenter de régler les problèmes de croissance et d’emploi mais d’autres en revanche n’arrivent pas à s’imposer dans le débat public. Le premier d’entre eux est l’immigration. On n’affronte pas encore les partis populistes sur cette question en leur opposant des arguments valables et structurés, on évite le débat car il faut prendre des risques. La conséquence de ces atermoiements a été une confiscation du débat par ces partis populistes qui distillent le rejet de l’Europe, des élites et la peur de l’autre.

Face à ses arguments les partis politiques traditionnels doivent adopter un discours très didactique mettant en avant des arguments moraux et éthiques. Il s’agit d’expliquer aux populations qu’il faut faire le choix entre un monde de repli sur soi et d’ouverture grâce à des arguments économiques concrets que l’on entend assez peu tels que l’obligation que l’on aura d’immigrer en Europe en raison de la baisse de la population active et de la croissance. D’ailleurs, les études faites sur l’impact de l’immigration en Europe ont eu des conclusions très positives.

Tous ces arguments sont susceptibles de convaincre les électeurs qui sont passés d’une droite plutôt classique à une extrême droite.

Certains observateurs estiment que la crise aura aussi appris aux dirigeants européens à prendre leurs responsabilités en évitant de rendre la construction européenne responsables de tous les maux nationaux. Partagez-vous cette analyse ?

En effet, car on ne pourra pas revenir en arrière. Les lois nationales émanent de presque 40% de directives européennes. L’Europe est construite en grande partie par des pays qui décident des politiques européennes par le biais du Conseil Européen – même si ce mode de gouvernance pose encore problème.

Au-delà de cela, on sait que les crises sont des moments importants d’évolution et depuis trois ans, il y a un mûrissement fort des idées et du discours public sur les sujets européens. Je suis de ceux qui disent que la crise a eu et a encore des effets positifs. C’est l’instabilité et la souffrance qui permet aux lignes de bouger sensiblement.

Le couple franco-allemand enregistre ces derniers temps quelques ratés du fait de l’élection de François Hollande. Ce nouveau couple se cherche encore. Là encore il y a-t-il un risque pour l’euro avec un discours franco-allemand à deux vitesses ?

Parler de risque est encore prématuré. Les choses ne sont pas faciles car le discours est faussé par les échéances nationales de chacun. Le couple Merkozy avait une apparence d’entente dans un contexte de crise qui ne laissait pas d’autres solutions. En revanche, sur la vision du projet européen, ils n’ont jamais été sur la même ligne. Angela Merkel, à l’image de la population allemande, est consciente de la nécessité d’une véritable intégration européenne pour aller vers plus de fédéralisme dans le sens où il y aurait un peu plus de mise en commun des politiques économiques. De son côté, Nicolas Sarkozy avait une vision plus inter-gouvernementale et moins sensible à une plus grande intégration européenne.

Pour ce qu’il en est de la période actuelle avec François Hollande, seul l’avenir peut en décider. Je pense toutefois que le Président français a quelques gênes en commun avec Jacques Delors et il aura une vision, on peut l’espérer en tous cas, plus communautaire des enjeux européens et cela peut servir de lien avec Angela Merkel. Cela ne signifie pas pour autant que les négociations seront faciles, reste à voir les tactiques politiques mises en place pour y arriver. Les eurobonds - signifiant une mutualisation des dettes, le pendant étant pour Angela Merkel l’installation des changements institutionnels qui permettent des contrôles budgétaires plus étroits – constituent pour l’instant l’une des plus grandes difficultés.

J’avoue être optimiste car sur le fond, les philosophies de François Hollande et d’Angela Merkel sont très proches. D’autre part, on ne peut pas avoir un couple franco-allemand discordant mais en raison d’impératifs nationaux parfois l’atmosphère entre les deux se réchauffe un peu.       

Propos recueillis par Priscilla Romain

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