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Abouliques ! Le pire ennemi de la zone euro est-il l’incapacité des dirigeants européens à prendre des décisions...?
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Ultime décision

L'aboulie - ou une grande incapacité à prendre des décisions pourtant planifiées - serait-elle la principale tare qui plombe la zone Euro ? Dans la ligne de mire, la passivité décisionnelle des institutions européennes, les solutions hésitantes, comme le reconnaissait, de manière inquiétante, l'ex-premier ministre François Fillon il y a quelques jours...

Jérôme Revillier

Jérôme Revillier

Jérôme Revillier est  fondateur d’Eole Trading et gérant chez Alternative Capital Investments.

Il est conseiller et stratège auprès de professionnels des marchés et de sociétés de gestion.

Il contribue chaque semaine à l’Edito des matières Premières et devises.

Il développe en 2010, en exclusivité pour les Publications Agora, un service de trading unique sur le Forex : FxProfitTrader.

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Nous avons eu la crise boursière, la crise de liquidités et plus largement la crise économique.
Le point commun entre ces krachs ? L’impasse politique et la carence de décision.

Notre ancien Premier ministre, François Fillon, le reconnaissait d’ailleurs lui-même la semaine passée lors d’une interview : “il n’y a plus d’endroit où prendre une décision en Europe”. Le propos est pertinent, mais inquiétant (sans positionnement partisan) quand il est tenu par quelqu’un qui a été au pouvoir pendant cinq ans et rodé aux mécanismes européens.

Une crise politique

Je le répète depuis bientôt trois ans. Nos dirigeants n’ont pas pris la mesure de ce qui les entoure, et nous amènent droit dans le mur. D’un extrême à l’autre de l’échiquier, même combat.
Le système européen a fabriqué des hommes et des organes politiques incapables de décider, neutralisés par un millefeuille technocrates où l’initiative est étouffée.
L’Europe s’est trompée de chemin, mais elle n’a pas été conçue pour faire demi-tour.


Gagner du temps …

Les sommets européens de la dernière chance s’enchaînent, comme les téléconférences, les élections et les plans de sauvetage de plus en plus alambiqués et inefficaces. LTRO, FESF ou encore MES ont permis de gagner du temps, mais au prix fort.

Graphique : taux d’emprunt à 10 ans Italien et Espagnol depuis juillet 2011


C’est d’ailleurs sans doute la seule décision prise unanimement par tous les dirigeants européens de tous les bords politiques : essayer de gagner du temps, repousser l’échéance en attendant le sauveur.

D’ailleurs notre nouveau ministre de l’économie, en plaine campagne, s’est borné à déclarer que « la France parviendra à ses objectifs de réduction du déficit de 3% sans mesures d’austérité ». Vivement que les élections se terminent, ça tourne au ridicule !


Et le gaspiller !

Mais ces mécanismes et autres plans d’aide, potentiellement vertueux (il fallait bien que je positive quelque chose), deviennent de véritables bombes à retardement si aucun plan complémentaire de création de croissance et de valeur n’est en place.
Imprimer des billets comme la Fed ou bientôt la BCE, n’est pas le plus grave en soi, si ces assouplissements sont accompagnés d’une véritable relance cohérente, homogène et d’une politique d’assainissement des comptes publics. L’assouplissement ne doit exister que pour laisser respirer la croissance.

En clair, l’Europe pourrait se permettre de repousser l’échéance si elle avait décidé d’un plan global, il y a de cela trois ans. Hors l’incapacité exécutive de la zone euro due à l’absence de centre de décision commun, plonge l’Europe dans une crise dont elle ne sortira plus indemne.
Malheureusement, c’est sans doute le même mal qui ronge aujourd’hui l’ONU, mais c’est un autre débat.


Des citoyens  SDF, sans décideurs fixes.

Même l’électeur est touché par cette incapacité à se prendre en main. En France, quelques semaines à peine après son élection, François Hollande n’était pas certain d’avoir la majorité au parlement, et le point fort de la campagne se résume à savoir si son ex-femme sera élue.
Les appareils politiques ont le plus grand mal à faire respecter leurs consignes pendant que l’extrême droite gagne du terrain dans tous les pays. En Grèce, les néo-nazis claquent les communistes à la télé, pendant que le bankrun continue à un rythme de 100 à 500 millions d’euros par jour (selon Kathimerini). Bref, nous vivons la politique en version grand écart…ou plutôt, « nous verrons plus tard »


Merkel veut accélérer le fédéralisme...allemand.

Angela Merkel a pourtant tenter de reprendre la main et a donné le ton la semaine passée avec une déclaration qui fera date. Elle prône en effet désormais une Europe à deux vitesses, qui permettrait enfin d’accélérer l’harmonisation budgétaire des pays majeurs. Mais c’est aussi une façon élégante de faire comprendre à ses partenaires que l’Allemagne ne rasera plus gratis. Le choix est clair, soit vous respectez les règles et lâchez du lest sur la souveraineté nationale, soit vous serez relégués en deuxième division.

Taux emprunt 10 ans italiens, espagnols et allemands depuis 3 ans.

Définitivement, la zone euro à 27 est déjà un souvenir. Et contradictoirement, c’est sans doute le plus bel espoir. L’Europe doit repartir sur d’autres bases ou mourir, un point c’est tout.


Quand les banques centrales s’en mêlent… ou pas.

Au-delà de la politique, ce sont les banques centrales qui ont animé la semaine, avec tout d’abord la BCE. Mario Draghi a justement pris ses distances avec le monde politique en affirmant que ce n’était pas à la BCE d’inciter les gouvernements à l’action. Comprenez : “Nous on gagne du temps, pour le reste voyez avec vos élus“.

Sa conférence n’a pas apporté grand-chose de neuf, et il s’est appliqué à doucher les attentes de nouvelles mesures d’assouplissement.
Pourtant, le recours à ces mesures ne fait aucun doute dans les mois qui viennent, mais Draghi a préféré mettre la pression sur les différents acteurs, trop habitués à ses injections massives.


La Fed hésitante

Jeudi, lors de son intervention devant le comité économique américain, Ben Bernanke a, lui aussi, douché les attentes des marchés sur de nouvelles mesures d’assouplissement. Toutefois, il a reconnu que l’activité reste modérée et a même émis des doutes sur la capacité de la croissance à générer de nouveaux emplois. Après quelques trimestres d’embellie, la croissance a affiché un taux de 1,9% en rythme annuel, contre 3% le trimestre précédent. Et le taux de chômage a légèrement progressé. Comme pour la Banque centrale européenne, il fait peu de doutes, malgré la rhétorique, que de nouvelles mesures seront décidés lors des prochains comités monétaires. Déjà de nouvelles menaces pèsent sur les USA avec Fitch qui a directement menacé la note souveraine et alors que l’on apprenait hier que le déficit budgétaire mensuel de mai s’élevait à 125 milliards de $ en Mai, soit le double d’il y a un an.


Et l’euro dans tout ça ? Il subit.

Vous l’aurez compris, le bateau continue de couler normalement, et les seules décisions prises permettent tout juste de limiter la casse.
Le catalyseur principal du marché des changes va désormais être la politique monétaire accommodante que toutes les banques centrales majeures vont devoir mettre en place pour palier le défaut de croissance et le manque de liquidités sur le marché interbancaire …
Comprenez, « qui remettra l’imprimante en route le premier ? »

Ainsi, il n’est pas impossible de voir la devise européenne rebondir vers 1.30$ sous l’effet d’un QE3 américain. Tant que la zone euro n’aura pas un pouvoir de décision politique ni une banque centrale à mandat élargi, l’euro continuera de subir les volontés de nos voisins étrangers.

Mais un jour, le déséquilibre sera trop grand. Et à ce moment là, les décisions s’imposeront d’elle-même, au-delà de la couleur politique.

Vous entendrez bientôt parler de Target 2, le plus bel outil de contagion de crise qui devrait rapidement faire parler de lui …

Bonne journée …quand même.

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