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Des élections décisives mais imprévisibles.... La Grèce en situation d’instabilité maximum
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Confusion

Le second tour des élections législatives en Grèce a lieu ce dimanche : les Grecs et les Européens retiennent leur souffle. Qui l'emportera ? Y aura-t-il même un vainqueur ? Et vainqueur de quoi au bout du compte ?

Joëlle Dalègre

Joëlle Dalègre

Joëlle Dalègre est maître de conférences à l'INALCO, spécilisée en civilisation de la Grèce. Elle est notamment l'auteur de La Grèce inconnue d'aujourd'hui, de l'autre côté du miroir, l'Harmattan 2011, 252p. En collaboration avec 4 doctorants ou docteurs de la section grecque de l'INALCO.

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Même en l'absence de sondages pendant les 15 derniers jours, quelques grandes tendances apparaissent :

-        Retour à un bipartisme, mais différent de celui des années précédentes puisqu'il opposerait la droite conservatrice de Samaras (ND) à la gauche radicale de Tsipras (Syriza).

-        Impossibilité de prédire raisonnablement le vainqueur, chaque sondage passé ayant placé en tête alternativement l'un ou l'autre avec seulement 2 ou 3 points de différence, mais 3% décisifs, puisqu'ils donnent droit à 50 sièges de plus à l'Assemblée.

-        Prise de conscience chez les politiques de l'absolue nécessité d'avoir un gouvernement, d'où de très nombreux contacts pris par les deux possibles vainqueurs en vue d'une coalition puisqu'il semble qu'aucun n'obtiendra, à lui seul, de majorité absolue.

-        Extrême volatilité de l'opinion publique, entre la peur de l'avenir entretenue par les médias et les avis de l'UE (favorables à la ND), la colère et l'envie de « tout casser » pour mieux reconstruire (favorables au Syriza). Une phrase malheureuse de Mme Lagarde renforce la colère des indécis, le pronostic d'une drachme dévaluée de 50% fait trembler, un  rien peut provoquer un déplacement de 3% des voix.

-        Le manque de confiance de l'opinion publique, au-delà de toute logique, en ses politiques, se double d'une défiance complète (et comme partout d'une grande ignorance) face aux discours des économistes. C'est donc l'émotion, plus que la raison, qui guide souvent le choix électoral.

En réalité le scrutin a changé de signification : il ne s'agit plus de choisir des députés mais de se prononcer pour ou contre le plan européen, dit « Mémorandum », dont jusqu'à présent les Grecs n'ont vu que les aspects négatifs. Mais là non plus, rien n'est clair : une très large majorité des Grecs dit vouloir rester dans l'Euro, mais tout aussi largement vouloir des aménagements (que Mme Merkel dit refuser absolument). La droite classique se prononce clairement pour l'UE et le Mémorandum mais elle ajoute à présent qu'elle demandera des aménagements ; le Syriza, violemment opposé au Mémorandum, dit néanmoins qu'il ne cherche pas à quitter l'Europe ou l'Euro, mais simplement à renégocier profondément les termes... Les deux extrêmes, Aube Dorée et Parti communiste refusent à la fois tout Mémorandum et toute coopération. La fracture dans l'opinion, est aussi une fracture sociale doublée d'une fracture générationnelle entre ceux qui ont quelque chose à perdre (retraités, fonctionnaires, possédants si par hasard leurs économies sont encore dans une banque grecque) et ceux, les plus jeunes et une partie des intellectuels, qui cherchent à détruire le système, refusent un raccommodage qui remettrait au pouvoir une coalition « d'anciens » politiques.

Il faut enfin tenir compte d'un facteur aussi important qu'insaisissable par les statistiques : l'absence d'espoir. Dans un cas, on vous prédit une suite de catastrophes sans fin, dans l'autre – si vous êtes bien obéissants- un retour dans 15 ans environ à la situation de 2008 ! Autrement dit un avenir sombre pour tous ceux qui pensent, jeunes ou retraités, qu'attendre 15 ans, c'est bien long ! De surcroît le pays s'enfonce depuis un mois dans le marasme : face à l'inconnue monétaire, plus aucun contrat n'est signé, l'argent se cache, les dettes ne sont plus remboursées, les touristes ne prennent plus de réservations, les entreprises étrangères ne cherchent plus à investir ou cessent leurs livraisons tandis que d'autres partent en Bulgarie... Le budget primaire de l'État (sans les remboursements) qui était devenu bénéficiaire au premier trimestre 2012, est retombé dans le rouge, les impôts ne rentrent plus, eux aussi suspendus dans l'attente d'une décision, en pratique, selon toute vraisemblance, la Grèce ne pourra en juillet satisfaire aux exigences du Mémorandum.

La question est désormais largement sortie du cadre étroit Grèce/UE ; l'Europe affirme vouloir conserver la Grèce, par peur de l'effet domino car les regards se portent maintenant sur l'Espagne, Chypre ou l'Italie, dont le sort conditionne aussi celui de la Grèce. Les pays qui ont déjà accepté et vécu leur propre Mémorandum sont prêts à demander, eux aussi, des aménagements si les Grecs contestataires et indisciplinés obtiennent quelque chose... Jusqu'où l'UE, enfermée dans sa logique comptable, est-elle prête à aller dans les concessions alors que ses financiers  préparent des plans de retour à la drachme ? Syriza estime fort (ou surestime ?) l'attachement sentimental de l'Europe à la Grèce, la Nouvelle Démocratie espère que sa bonne volonté sera « récompensée »...

Mais la question se pose : sortir vainqueur des élections, former un gouvernement mais pour gagner quoi ? Un gouvernement faible regroupant des partenaires pleins de réticences, qui devra faire face à une opposition très forte et ne parviendra peut-être jamais à mettre en oeuvre les exigences européennes. Alors mendier un nouveau plan ? Si l'Europe refuse de nouveaux « aménagements » à des Grecs qu'elle continue à désigner comme les seuls responsables, coupables même, de leur sort, quel que soit le vainqueur, l'issue risque d'être la même... Adieu la Grèce mère de l'Europe, mais retour à la drachme, la plus ancienne des monnaies !

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