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Ces femmes qui portent le voile tout en sachant s'adapter au contexte français
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Niqâb mobile

Certaines musulmanes ont fait le choix pragmatique d'adapter le port du voile à la vie en société. Si elles le portent dans l'intimité, elles l'enlèvent en revanche au travail ou en compagnie de personnes qui ne partagent pas leur foi. C'est cette facette tolérante de l'Islam que met en avant Maryam Borghée dans "Voile intégral en France" (Extraits 2/2).

Maryam Borghée

Maryam Borghée

Maryam Borghée est consultante, diplômée en philosophie et anthropologie.

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Il est des femmes intégralement voilées qui démentent l’appartenance à une école de pensée et soutiennent porter le voile dans le seul souci d’un équilibre personnel. Elles s’attachent à montrer une distance à l’égard des divers courants de l’islam de France, qu’elles connaissent de loin, et ne partagent pas forcément les valeurs des groupes cités. Ces fidèles affichent une religiosité résolument solitaire et tiennent un discours où se mêlent des références doctrinales composites en désaccord avec les normes du salafisme et du Tablîgh. Mila affirme qu’elle n’appartient à aucun groupe : « Je prends plutôt le bien là où il se trouve, inch’Allah ! Tablîgh pour la da’wa, salafi pour la pratique de la Sunna, ikhwân pour leur engagement, soufi pour leur spiritualité et même chî’a pour l’amour qu’ils portent à la famille du Prophète. »

Mila, vingt-huit ans, s’est convertie à l’âge de quatorze ans. Elle a vécu en Hollande, puis en Gironde. Mariée à un Hollandais originaire du Surinam, elle séjourne régulièrement avec lui en Égypte où elle porte le niqâb depuis quatre ans, là-bas seulement. L’affirmation d’un bricolage religieux est conscientisée chez cette polyglotte qui dit abhorrer le sectarisme. « Moi je ne choisis pas les savants ! Je n’aime pas quand il y a trop de polémiques à ce sujet », soutient par ailleurs Aby-Gaëlle, vingt-deux ans, qui vit à Clichy-sous-Bois.

Née à Amiens, de parents gabonais – sa mère, protestante, est institutrice, son père, de confession catholique, est médecin. Elle devait se rendre au Canada pour entamer des études de médecine, mais elle s’est inscrite en droit, puis a de nouveau changé de filière. Elle est aujourd’hui titulaire d’un BTS commercial. Mariée à un Français d’origine turco- algérienne, elle est mère de trois enfants et s’intéresse à l’islam depuis l’âge de quatorze ans. Sur ses neuf frères et soeurs, quatre ont embrassé l’islam. Tout théologien est crédible et légitime à ses yeux, contrairement à la logique exclusive des salafistes qui a tendance à écarter les oulémas sortant du cadre doctrinal qu’ils ont arbitrairement préétabli.

On observe chez quelques femmes une volonté de développer une vie sociale. Madame Kenza Drider, Française d’origine marocaine, souhaiterait faire valoir son diplôme en travaillant dans le domaine juridique. Elle ne fréquente que rarement la mosquée et ne suit pas de cours de religion, se contentant de livres à la maison. À trente-deux ans, mariée à un homme de nationalité marocaine et mère de quatre enfants, elle vit à Avignon. Mme Drider, qui porte le niqâb depuis plus de onze ans, s’exprime régulièrement dans les médias. Elle révèle qu’elle a fréquenté des coreligionnaires sur une brève période : « Après c’était terminé, j’ai plus côtoyé de groupe ou quoi que ce soit d’autre.

– Pourquoi donc ?

– J’ai cessé de les voir parce que je trouvais pas mon intimité dedans.

J’arrivais pas à me retrouver, spirituellement... mon intimité avec moi-même, ma réflexion sur le bien et le mal, ma réflexion sur l’islam, ma manière de pouvoir voir mes fautes. J’ai vu certaines contradictions chez les autres donc il fallait que je fasse mes recherches de mon côté. Je pouvais pas me référer qu’à des gens qui parlent, il fallait que je cherche de mon côté. »

Mme Drider affirme également, dans la presse régionale : « Il ne faut pas confondre les musulmans pratiquants avec les salafistes, ceux qui font du zèle dans la religion. » Elle n’envisage son avenir et l’éducation de ses enfants qu’en France et défie les salafistes mais aussi les Français qui pensent qu’elle est de trop : « Je suis née ici et je resterai ici en France, j’ai pas à faire la hijrâ ! » Femme de caractère et citoyenne active, elle est membre d’une association et vote[2]. En 2012, elle est candidate à l’élection présidentielle…

A vingt et un ans, Ambre vit à la campagne près du Havre, chez ses parents. Issue d’une famille catholique, elle s’est convertie à l’âge de dix-sept ans et porte le niqâb depuis deux ans, uniquement lors de séjours au Maroc où réside son époux marocain. Ses parents lui interdisent de porter le foulard au sein du village. Pour pouvoir travailler en tant que surveillante dans un établissement scolaire, elle le retire également. Katinka, elle, a retiré son niqâb lorsqu’elle a entamé des études universitaires et enlève son foulard dans la boutique de prêt-à-porter où elle est vendeuse. Elle prépare un DEA en lettres classiques et n’exclut pas l’idée de remettre un jour le niqâb, sachant qu’elle devra alors, pour travailler, partir dans un pays anglosaxon.

Dans tous les cas, ces femmes acceptent de se confronter à la mixité, tête nue ; tout comme Harmony qui ôte son foulard pour se rendre au lycée. À dix-neuf ans, elle vit dans le Nord et prépare un bac littéraire. Issue d’une famille catholique, elle a embrassé l’islam officiellement à l’âge de seize ans. Ses parents lui interdisent de porter le foulard au sein de son village. Il lui est arrivé de porter le voile intégral à l’insu de ses parents, pour rejoindre au Havre des amies de même confession. Elle songe à le garder, tout en admettant que ce choix est incompatible avec les études qu’elle souhaiterait mener. Harmony aspire en effet à devenir notaire, bien qu’elle n’ignore pas que l’apprentissage et l’application des législations exogènes à la charî’a est aux yeux des salafistes une grande infidélité à la loi islamique.

Dans l’ensemble, ces femmes ne tiennent pas un discours sectaire et encore moins idéologique. Leur religiosité ne rompt pas avec les valeurs de la société environnante : leur posture est relativement pragmatique, ouverte au dialogue et favorable au compromis.

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Extrait de Voile intégral en FranceMICHALON (3 mai 2012)


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