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Paris et le désert français :
Ces journalistes femmes de ministres, symptôme de l’extrême consanguinité des élites
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Liaisons dangereuses

La nomination du gouvernement de Jean-Marc Ayrault est l’occasion de constater qu’un nombre non négligeable de nos ministres (notamment Arnaud Montebourg, Vincent Peillon et Michel Sapin), comme d’ailleurs le Président de la République, partagent leur vie avec un(e) journaliste. Une connivence en partie due à notre Etat très centralisé.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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La connivence des élites est un phénomène qui n’est certainement pas propre à la France. On apprend  régulièrement à travers les scandales qu’elle peut conduire à des excès ailleurs dans le monde. Il suffit de suivre par exemple les scandales qui affectent le groupe Murdoch ces derniers temps pour savoir que dans d’autres pays les relations entre presse et politique sont complexes et parfois opaques. Un problème qui peut caractériser la France, c’est l’excessive centralisation du pays, qui entretient la confusion des pouvoirs.

Media et politiques s’attirent mutuellement. Les uns ne vivent pas sans les autres et réciproquement. Alors que la presse se rêve en contrepouvoir – et on constate régulièrement qu’elle y participe – les politiques s’inquiètent devant sa puissance, tout en sachant bien l’utiliser pour promouvoir leurs propres combats. D’un point de vue plus "humain", politiques et journalistes se fréquentent presque quotidiennement. Inévitablement, des liens se créent et il faut certainement un sens de l’éthique professionnel bien ancré pour ne pas céder aux transgressions.

La centralisation française accentue le phénomène : tous les pouvoirs sont concentrés à Paris, ce qui organise la confusion des pouvoirs entre des groupes qui ont, de fait, des intérêts liés.

Cela commence très tôt : les formations de l’élite politique et journalistique française sont concentrées autour de quelques très rares écoles et universités parisiennes : Sciences-po, une ou deux universités de droit et quelques écoles de journalisme (dont une excellente se situe à Lille toutefois). Evidemment, il est possible de réussir par d’autres manières, mais celles-ci sont généralement considérées comme étant les « voies royales ».

Or, ces formations sont marquées par un conformisme certain et par une absence de diversité sociale. Bien sûr, elles évoluent : Sciences-po est pionnier en la matière et les écoles de journalisme s’y mettent. Mais d’ici à ce que les nouvelles recrues soient aux commandes, dans une Démocratie comme la France où le personnel politique et journalistique se renouvelle bien lentement, il va falloir attendre ! Le recrutement des élites françaises, dans un vivier très restreint, garantit donc leur endogamie (et elles savent se défendre contre les tentatives des nouveaux entrants).

Cela se poursuit par la suite, car tous les pouvoirs politiques et économiques sont à Paris. La décentralisation a certainement atténué ce constat, mais les régions sont trop petites pour exister vraiment. De la même manière, tout le pouvoir de la presse se concentre autour de la capitale. Bien sûr, les plus gros tirages quotidiens sont des titres régionaux, mais les éditorialistes, les « unes » qui influencent le débat sont parisiens. Le tout s’entretient en cercle : les élites politiques et administratives lisent quelques titres parisiens, qui eux-mêmes s’intéressent au pouvoir centralisé et regardent avec condescendance la vie provinciale.

La centralisation française encourage donc la concentration des pouvoirs en un lieu, entre quelques groupes de personnes. Il suffit que les frontières professionnelles soient poreuses pour que, consciemment ou non, volontairement ou pas, chacun fassent en sorte de partager des intérêts bien compris avec ceux qui deviennent des partenaires, plutôt que des contre-pouvoirs. La presse se fait courtisane. Les politiques se font recruteurs.

Les excès institutionnels et "géographiques" sont probablement renforcés par un état d’esprit provincialiste... Car au fond Paris est comme une charmante ville de province. Les notables s’y connaissent : ils fréquentent les mêmes restaurants, font leur shopping dans les mêmes magasins, envoient leurs enfants dans les mêmes lycées. Chacun sait qu’il y a une « bonne » manière de penser et de faire, et s’il existe quelques excentriques, ils sont marginalisés : l’entre-soi est la meilleure garantie contre l’incertitude. De toute manière, personne ne regarde jamais au-delà de la Seine … et donc encore moins de l’autre côté des frontières (sauf, bien sûr, s’il s’agit de la dernière indignation à la mode).

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