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Creusement des inégalités : Non,
les riches ne sont pas devenus
plus riches ces 50 dernières années
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Hyper-richesse

Une récente étude américaine tend à prouver une augmentation de l'hyper-richesse sur les cinquante dernières années. En dehors du poncif sur les rémunérations indécentes des traders et grands patrons, ne serait-ce pas plutôt l'inverse qui se produit ?

François Tripet

François Tripet

François Tripet est avocat fiscaliste.

Avocat au Barreau de Paris depuis 1978, il est essentiellement un " patrimonialiste international " qui, avec son équipe, apporte son concours et son assistance à plus d'un millier de familles réparties sur les cinq continents.

François Tripet est l'auteur de l'ouvrage de réference "Droit Fiscal Francais et Trusts patrimoniaux Anglo-saxons " ( LITEC, 1989 )

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Des études américaines, plutôt superficielles, tentent de démontrer que, de 1950 à 2008, l'hyper-richesse aurait connu une accélération. Il est vrai que les rémunérations mirifiques de certains traders ou de patrons de grandes sociétés cotées tendent à accréditer cette thèse.

En réalité, ces études pèchent gravement par l'inadéquation de la période observée. Une étude sur l'hyper-richesse ne se déduit pas d'un constat opéré sur 50 ans car ce délai est à peine celui au cours duquel elle se crée et se consolide. L'hyper-richesse nécessite un délai d'observation d'au moins un siècle.

Depuis 1850, on assiste au contraire à un resserrement de l'éventail entre l'hyper-riche et l'employé du bas de l'échelle sociale, sous le coup de trois facteurs :

  • Tout d'abord l'hyper-richesse est devenue principalement volatile alors qu'elle était d'essence durable aux 18/19e siècles. L'hyper-riche moderne a plutôt bâti sa fortune sur la spéculation immobilière ou sur le boom numérique que sur une solide aventure industrielle ou commerciale. Moins de 20% des 100 plus riches de l'année 1990 se retrouvent dans la liste de 2010. Les héritiers y tiennent une part très minoritaire. Il faut y ajouter les riches souverains d'Etats pétroliers, dont la précarité de leur destinée politique n'est plus à démontrer. En un mot, la richesse acquise par l'effet d'un seul cycle économique ou par des méthodes féodales d’accaparement, survit rarement au-delà du demi-siècle, ainsi que le constate régulièrement le classement de "Forbes».
  • Deuxième facteur : le coût des biens et services qu'un hyper-riche peut s'offrir s'est considérablement renchéri du fait de l'émergence d'une vaste classe moyenne sur laquelle il s’appuie. Or, il y a 150 ans, l'hyper-riche disposait d'une main d'œuvre quasi gratuite sinon misérable. L'hyper-richesse d'un banquier du Second Empire, d'un Maharadja ou d'un Rockefeller des années 1890, n'a rien à voir avec celle de la plupart des hyper-riches "moyens" actuels qui peinent à s'offrir un palais de 50 pièces ou leur Airbus personnel .
  • Enfin, l'apparition de l'impôt progressif à partir des années 1915 (il n'était que proportionnel au 19e siècle, quand il existait) fragilise notablement la consolidation et, à plus forte raison, l'expansion de l'hyper-richesse. Rappelons que l'impôt frappe non seulement l'acquisition de la richesse, mais encore sa persistance et même son transfert. Du reste, on s'aperçoit que l'impôt suit le même cycle que celui de la poule aux œufs d'or : il est en décalage par rapport aux cycles économiques en ce qu'il frappe avec retard les résultats d'une prospérité durable au moment où le retournement de conjoncture se fait sentir (accélérant ainsi son déclin), tandis qu'il se fait plus discret à l'encontre d'une prospérité déjà confirmée , de crainte de la casser. Le cycle des politiques est rarement anticipatif. Il est essentiellement réactif, donc tardif. Il n'est donc pas étonnant que l'hyper-richesse devienne un sujet de préoccupation au moment même où elle tend à se résorber naturellement sous le double impact économique et fiscal.

Par ailleurs, il existe deux niveaux au sein des super-riches : l'hyper-aisé et l'hyper-riche.

L'hyper-aisance, qui concerne quelques dizaines de milliers d'individus autour de la planète, comprend non seulement ceux qui ont des fortunes variant de 500M € à 3 MM € mais aussi des biens qui produisent au moins 10 M € par an. Contrairement à une idée répandue, des individus bénéficiant d'une fortune notable (on dit, le plus souvent, une fortune "sur le papier")  doivent d'abord faire face à des dépenses notables en sorte que s'ils ne bénéficient pas de revenus nets élevés, ils ne connaissent tout simplement pas l'hyper-aisance .

L'hyper-richesse concerne à peine un millier d'individus dans le monde : hormis quelques réussites emblématiques, rares sont celles qui survivent à leur fondateur. L’exemple de Paul Getty, d'Adnan Khashoggi ou d'Akram Ojjeh (chacun fut, en son temps, "l'homme le plus riche du monde») nous rappelle leur essentielle précarité. On peut alors se demander si l'hyper-richesse mérite une étude sociologique alors qu'elle concerne si peu d'individus ? En fait, ce phénomène appelle une seconde question : à quoi sert un hyper riche ?

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