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Guy Verhofstadt propose une solution pour sortir l'UE du marasme : une Union économique et monétaire « fédérale », dans laquelle le régionalisme pourrait supplanter le nationalisme.
Guy Verhofstadt propose une solution pour sortir l'UE du marasme : une Union économique et monétaire « fédérale », dans laquelle le régionalisme pourrait supplanter le nationalisme.
©Reuters

Histoire belge

L'ancien premier ministre belge, Guy Verhofstadt propose une solution pour sortir l'UE du marasme : une Union économique et monétaire « fédérale », dans laquelle le régionalisme pourrait supplanter le nationalisme.

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmit est membre de l'Advisory Board de l'Institut Thomas More,

Il a également été directeur du service "Opérations Financières" au sein de la Direction Générale "Affaires Économiques et Financières" de la Commission Européenne.

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Dans une interview remarquable, publiée dans la Libre Belgique (15 mai), Guy Verhofstadt (président du groupe ALDE -libéral démocrate- au Parlement européen) exprime très clairement les conditions de sortie de la crise dans laquelle l’Union européenne est plongée. Il met en exergue le fait qu’avant d’être principalement une crise financière et économique, il s’agit, bien plus, d’une grave crise politique. Sa solution : une Union européenne ou tout au moins une UEM (Union économique et monétaire) « fédérale ».

Ce préalable est incontournable et constitue la condition nécessaire au règlement de la crise financière (bancaire et de la dette souveraine). Elle crée aussi le seul cadre cohérent au sein duquel des politiques économiques et sociales coordonnées peuvent être mise en œuvre pour sortir du marasme, et créer les bases d’une « croissance » saine, réclamée par tous.

Sans vouloir refaire l’analyse du président des libéraux du Parlement européen, il convient d’y ajouter une dimension qui complète ses propositions. En effet, la principale difficulté de faire avancer le projet européen dans la direction proposée est la montée en puissance constante des mouvements populistes qui, s’ils venaient à l’emporter, sonnerait le glas de l’Union européenne, entraînant l’ensemble de ses membres dans la tourmente. Ces mouvements extrémistes sont, par définition, opposés à tout « fédéralisme », car il est en contradiction avec leur propagande nationaliste axée sur le rejet de l’autre et le repli sur soi.

Si, d’un côté, une Europe « fédérale » serait apte à couper une des ailes du « nationalisme » par le haut, ne conviendrait-il pas aussi de lui couper l’autre aile par le bas en renforçant l’Europe des régions au détriment de l’Europe des nations. En effet, si l’on vise d’une part des transferts « massifs » de souveraineté à un « gouvernement européen », comme le propose M. Verhofstadt, nécessaires à assurer une discipline suffisante pour justifier la solidarité que la situation exige, il y a lieu, d’autre part, de renforcer « massivement » la subsidiarité en déléguant aux régions les pouvoirs qui peuvent mieux s’exercer au plus près des citoyens.

C’est à ce titre que la récente expérience belge de réforme de l’État peut servir d’inspiration. La longueur de la crise belge (567 jours), où s’opposaient des velléités séparatistes et des courants fédéralistes, est la démonstration de la difficulté et de la complexité du défi. Il est évident que cela le sera d’autant plus à l’échelle européenne. Cependant, la Belgique tente de démontrer qu’une dévolution de pouvoirs significative aux régions est compatible avec un État unitaire « fédéral », indispensable pour assurer un « vivre ensemble » au sein d’une société ouverte. Ces accords, s’ils sont appliqués de bonne foi et avec succès, sont de nature à rendre sans objet les revendications « séparatistes » véhiculées par les partis nationalistes et populistes. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’au fil des réformes de l’État au cours des 30 dernières années, une primauté des carrières politiques régionales s’est progressivement affirmée au détriment des carrières « nationales », en dehors des rares fonctions dévolues aux ministres fédéraux régaliens (Premier ministre, finances, défense, politique étrangère).

Un objectif similaire devrait être poursuivi à l’échelle européenne, visant à approfondir l’intégration pour créer une structure fédérale institutionnelle robuste, capable d’influencer le cours des évènements tout en portant nos valeurs largement partagées sur la scène internationale. Capable aussi d’être compétitive et de se défendre dans une économie mondialisée en étant d’une taille suffisante pour mobiliser les ressources nécessaires au financement de l’investissement productif et restaurer une croissance saine. Capable, enfin, de créer les conditions nécessaires à l’épanouissement d’une société solidaire où le tout sera très largement plus grand que la somme des parties, pour autant que tous se plient à une discipline commune sans laquelle le projet est condamné d’avance.

L’adhésion à ce projet nécessite, en parallèle, le renforcement des structures de gouvernance régionales dont certains pays comme l’Allemagne, la Belgique ou l’Espagne sont déjà dotés. Cela pourrait correspondre éventuellement à la vision attribuée au président François Hollande qui a plaidé pour une refonte du projet européen et un renforcement des pouvoirs régionaux. Il pourrait donc, en théorie, se rallier à ces propositions « fédéralistes » au risque de décevoir cruellement le « front de gauche » - grâce au soutien duquel il a été élu - et d’apporter simultanément de l’eau au moulin du « front national » qui surfe toujours sur les thèmes nationalistes. Aura-t-il le courage de faire cela à la veille d’élections législatives sensées lui procurer une « majorité présidentielle » à l’Assemblée nationale ?

Si, comme les propositions de Guy Verhofstadt le prouvent de manière "exemplative", les appels à « plus d’Europe » trouvent chaque jour un écho plus large, il faut néanmoins constater qu’ils sont encore loin d’avoir imprégné les cercles exerçant le pouvoir. En effet, s’engager sur une telle voie serait une preuve d’abnégation, rare de la part de la classe politique qui n’a, à cet égard, aucune leçon à donner à ceux qui défendent jalousement des intérêts personnels ou corporatistes (banquiers, syndicalistes etc.). Il est à craindre qu’au moment où ces responsables se rallient à la nécessité d’adopter cette politique, le moment soit déjà passé.

Il n’est pas trop tard, mais il est plus que temps de s’atteler au projet politique d’une Europe fédérale, seul capable d’apporter une solution pérenne à la crise économique et financière que nous traversons.

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