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Un an après... Tout ce que l'affaire DSK a bouleversé dans la classe politico-médiatique hexagonale
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Retour sur les années Sarko

Fondé sur une enquête ayant permis à Hubert Coudurier de rencontrer cent cinquante témoins de cette période, "Et les masques sont tombés" offre un panorama fourmillant d'anecdotes et de "choses vues" et entendues qui ont marqué les quatre premières années de la présidence de Nicolas Sarkozy, sur la scène nationale et internationale (Extrait 2/2).

Hubert Coudurier

Hubert Coudurier

Directeur de l'information du Télégramme, Hubert Coudurier est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages dont Le Monde selon Chirac (Calmann-Lévy, 1998) et Amours, ruptures et trahisons (Fayard, 2008).

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Venant présenter son dernier livre, Les Guerres d’Obama, quelques semaines auparavant, Bob Woodward, le fameux enquêteur du Washington Post, tombeur de Nixon, avait confié au Monde 2 : « Pour nous, il n’y a pas de vie privée des hommes politiques.» L’américanisation de nos mœurs, illustrée par l’affaire DSK, va provoquer une déflagration dans la classe politico-médiatique hexagonale et réveiller des féministes que l’on croyait assoupies.

Comme le dit Elaine Sciolino, correspondante du New York Times à Paris et auteur d’un livre intitulé La Séductionsur les mœurs de l’establishment français : « Il y a un réveil. Je pense que la France vit son moment “Anita Hill” du nom de cette jeune femme, aux États-Unis, qui avait dénoncé un comportement de harcèlement chez Clarence Thomas devenu ensuite juge à la Cour suprême. Son témoignage a renforcé les lois américaines et lancé le débat à propos du harcèlement sexuel au travail. » Quant aux journalistes français, ils seront accusés par la presse internationale de pratiquer l’omerta.

Nicolas Sarkozy évite prudemment de pavoiser publiquement, avouant ne pas savoir comment l’affaire va tourner[1], même s’il se lâche en privé avec un mélange de fascination et de mépris. S’il n’a été officiellement prévenu qu’à son réveil le dimanche matin, plusieurs témoins le verront concentré sur son portable dès son arrivée dans la soirée du samedi au Stade de France. Curieux pour un passionné de football. Quoi qu’il en soit, de la grandeur à la déchéance, la chute de DSK confirme que le journalisme politique à la française respectueux de la vie privée a vécu.

D’autant qu’après les féministes, Nafissatou Diallo reçoit le soutien de la communauté noire, comme dans Le Bûcher des vanités de l’écrivain Tom Wolfe.

Dans l’Hexagone, cet étalage de sexe et de fric, de la Porsche de son conseiller aux pâtes aux truffes de chez Bouley en passant par la maison de Tribeca, l’a déconsidéré dans l’électorat socialiste.

L’aurait-il encore voulu que DSK n’était plus attendu à Paris. Sa cote de popularité s’était effondrée. Sa résurrection n’en fut pas vraiment une. « Pile à l’heure pour le 14 Juillet, le gros bonnet français de la banque internationale est passé des Misérables à La vie est belle », écrit le New York Post, sceptique sur la suite. Pas vraiment belle. Car les déclarations vengeresses de Tristane Banon et de sa mère, liées par une solidarité objective avec Nafissatou Diallo, qui donne sa première interview télévisuelle à ABC fin juillet, vont compliquer sa libération définitive, l’audience ayant été reportée au 1er août 2011.

Le procureur Vance finira par exonérer DSK des charges pesant contre lui. « Deux scorpions dans un bocal », laisse entendre son entourage en les renvoyant dos à dos.

Son retour à Paris, digne de celui d’une rock-star, attendu par des centaines de journalistes et de badauds à Roissy, donne néanmoins lieu à des commentaires pour le moins mitigés. Sans doute était-ce inévitable. Mais ce show est perçu comme indécent. Du coup, sa prestation à TF1 devant Claire Chazal ne convainc guère.

Pas plus que le plaidoyer pro domo plus affectif que journalistique d’Ivan Levaï1, d’une élégance surjouée. Les téléspectateurs mus par un évident voyeurisme en voulaient plus. Apparemment en colère cet homme libre, trop libre, qui avoue avoir eu « très peur » mais n’écarte pas l’idée d’un complot, n’a pas paru complètement sincère.

Sans doute s’est-il exprimé trop tôt avec un certain courage, afin de faire baisser la pression médiatique. L’humiliation qu’il a vécue ne vaut cependant pas absolution. D’autant que l’actualité ne cesse de se rappeler à lui, qu’il s’agisse de la plainte finalement classée sans suite de Tristane Banon pour prescription ou du dossier du Carlton à Lille, qui mentionne son nom parmi les amateurs de parties fines dans l’établissement, organisées par le proxénète « Dodo la Saumure ». Mais aussi à l’hôtel Murano à Paris ou à Washington.

DSK s’enlise dans cette affaire de plus en plus sordide où le directeur du FMI côtoyait des policiers du Nord de la France mus par l’ambition pour l’un, Jean-Claude Ménault, de devenir directeur général de la police nationale (DGPN) et l’autre, Jean-Christophe Lagarde, patron du Raid. Tournant en rond dans son appartement de la place des Vosges, seul et au bord de la dépression, DSK reconnaît la « maladie » que lui avait imputée Michel Rocard tandis que l’attitude d’Anne Sinclair suscite toutes les spéculations. Harcelé, le couple se réfugie en Israël. Les masques tombent et la droite en tire argument pour relativiser les écarts de comportement de Nicolas Sarkozy. Mais DSK règle ses comptes en décrivant lors d’un forum économique à Pékin la zone euro comme un « radeau sur le point de sombrer ».

Une enquête CSA de Terrafemina décerne néanmoins à Anne Sinclair le label de personnalité féminine de l’année. Un choix « consternant » selon Eva Joly, à la grandeur d’âme bien connue.


[1] Selon un journaliste du Huffington Post, le chef de la police de New York, Ray Kelly, a été décoré de la Légion d’honneur au consulat français par Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur en 2006. Lequel l’invitera à Paris, l’été dernier, pour la remise de la Légion d’honneur à Alain Bauer, le criminologue français très lié à Nicolas Sarkozy. Or dès les premiers jours ayant suivi son arrestation, le NYPD a multiplié les fuites sur DSK au point d’exaspérer ses avocats.

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Extrait de Et les masques sont tombés : Les coulisses d'un quinquennatRobert Laffont (23 février 2012)

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