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Et s’il n’y avait qu'une (ou deux) réformes à mener parallèlement à la pandémie, lesquelles choisir ?
©CHRISTIAN HARTMANN / POOL / AFP

Et pendant ce temps là

Un séminaire gouvernemental doit se tenir ce mercredi pour définir l’agenda politique des six mois à venir. Voici un florilège de réformes qui pourraient permettre au gouvernement de gagner en efficacité.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Nicolas Marques

Nicolas Marques

est directeur de l'Institut économique Molinari

Docteur en économie (Université d’Aix-Marseille) et diplômé en gestion (EM Lyon), il a débuté sa carrière en enseignant l’économie, avant d’exercer des responsabilités marketing et commerciales dans de grands groupes de gestion d’actifs français.

Chercheur associé depuis la création de l’IEM, en 2003, il est devenu Directeur général de l’institut en 2019. Il est l’auteur de plusieurs travaux sur les enjeux fiscaux, les finances publiques, la protection sociale ou la contribution des entreprises et membre de la Société du Mont Pèlerin.

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Atlantico.fr : Quelles réformes le gouvernement devrait-il faire actuellement pour favoriser la simplification administrative ainsi que la déconcentration  ? 

Eric Verhaeghe : La réforme nécessaire aujourd'hui n'est pas "technique" mais culturelle, systémique en quelque sorte. Il faut à tout prix modifier l'aversion de l'administration pour la performance et modifier son inclination pour la procédure et la précaution. La seule façon efficace d'agir consiste forcément à responsabiliser la haute administration sur ces questions de performance et de résultat. Les hauts fonctionnaires, à commencer par les 400 directeurs d'administration et les 100 préfets qui tiennent l'Etat, ne doivent plus être encouragés à préférer le "pas de vague" plutôt que la qualité du service public. Et ce n'est pas un mal simple à combattre, que celui qui consiste à préférer n'attirer l'attention de personne, en besoin en échouant et en attribuant la responsabilité de l'échec aux autres, plutôt qu'à réussir au besoin en imposant des réformes impopulaires à des fonctionnaires usés jusqu'à la corde, démotivés, et représentés par des syndicats corporatistes à vue étroite. 

De ce point de vue, il faudra bien tôt ou tard mettre sur la table les sujets qui fâchent, à commencer par la garantie de l'emploi accordée aux hauts fonctionnaires. Rappelons qu'historiquement celle-ci sert à éviter la politisation de la fonction publique. Mais toute la haute fonction publique se consacre désormais activement, quotidiennement, à la politisation. Et elle se sert de sa garantie de l'emploi pour se consacrer à sa carrière, imbue de ses certitudes, plutôt que pour servir le public. L'exemple de Jérôme Salamon en est une parfaite illustration. 

Il faut pouvoir licencier ces petits marquis, c'est-à-dire les renvoyer dans une file d'attente chez Pôle Emploi lorsqu'ils ne délivrent pas le service que l'on attend d'eux, au besoin évalué par une commission parlementaire ad hoc. Tant que les hauts fonctionnaires ne paieront pas de leur emploi leur incompétence ou leur incapacité à délivrer un service public de qualité, rien ne bougera dans l'Etat.  

Atlantico.fr : Quelles réformes le gouvernement peut-il mener dans la fiscalité de production  ? 

Nicolas Marques : La priorité est de baisser massivement les impôts de production, pour les ramener au plus vite dans la moyenne européenne. Cette fiscalité pénalise les entreprises de toutes tailles sur des critères arbitraires, mais aussi toute une série de structures sanitaires et sociales.

Elle regroupe des taxes sur l’appareil productif (foncier, équipements, salaires…) ou sur des critères déconnectés du résultat (chiffre d'affaires, valeur ajoutée).  Contrairement aux fiscalités modernes basées sur les revenus (profits, plus-values…) ou leurs conséquences (consommation), la fiscalité de production repose sur des assiettes déconnectées de la santé financière. Injuste, elle pénalise les activités fragiles, favorise les délocalisations et les importations.

La fiscalité de production touche de la même façon les acteurs indépendamment de leur rentabilité. Redoutable pour les activités à marge faibles, elle provoque leur disparition accélérée dans l’Hexagone. En période de crise les impôts de production, insensibles à la situation financière des acteurs, les mettent artificiellement en déficit, ce qui accélère les catastrophes économiques et sociales. On le voit dans le secteur du pneumatique, avec des fermetures de sites chez Bridgestone ou Michelin. Dans le même temps, ces activités se maintiennent ou se développent dans des pays européens n’ayant quasiment plus de fiscalité de production.

Les impôts de production ont le défaut de toucher plus particulièrement les secteurs exposés à la concurrence internationale. Il y a quelques mois le Conseil d’analyse économique remarquait qu’un impôt comme la C3S réduit la compétitivité des entreprises, joue comme une taxe sur les exportations et une subvention aux importations, « tour de force » qu’aucune autre taxe ne réussit.

En France, les impôts de production représentaient 109 milliards d’euros en 2018. C’est autant que le total cumulé de 23 pays de l’Union européenne dont l’Allemagne. L’essentiel de ces impôts porte sur les entreprises avec 3,2 % du PIB, contre 1,6 % dans l’UE.

Une baisse des impôts de production de 10 milliards est prévue cette année. Cette démarche est insuffisante pour créer les conditions nécessaires au développement d’entreprises. Pour revenir dans la moyenne de l’Union européenne, il faudrait supprimer 40 milliards d’euros de cet impôt jouant contre la production et l’emploi.

De nombreuses voix s’expriment en faveur d’une relocalisation dans l’Hexagone d’une partie de notre production, qu’il s’agisse de réduire notre dépendance dans quelques domaines stratégiques ou de favoriser les circuits courts, plus économes en ressources. Penser que ces objectifs peuvent être atteints sans une réduction importante des impôts de production relève de l’illusion. C’est la réforme dont nous avons cruellement besoin pour soutenir la production et l’emploi.

Atlantico.fr : Quel type d'observatoire, indépendant et réellement utile, pourrait-il être pertinent de créer ?

Jean-Paul Betbeze : La crise sanitaire nous a surpris, un peu parce qu’elle venait vite de Wuhan, plus encore quand elle est passée d’Italie en France. Quelle surprise ! La crise financière du Liban nous a surpris, alors que nous voyions depuis des mois se développer cette crise, mélange d’exode des capitaux et de dette publique en dollars, alors que l’économie plongeait. L’inflation en France est à 0%, ce qui est au-dessus du livret A, à 0,5% net d’impôt. Le déficit du budget de l’état devrait être de 153 milliards d’euros en 2021, avec 449 milliards de dépenses et 296 de recettes : les recettes sont égales aux 2/3 des dépenses. Il ne sert à rien de comparer le déficit au PIB, sauf pour se calmer. La Banque Centrale Européenne détient le cinquième de la dette publique, elle a pris la place des acheteurs extérieurs au moment même où cette dette ne cessait de croître, ce qui est aimable. Et ainsi de suite… Nous sommes entourés d’experts, ce qui est toujours possible, qui commentent des rapports qu’ils n’ont pas lus, ce qui les pardonne de ne pas les avoir compris.

A force de commentaires d’autant plus percutants qu’ils ne sont pas fondés sur des chiffres de qualité (Insee, OCDE, FMI) ou d’enquêtes scientifiques sérieuses (nombre de sondés, qualité des questions), les auditeurs-téléspectateurs doutent de plus en plus, ou se mettent à croire à toutes sortes d’analyses et de théories devant les chaînes à temps plein. Ceci donnera Fox News aux États-Unis, puis des dérives complotistes ou anti-scientifiques. On voit les effets quand les faits disparaissent, sous les opinions. Il faut les deux, clairement séparés.

Donc un observatoire (un de plus, oui mais de qualité, indépendant, utile !) : dans une situation à la fois très dangereuse et complexe et à l’aube de la Présidentielle, chiffres et données doivent avoir plus de place, à la base des analyses, des projections et des propositions. Il ne s’agit pas d’être tragique mais d’être sérieux, si l’on veut renforcer le débat démocratique, en un temps où il est en danger. Autrement, on ne contrôle plus la violence que l’on laisse créer.

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