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Pourquoi il devient urgent de sauver nos démocraties de la technologie
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Big tech

Les géants de la Big Tech représentent une réelle menace pour nos nations occidentales. Car le vrai danger des GAFA n'est pas tant qu'ils trustent le marché de l’information traditionnel, mais qu’ils ébranlent par ce biais le fonctionnement même de nos démocraties.

Franck DeCloquement

Franck DeCloquement

Ancien de l’Ecole de Guerre Economique (EGE), Franck DeCloquement est expert-praticien en intelligence économique et stratégique (IES), et membre du conseil scientifique de l’Institut d’Études de Géopolitique Appliquée - EGA. Il intervient comme conseil en appui aux directions d'entreprises implantées en France et à l'international, dans des environnements concurrentiels et complexes. Membre du CEPS, de la CyberTaskforce et du Cercle K2, il est aussi spécialiste des problématiques ayant trait à l'impact des nouvelles technologies et du cyber, sur les écosystèmes économique et sociaux. Mais également, sur la prégnance des conflits géoéconomiques et des ingérences extérieures déstabilisantes sur les Etats européens. Professeur à l'IRIS (l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques), il y enseigne l'intelligence économique, les stratégies d’influence, ainsi que l'impact des ingérences malveillantes et des actions d’espionnage dans la sphère économique. Il enseigne également à l'IHEMI (L'institut des Hautes Etudes du Ministère de l'Intérieur) et à l'IHEDN (Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale), les actions d'influence et de contre-ingérence, les stratégies d'attaques subversives adverses contre les entreprises, au sein des prestigieux cycles de formation en Intelligence Stratégique de ces deux instituts. Il a également enseigné la Géopolitique des Médias et de l'internet à l’IFP (Institut Française de Presse) de l’université Paris 2 Panthéon-Assas, pour le Master recherche « Médias et Mondialisation ». Franck DeCloquement est le coauteur du « Petit traité d’attaques subversives contre les entreprises - Théorie et pratique de la contre ingérence économique », paru chez CHIRON. Egalement l'auteur du chapitre cinq sur « la protection de l'information en ligne » du « Manuel d'intelligence économique » paru en 2020 aux Presses Universitaires de France (PUF).

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Atlantico : Selon Francis Fukuyama, « le pouvoir économique et politique concentré des plateformes numériques est comme une arme chargée, posée sur une table. Pour le moment, les personnes assises de l'autre côté de la table ne prendront probablement pas l'arme et n'appuieront pas sur la détente ». Il craint que des acteurs mal intentionnés mettent la main sur les firmes de la Big Tech, mais estime que pour l’instant, ses dirigeants sont plus animés par l’appât du gain que par leurs opinions politiques. En est-on bien sûrs ?

Franck DeCloquement : A travers les propos lapidaires que vous citez de Francis Fukuyama, bien qu’isolés de leur contexte rédactionnel d’énonciation, il est possible de dire qu’il se trompe au moins partiellement, car les faits qu’ils redoutent sont en réalité déjà là ! Toutes les personnes sensées qui auront pu suivre – même très épisodiquement – l’actualité des Big Tech en seront amplement convaincues. La Big Tech représente de toute évidence une menace unique et parfaitement inédite pour nos démocraties. Un débat sur ce que ces opérateurs géants privés peuvent faire des données de leurs utilisateurs ; ou influer sur nos perceptions en en matière d’information ; ne pourra être évité très longtemps.

Il est possible que le retour d’une administration démocrate au pouvoir facilite peut-être cette petite révolution culturelle et juridique aux Etats-Unis, qui consisterait à remettre en cause cette hégémonie. Mais pas forcément pour le reste du monde : politique Américaine de Sécurité Nationale oblige ! N’oublions jamais que les GAFA dans leur ensemble bénéficient très largement des largesses pécuniaires des contrats publics gouvernementaux aux Etats-Unis, à travers de juteux contrats négociés à coup de milliards avec le Pentagone, mais aussi avec les dix-sept centrales du renseignement américain. Alors que l'UE a cherché à appliquer les lois antitrust contre ces plates-formes, les États-Unis ont été pour l’heure beaucoup plus tièdes dans leur réponse. Mais cela commence pourtant à changer imperceptiblement… A ce titre, et au cours des deux dernières années, la Federal Trade Commission ainsi qu’une coalition de procureurs généraux des États, ont ouvert des enquêtes sur les abus potentiels du pouvoir de monopole des plateformes numériques géantes. Et en octobre dernier, le ministère de la Justice a intenté une action antitrust contre Google. Ces critiques acerbes sur la Big Tech incluent désormais à la fois des démocrates (qui craignent la manipulation par des extrémistes nationaux et étrangers) et des républicains (qui pensent que les grandes plates-formes sont biaisées contre les conservateurs).

Pendant ce temps, un mouvement intellectuel croissant, dirigé par une coterie de juristes américains influents, cherche aussi à réinterpréter le droit antitrust pour faire face à la domination patente des plateformes. Il est vrai que les marchés numériques présentent certaines caractéristiques très particulières qui les distinguent des autres marchés économiques conventionnels. D'une part, la pièce maîtresse de leur royaume, ce sont les données. Une fois que des entreprises comme Amazon ou Google ont amassé des données suffisantes sur des centaines de millions de profils d'utilisateurs, elles peuvent pénétrer des marchés complètement nouveaux et battre les entreprises concurrentes très établies. Des entreprises qui manquent naturellement de connaissances similaires… D'autre part, ces multinationales bénéficient grandement des « effets dits de réseau ». Plus le réseau est grand, plus il devient utile pour leurs utilisateurs. Ce qui crée une boucle de rétroaction positive, qui conduit immanquablement une seule entreprise à dominer le marché et à en pomper indubitablement toutes les ressources. Contrairement aux entreprises dites « traditionnelles », les multinationales mastodontes de l'espace numérique ne se disputent pas les parts de marché : car elles sont en concurrence pour le marché lui-même ! Les premiers joueurs peuvent ainsi s'enraciner très profondément et rendre la concurrence totalement impossible. Elles peuvent engloutir des rivaux potentiels, comme l'a fait Facebook en achetant et en assimilant tour à tour Instagram et WhatsApp… A l’image de « la chose d’un autre monde » dans le génial film de John Carpenter « The Thing » en 1982. Car elles sont d’une toute autre nature que les entreprises habituelles…

Une très grande partie de nos vies quotidienne se déroulent d’ores et déjà « en ligne ». Et ceci, d’autant plus depuis la survenue de la crise pandémique de Covid-19 que nous traversons depuis début 2020, et les mesures de confinement total ou partiel que nous subissons collectivement. Bien que très pratiques soient les fonctionnalités et les interfaces offertes par leur technologie dernier cri, la suprématie de telles multinationales américaines – très largement dominantes et monopolistiques – devrait faire retentir toutes les alarmes. Et ceci, non seulement parce qu'elles détiennent un immense pouvoir économique en soi, et sur les autres acteurs économiques en général, mais aussi parce qu'elles exercent un pouvoir de contrôle et de persuasion indéniable sur la communication politique des parties prenantes. Mais aussi sur la fabrication/falsification des opinions publiques en règle générale.

Ne l’oublions pas, ces « mediums 2.0 » (au sens de Marshall McLuhan) que sont en réalité ces plateformes de mise en contact « universelle », ne sont pas neutre : bien au contraire. Alors que les GAFA se présentent encore comme de simples « hébergeurs » (comme l'affirme la loi française) pour s’exonérer visiblement de toutes responsabilités pénales (ce que permet leur statut de droit privé américain), de plus en plus de voix s’élèvent dans l’hexagone pour les assujettir aux principes de la loi de 1881 sur la presse. Ces opérateurs exercent en réalité par cette entremise labile généralisée d’une multitude d’acteurs – via leurs différentes interfaces – un magistère intellectuel et une emprise stratégique certaine, peu ou prou formateur d’opinions. Ce ne sont naturellement pas des acteurs passifs, bien au contraire, comme l’a révélé en outre l’affaire « Cambridge Analytica » et ses divers accès négociés aux données utilisateurs massives détenues par Facebook.

Pour preuve également de ce que nous avançons, les différent « contrats » passés par certains gouvernements pour réguler ce qui se passe en ligne sur leurs différents réseaux, en prévision de la tenue des prochaines élections présidentielles. L’exécutif Français au premier chef. Facebook avait été d’ailleurs pris la main dans le sac par les autorités américaines, suite à une « expérience de sociologie active » à grande échelle, en lien avec la « contagion des émotions ». La plateforme sociale avait en effet conduit une expérience très secrète sur les internautes en manipulant le flux d'actualité de 700.000 utilisateurs, mais sans que ces derniers n'aient donné leur accord explicite. Cette découverte inopinée avait suscité une très forte vague d'indignation aux Etats-Unis. Le réseau social s'était alors abrité derrière une clause de sa « Politique d'utilisation des données » : « nous pouvons utiliser les informations que nous recevons à votre sujet pour des opérations internes, dont le dépannage, l'analyse des données, les tests, la recherche et l'amélioration des services ». Mais peut-on dignement assimiler les « toutes petites lignes » d'un document que peu d'internautes lisent, à un consentement éclairé ? Interrogé à l’époque des faits par les médias américains, Forbes en tête, le réseau social de Zuckerberg faisait mine de ne pas comprendre le cœur même de la polémique pour se dédouaner de sa responsabilité éthique et pénale. « Cette recherche a été menée pendant seulement une semaine, et aucune donnée utilisée n'était liée au compte d'une personne en particulier (...) Il n'y a pas eu de collecte excessive de données personnelles et ces dernières sont conservées de manière sécurisée », indiqua la direction Facebook, qui plaçait ici ostensiblement le curseur sur la protection de la vie privée, alors que le débat portait naturellement sur l'éthique de telles recherches ostensiblement manipulatoires.

Dans l'idéal, Facebook aurait plutôt cherché des volontaires et mis en place une case à cocher indiquant que vous êtes d'accord pour être le sujet d'études psychologiques occasionnelles De nombreux internautes américains se sont dits « troublés » par la révélation tonitruantes de tels travaux que certains jugent « démoniaques ». D'autres ont décidé de supprimer au plus vite leur profil. Facebook dispose de données gigantesques sur ses 800 millions d'utilisateurs quotidiens actifs. Un véritable laboratoire du comportement humain à ciel ouvert qui a de quoi séduire les chercheurs en sciences sociales et les lobbyistes de tous poils, mais qui pose aussi des problèmes éthiques crucial. Un des analystes de données de Facebook – sans doute en service commandé – ayant travaillé sur cette étude, avait expliqué fort innocemment sur son profil social que le but de cette recherche était d'observer « l'impact émotionnel de Facebook » : « Nous avions peur que l'exposition à des statuts négatifs n'encourage les gens à ne plus venir sur le réseau social […] Notre but est d'améliorer le service et non d'embêter les gens. Je peux comprendre pourquoi certaines personnes sont inquiètes, et moi et mes co-auteurs sommes désolés de voir le trouble qu'a causé la description de cette étude [dans la revue PNAS].» On pourra aisément être consterné face à un tel degré de naïveté confite de la part d’un spécialiste…

Facebook et Google façonnent aujourd’hui autant le monde de l’information et celui de nos perceptions, que les médias traditionnels eux-mêmes. Dans quelle mesure peuvent-ils orienter les débats publics, et donner à lire ce qu’ils veulent bien nous montrer ?

Leur emprise délétère est indéniable. Elle demeure assez subtile à analyser au demeurant. A l'inverse des GAFA ou de Twitter, les éditeurs de presse sont, eux, pénalement responsables des articles qu'ils publient. Et cela fait toute la différence. Pour reprendre à notre compte le titre d’un ouvrage de Pascal Perri que l’essayiste a notamment publié : « Google, un ami qui ne vous veut pas que du bien ». Et pour lutter en outre contre les fausses nouvelles en période électorale ou des actualités contrefaites, l’actuel locataire de l’Elysée Emmanuel Macron avait annoncé en son temps un texte de loi pour protéger la vie démocratique. Mais en réalité, le match entre médias traditionnels et GAFA (les plateformes géantes du web : Google, Apple, Facebook, Amazon) est très déséquilibré. Sur le plan fiscal et économique bien sûr, mais aussi et essentiellement – pour notre propos – en matière de contraintes juridiques. Dans les faits, les GAFA se sont imposés comme des « médias » à part entière ou, à défaut, comme des « diffuseurs d'information ». Google utilise des contenus professionnels. Google News reprend les contenus des médias professionnels : presse écrite, radio et télévision, et les « hiérarchise » opportunément selon une formule algorithmique tenue secrète, et selon ses propres règles éditoriales et son propre agenda... Nous sommes ici très loin de la transparence !

En marge des GAFA, les blogs, les réseaux sociaux et toutes les plateformes offrent en règle générale à des personnes inconnues et à des sources anonymes le droit de publier des articles ou des informations, sous quelque forme de ce soit. Twitter mérite une attention particulière. La plateforme héberge des personnes physiques ou morales productrices d'informations et de commentaires, et donne la parole à toutes sortes de contenus, sans aucune assurance concernant l'origine exacte des messages ainsi postés. Selon la « loi pour la confiance dans l'économie numérique », GAFA, blogs et réseaux sociaux, brefs toutes les plateformes sont considérées comme des hébergeurs. Un hébergeur est une personne physique ou morale qui assure « pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ». Une plateforme a donc le droit d'offrir à de parfaits inconnues, et à des sources anonymes (voire même contrefaites), la faculté de publier des articles ou des informations sous quelque forme de ce soit. C'est ce qui correspond en outre à l'expression, qui figure dans la loi, de la « mise à disposition du public de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de message de toute nature. »

A l'inverse des GAFA ou de Twitter, les éditeurs de presse, eux, sont pénalement responsables des articles qu'ils publient. Or, et c'est le cœur du problème, aux yeux de la loi, ces entreprises ne sont pas tenues de respecter les règles qui encadrent les activités des médias traditionnels. Les GAFA et les autres plateformes assimilées échappent à la loi de 1881 qui régit le droit de la presse. Les hébergeurs, c'est-à-dire ceux qui publient ces messages de tierces personnes, « ne peuvent pas voir leur responsabilité pénale engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services qui n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite », dit la loi. Les GAFA bénéficient au demeurant d'un régime de responsabilité très atténué, et ne sont soumis à aucune des contraintes spécifiques aux éditeurs de contenus. D’où, l’avantage comparatif notoire qu’ils en retirent.

Prenons un exemple : si à la suite de la diffusion sur internet d'un article de presse écrite, des commentaires d'internautes constituent une diffamation notoire, la justice doit trancher qui, de l'éditeur de presse ou de l'hébergeur, est responsable des propos échangés sur un réseau social. Il est simple de faire valoir ses droits quand on est confronté à un journal classique, une radio ou une chaine de télévision nationale soumis au droit de la presse. Il est en revanche très compliqué d'y parvenir rapidement face à un hébergeur digital, GAFA en tête… Dans de telles conditions, la compétition est parfaitement déséquilibrée. Le grand public a très peu conscience des conditions générales de production de l'information (ou dans certains cas de la désinformation). Il peut avoir tendance à considérer que la vérité se trouve en dehors des circuits traditionnels des médias estampillés « sérieux et sourcés ». Pourtant, l'espace digital fait l'objet de surenchères permanentes dans le sensationnel et les contrevérités à des fins mercantiles.

Et ceci, selon une règle extrêmement simple : plus une polémique enfle ou devient porteuse d’une convergence d’intérêts et génératrice d’audiences massive, plus nombreux sont les subsides publicitaires qui convergent vers le support diffuseur. Protégés par leur irresponsabilité et l’usage extensif de Dark patterns (en français : « interface truquée ». une « Dark Pattern » est une interface utilisateur qui a été soigneusement conçue pour tromper ou manipuler un utilisateur. Ces choix graphiques – UX design – peuvent aussi être décrits comme des éléments subreptices mis en place pour solliciter plus longtemps l'attention et l’intérêt des utilisateurs, pour faire en sorte que celui-ci reste sur un service, à l'aide de biais cognitifs), les GAFA laissent diffuser des informations qui sont, en effet, dans certains cas des « fake news ».

Ils contribuent ainsi très largement à produire, relayer et promouvoir la confusion dans les cœurs et les esprits de leurs utilisateurs, mais aussi à brouiller les pistes. Au pire, on peut y voir une menace pour la libre expression des opinions, et plus généralement pour notre démocratie. Le mot « média » induit toujours l'action d'une « médiation », et donc d’une non-immédiateté : les journalistes sont des « médiateurs », dans le sens où ils ont reçu une formation ad hoc pour exercer cette fonction. Ils répondent en principe à des règles de déontologie, et savent distinguer pour leurs lecteurs une information brute d’un fait contrefait ou frelaté. Les médias sociaux eux ignorent ces distinctions... Ils peuvent être rapides et flexibles, mais ils sont aussi des espaces très poreux aux actions de propagande noire et aux opérations d’influence sur les perceptions à des fins de guerre psychologique. Les ingérences Russes ou les actions de recrutement de Daesh – Etat Islamique – en étant deux exemples parmi tant d’autres.

Selon Francis Fukuyama, toutes les réglementations gouvernementales (sur la protection de la vie privée, sur les fake news, sur les données personnelles, etc.), comportent des failles patentes. En revanche, la technologie du « middleware », un intermédiaire entre le réseau social et l’utilisateur, pourrait selon lui être une solution. En quoi cela consiste-t-il ? Voyez-vous d’autres solutions ?

Cette approche très techniciste impliquerait d'inviter un nouveau groupe d'entreprises « middleware » dans la mêlée compétitive, pour permettre à utilisateur lambada de choisir la manière dont les informations lui sont présentées. Une approche probablement plus efficace et sans doute moins chimérique que de tenter de démanteler ces multinationales géantes. En français, cette expression se traduit par le terme : « logiciel médiateur », ou « intergiciel ». Celui-ci provient de la contraction entre les mots middle (milieu) et software (logiciel). Il s'agit en réalité d'un logiciel permettant la mise en relation de deux applications informatiques. Son but premier est de faciliter les échanges d'informations entre ces deux applications, qui peuvent alors interagir et coopérer. Avec le « middleware », il n'est pas nécessaire d’ailleurs que les deux applications se trouvent sur un même réseau pour pouvoir communiquer entre elles. De la même manière, ces applications n'ont pas non plus l'obligation de partager le même système d'exploitation, ni le même protocole réseau. On recense à ce jour trois « middlewares » ou « intergiciels » majeurs : CORBA (Common Object Request Broker Architecture), DCOM (Distributed Component Object Model) et RMI (Remote Method Invocation).

De son côté l’Allemagne a choisi d'instituer la responsabilité des hébergeurs sur les contenus diffusés, par une loi votée au Bundestag. Cette responsabilité des plateformes et des réseaux est en principe assortie de sanctions financières lourdes en cas de manquements. Il est donc théoriquement possible de légiférer dès lors qu’il existe une volonté politique assumée, capable de faire payer au prix fort les multinationales américaines. Faut-il encore être capable de défier le courroux de Washington en cas d’application stricte… A l’image exacte de ce que font les américains eux-mêmes quand ils s’octroient des prérogatives exceptionnelles – et souvent contestables – en la matière. Toujours au prétexte de la protection des conditions de leur sécurité Nationale. Les lobbyistes des GAFA développent deux types de moyens de défense pour contrer ce genre d’initiative. Ils expliquent opportunément que « la France ne peut pas brider les acteurs du Net au moment même où le pays mise sur la transition digitale ». Ils invoquent aussi largement l'argument de la liberté d'expression, qui peut être un argument fort, mais aussi un paravent très commode pour imposer sa volonté. N'est pas journaliste, ni éditeur de contenus qui veut. La question de la liberté d'expression est très complexe et dépend très souvent d’un contexte d’application parfois inextricable. Mais une chose est néanmoins certaine : les GAFA ne sont pas de simples « hébergeurs » comme l'affirme la loi française, mais bien des éditeurs de contenus à part entière. Il faudrait donc idéalement les assujettir dans notre hexagone et partout en Europe, aux mêmes règlementations en vigueur que la presse écrite et l'audiovisuel. Ces mastodontes Américains dominent désormais la diffusion de l'information en ligne, mais aussi l’essence même de la coordination et de la mobilisation politique dans nos écosystèmes sociaux contemporains. A ce titre, l’exemple criant du mouvement des gilets jaunes est indubitable. Cela constitue un challenge notoire et un défi unique pour les Etats occidentaux.

Bien qu'il existe un consensus émergeant sur la menace que les entreprises de Big Tech font peser sur l’esprit de nos démocraties, il y a en réalité peu d’accords factuels sur la façon d'y répondre : certains ont fait valoir aux Etats-Unis que le gouvernement devait rompre avec Facebook et Google. D'autres ont appelé à des réglementations plus strictes pour limiter l'exploitation des données par ces firmes géantes. Sans une voie à suivre claire, de nombreuses critiques ont fait pression sur les plateformes pour qu'elles s'autorégulent, les encourageant à supprimer préalablement les contenus dangereux, et à mieux gérer les publications de leurs sites. Mais peu reconnaissent que les préjudices politiques posés par ces plateformes « sociales » sont bien plus graves que les préjudices économiques. En tout état de cause, les GAFAM sont consubstantiels de la puissance Américaine. Nul doute qu’il est fort improbable que les Etats-Unis se laissent spolier ou endiguer la puissance qu’offrent de tels outils par d’autres à l’extérieur de ses frontières. Gardons-le à l’esprit.

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