"Un coupable presque parfait La construction du bouc émissaire blanc" de Pascal Bruckner : un plaidoyer solide, un essai brillant, au secours d’une civilisation crépusculaire ébranlée par les diktats des minorités<!-- --> | Atlantico.fr
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Un coupable presque parfait Pascal Bruckner
Un coupable presque parfait Pascal Bruckner
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Atlanti Culture

Pascal Bruckner a publié "Un coupable presque parfait La construction du bouc émissaire blanc" aux éditions Grasset.

Rodolphe  de Saint Hilaire pour Culture-Tops

Rodolphe de Saint Hilaire pour Culture-Tops

Rodolphe de Saint Hilaire est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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"Un coupable presque parfait La construction du bouc émissaire blanc" de Pascal Bruckner

Grasset - 352 p. - 20.90€

RECOMMANDATION
Excellent


THEME
Trois discours et trois postures ont, dans le domaine des idées, remplacé récemment et d’abord à mots couverts, les concepts de progrès, de liberté, d’universalité. En provenance des Etats Unis déferle aujourd’hui la vague du genre, de l’identité et de l’antiracisme avec ses corollaires, le néoféminisme, le « décolonial », le communautarisme ; l’ennemi N°1 c’est l’homme blanc, l’exploiteur, le prédateur. Sa couleur de peau fait de lui le comble du racisme… et le coupable idéal, le bouc émissaire cible de toutes les frustrations, colères, injustices ressenties, et paradoxalement le fossoyeur de l’humanisme.

Ainsi Bruckner règle d’abord son compte à l’idéologie féministe actuelle, celle, pincez moi, du Génie Lesbien d’Alice Coffin, par exemple. La femme n’est pas l’égale de l’homme, elle lui est supérieure surtout si elle est LGBTQ. Pour ces militantes néo-féministes venues d’outre Atlantique,  il faut tuer ces hommes qui ont la culture du viol. « Les agresseurs sont toujours des blancs », d’où le syllogisme imparable.

Ailleurs, l’auteur du Sanglot de l’homme blanc voue aux gémonies cette opprobre délirante jetée sur ce  néo colonialisme que l’on va dénicher dans les statues vite déboulonnées et dans les livres qu’il faut jeter au feu, car il maintient parait-il les minorités en esclavage. Même notre langue maternelle est clouée au pilori par l’idéologie progressiste. C’est bien sûr la faute à Rousseau si certains sont dans le ruisseau ! C’est donc à une contre révolution culturelle que nous invite Bruckner car on peut sans doute s’attendre, si on n’y prend garde, à ce que l’on renvoie aux champs nos professeurs, nos écrivains, nos artistes bourrés de préjugés bourgeois.

Surtout, arrêtons de nous flageller au nom de la mauvaise conscience héritée de la période de l’expansion coloniale et de ses séquelles ou du mauvais sort subi par les migrants ou encore des violences conjugales qui seraient l’apanage de l’homme blanc, etc. Un exemple très parlant et assez surprenant  du ton de l’essai et de l’état d’esprit de son auteur : à propos de la prise de position de Jacques Toubon déclarant : «Les demandeurs d’asile sont mal traités», Bruckner annote : « J.T. fait partie de ces hommes de droite qui se sont dotés, avec l’âge d’un surmoi de gauche et embrassent, sur leur vieux jours, le parti de la bienveillance. »

POINTS FORTS
-Une culture politique encyclopédique ; la richesse des citations et la qualité des référents qui lui permettent de délivrer quelques truismes implacables et glaçants

-Le sens de la formule (le poids des mots) et le choc des images métaphorisées, par exemple lorsque l’auteur évoque les vicissitudes de l’Europe : « Timoré et boulimique, le Vieux Monde risque de mourir d’obésité, ectoplasme qui  gonfle à mesure de son inconsistance…» ou encore lorsqu’il parle des «migrants», ce « néologisme caoutchouteux ».

-La clarté du propos, le côté irréfutable des démonstrations à l’appui desquelles l’auteur-procureur fait souvent appel à des «avocats» de la cause blanche talentueux et sans parti pris outranciers, tels James Baldwin (la prochaine fois, le feu), le chercheur afro américain Shelby Steel ou … Joséphine Baker. Selon ses propres mots, Bruckner a un don pour « démêler l’écheveau » le plus compliqué comme l’affaire Adama Traoré et les manipulations du mouvement «Vérité pour Adama » ou pour dénoncer «l’hétérorisme» qui fait fureur dans l’idéologie à la mode. 

POINTS FAIBLES
Devant tant d’érudition et de rigueur dans la démonstration, difficile de parler de points faibles sinon que c’est peut- être le lecteur qui se sentira faible devant un tel foisonnement de concepts et cet empilement de citations et de références. Il faut trier, hiérarchiser, respirer entre chacune de ses phrases lourdes de sens.

EN DEUX MOTS
C’est l’histoire d’un fanatisme  qui chasse l’autre, aussi violent mais protéiforme et sans doute plus dangereux car prospérant sous le feu des croyances ou les ténèbres de la race. «Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu‘aux hommes et qui, en conséquence, est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ?» se demandait déjà Voltaire à propos du fanatisme. Aujourd’hui transformé en culture de la haine répandue comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. Haine que nous portons souvent à nous-mêmes. Halte à l’autoflagellation, stop à nos vacuités suicidaires et remettons les pendules à l’heure avec les arguments spectaculaires de cet essai brillant. Dans un cri final Bruckner nous conjure de résister aux diktats de minorités hyper agissantes en refusant de nous excuser d’être blanc. En deux phrases le mal est dit, le mal est à la porte. On reste atterré : « Je suis désolée d’être née blanche et privilégiée. Cela me dégoûte. J’ai tellement honte » (l’actrice Rosanna Arquette)  et  « Un blanc n’est pas un homme, plutôt une sous-espèce, un sous-chien » (d’après Houria Bouteldja sur France 3 et repris à l’encontre d’Eric Zemmour).

Heureusement, conclut notre élégant philosophe, toujours très engagé : «Nous sommes encore nombreux à préférer les Lumières de la Raison aux ténèbres de la Race et à défendre la civilisation de l’Europe, une des plus belles de l’histoire.»

UN EXTRAIT
p.213 (citations de l’auteur)

« Malcom X : Quand je dis que l’homme blanc est un diable, je parle avec l’autorité de l’histoire. Il a spolié nos pères et nos mères. Désormais le temps de ce diable aux yeux bleus est sur le point d’être révolu….» Le professeur à la City University de New York et afrocentriste, Leonard Jeffries, abonde en ce sens : les Noirs sont les peuples du soleil qui ont tout inventé mais se sont fait voler leurs trésors par « les peuples de la glace », les démoniaques descendants des Européens (Jeffries y ajoute une forte dose d’antisémitisme qui lui vaudra son poste d’enseignant). Pour lui la mélanine prouve la supériorité intellectuelle et morale des noirs sur les leucodermes. (Time magazine juin 2001) »

 (Plus près de nous) Greta Thunberg a aussi choisi sa cible : « Le réchauffement climatique est la conséquence des systèmes d’oppression coloniaux, racistes et patriarcaux qu’il faut démanteler ».          (Et aussi- p.212) « Comme le prévoyait Raymond Aron dans les années 60, la lutte des races est en passe de supplanter la lutte des classes ».

L'AUTEUR
Un des plus brillants essayistes de sa génération. Il débuta dans les pas d’Alain Finkielkraut, son mentor et coauteur de la première heure, sans toutefois partager toutes ses idées (« Le nouveau désordre amoureux »1977, le Seuil, « Au coin de la rue, l’aventure »1979 id.) Né en 1948, poursuit ses études à Henri IV puis à l’université Paris I et Paris VIII et les conclut à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes ; aujourd’hui, il est maître de conférence  à Sciences Po.

Romancier ou philosophe, essayiste ou chroniqueur, Suisse protestant ou Français révolté, de droite ou de gauche, (il écrit au Monde, à l’Obs, au Figaro et au Point entre autres) progressiste ou de progrès, cet humaniste élégant et nonchalant (d’apparence tout au moins) est tout cela à la fois.              

Auteur prolifique, il a reçu de nombreux prix, Le Renaudot, le prix Montaigne, le prix Médicis de l’Essai... Curieusement, il commença à écrire des ouvrages pour les enfants et sur la jeunesse ; ses œuvres marquantes parmi plus de vingt : La Tentation de l’innocence, l’Euphorie perpétuelle, le Devoir de bonheur, Le Sanglot de l’homme blanc, Misère de la prospérité, Le Paradoxe amoureux, La Maison des anges, La Sagesse de l’Argent, Un Racisme imaginaire, et notre préféré, très personnel, très émouvant : «Un bon fils» (2014  Grasset). Et quand il évoque les disruptions de l’identité américaine (et ses problèmes) dans ce dernier essai, il sait de quoi il parle, ayant  été professeur à l’université de San Diego et de New York pendant 10 ans. Reste que ce qu’on aime avant tout chez Pascal Bruckner, c’est l’homme !

LE CLIN D'OEIL D'UN LIBRAIRE 
Aude Mignon, responsable ventes en ligne, librairie Mollat, 33080 Bordeaux www.mollat.com

« Chez Mollat, c’est déjà Noël. Nous finissons nos vitrines en ce moment. Elles seront splendides. C’est une tradition. Et pourtant le Clic et Collect fonctionne à fond, avec ce petit coup de pouce offert par le gouvernement: la prise en charge des frais d’expédition ; On fait en ce moment 1200 ventes par jour, c’est 50% du chiffre d’affaires habituel. On limite la casse grâce à des ouvrages originaux : par exemple une édition du livre de Steinbeck, « Des souris et des hommes », en BD! Ou encore un très bon polar d’un auteur italien qui se déroule ….à Bordeaux avec un petit passage chez Mollat ! Ou aussi une édition luxe d’Harry Potter ; Merci Culture-tops de votre attention. Nous sommes prêts »       

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