Héritage impossible ? : des habits trop grands pour les successeurs du général De Gaulle <!-- --> | Atlantico.fr
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Charles de Gaulle héritage histoire gaullisme Henri Guaino Jacques Chirac
Charles de Gaulle héritage histoire gaullisme Henri Guaino Jacques Chirac
©CHARLES PLATIAU / POOL / AFP

Bonnes feuilles

Henri Guaino a publié "De Gaulle, le nom de tout ce qui nous manque" aux éditions du Rocher. 50 ans après sa mort, son nom est partout. De Gaulle est le nom que beaucoup de Français mettent sur le sentiment d'un vide que les politiciens d'aujourd'hui peinent à remplir. Extrait 1/2.

Henri Guaino

Henri Guaino

Henri Guaino est un haut fonctionnaire et homme politique français

Conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, président de la République française, du 16 mai 2007 au 15 mai 2012, il est l'auteur de ses principaux discours pendant tout le quinquennat. Il devient ensuite député de la 3e circonscription des Yvelines.

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Les successeurs du général De Gaulle à la tête de l’État ont tous dû, d’une façon ou d’une autre, sur le fond ou sur la forme, composer avec lui. Cette statue du Commandeur à l’ombre de laquelle il leur a fallu vivre les a, parfois malgré eux, tirés vers le haut mais elle leur a souvent compliqué la vie. Chacun d’entre eux a dû vivre avec le risque qu’un visiteur mécontent – comme cela arriva un jour – sortît de l’Élysée en lançant à la presse : « Quand je pense que le général De Gaulle a habité dans cette maison. » Ils ont tous dû, d’une façon ou d’une autre, essayer d’enfiler les habits qui avaient été taillés pour lui. Pompidou fut celui qui y parvint le mieux sans se contorsionner et en restant lui-même. Giscard voulut les faire retailler à ses mesures, sans parvenir à trouver les bonnes. Mitterrand surprit tout le monde par la facilité avec laquelle il s’en empara en criant : « C’est à moi! » S’il l’avait pu, il aurait, comme les anciens pharaons, effacé le nom du général sur les statues de ce dernier et remplacé sa tête par la sienne. Mais il ne pouvait pas. Chirac réussit à les mettre deux ou trois fois. Sarkozy les enfila dans toutes les crises qu’il eut à affronter, mais ne pouvait pas les supporter dans la vie de tous les jours. Hollande ne sut jamais que ces vêtements existaient. Pour lui, président ou Premier secrétaire du parti socialiste, c’était la même chose : pas la peine de changer de costume. Macron aurait bien voulu les porter, mais ils étaient décidément trop grands. Il est frappant de constater qu’après Pompidou, la plupart des présidents voulurent attacher leur nom à des réformes pour entrer dans l’Histoire, comme le général De Gaulle. Mais il n’est pas donné à tout le monde de lancer l’appel du 18 juin, de juguler le risque d’une guerre civile ou de fonder une République. Si De Gaulle avait beaucoup réformé, c’était pour reconstruire une société que les politiciens avait laissée aller à vau-l’eau. Réforme était alors le synonyme de « progrès ». Sous De Gaulle et Pompidou, on faisait le tri entre ce qui devait être conservé et ce qui pouvait être amélioré. La réforme était un moyen. Elle est devenue une fin en soi. On réformait pour mieux gouverner. Désormais, on réforme pour réformer. La valeur de l’homme d’État ne se mesure plus qu’à l’aune des sacrifices qu’imposent ses réformes. On dit alors qu’il fait des réformes courageuses, ce qui veut dire des réformes qui font souffrir. Les Premiers ministres qui voulaient devenir président – Juppé, Jospin, Fillon – se mirent à ne plus penser qu’à ça. Ils étaient convaincus que, le jour venu, on ne leur demanderait pas s’ils avaient bien gouverné, mais s’ils avaient mené à bien beaucoup de réformes courageuses, c’est-à-dire sacrificielles. Tout le monde y est allé de ses réformes : réformes de société en forme de triomphe posthume de mai 1968, réformes de la Constitution pour l’adapter à l’air du temps, réforme du pacte social scellé par le Conseil national de la Résistance, prétendument pour le sauver, réforme de l’État pour faire des économies… Tout y est passé depuis cinquante ans. Un seul fil directeur dans la valse des réformes de la droite et de la gauche, abouties ou avortées : la démolition de tout ce par quoi se concrétisait une « certaine idée de la France ». Plus on encensait De Gaulle, plus on s’évertuait, pour laisser à son tour une marque dans l’Histoire, à démolir ce qu’il avait fait. Ironie de l’Histoire, justement, toutes ces réformes, aussitôt corrigées ou abrogées par leur successeur, laisseront sans doute moins de traces dans la mémoire collective que les moments où les présidents de la République, après De Gaulle, se montrèrent gaulliens quand ils eurent à affronter des crises, comme Chirac face aux États-Unis quand ils décidèrent d’envahir l’Irak, ou Sarkozy face à la Russie quand elle décida d’envahir la Géorgie, ou bousculant l’Europe et le G20 lors de la crise financière.

En réalité que restera-t-il des présidents de la Ve République après De Gaulle si l’on juge à l’aune de ce que nous savons déjà au terme d’un demi-siècle? Pas grand-chose en tout cas de leurs efforts souvent désespérés pour s’affranchir de l’ombre tutélaire de celui qui a porté la force du « non » dans l’histoire de France du XXe siècle et qui a imprimé dans notre imaginaire politique une forme – l’attitude gaullienne – et une idée – l’idée gaulliste de l’homme et de la nation – Il ne restera, au contraire, que ces moments trop rares, où ils auront incarné la coïncidence de cette forme et de cette idée.

A lire aussi : Retrouvez le débat entre Henri Guaino et Eric Zemmour sur le général De Gaulle et son héritage

Extrait du livre d’Henri Guaino, "De Gaulle, le nom de tout ce qui nous manque", publié aux éditions du Rocher

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