Les Emirats arabes unis annoncent un allégement des contraintes de la loi islamique sur les libertés personnelles de leurs citoyens : coup de com' ou amorce d'une révolution silencieuse dans le monde arabo-musulman ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emirats arabes unis Dubaï loi évolution
Emirats arabes unis Dubaï loi évolution
©KARIM SAHIB / AFP

Sharia Light

Les Emirats arabes unis viennent d'annoncer une révision majeure des lois islamiques qui régissent le pays : la consommation d'alcool et la cohabitation hors mariage vont être autorisées.

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani est avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. Il tient par ailleurs un blog www.amir-aslani.com, et alimente régulièrement son compte Twitter: @a_amir_aslani.

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Atlantico.fr : Aux Émirats arabes unis, les lois islamiques connaissent des réformes : la cohabitation devient possible pour les couples non mariés et les crimes sur l’honneur sont désormais condamnés. Ces changements sont-ils le témoignage d’une volonté de faire appliquer des principes de tolérance dans le pays ou est-ce un simple coup de communication ?

Ardavan Amir-Aslani : Il n’y a pas eu encore d’annonce officielle de la part des Émirats-Arabes-Unis. Cette information a été communiquée par le journal The National. qui fait office de porte-parole du gouvernement. Les Émirats sont un pays musulman constitués par un petit nombre de pétro-monarchies. Aujourd’hui, ils sont engagés dans un conflit avec les frères musulmans qui essaient d’avoir des chapitres dans chacune des monarchies du Golfe Persique sous le nom de ISLAH (ndlr : rectification en arabe).

Aujourd’hui, deux thèses s’imposent dans l’islam sunnite. Il y a la thèse des frères musulmans qui est une organisation hiérarchisée où la légitimité vient du bas vers le haut à travers la légitimité électorale. Il y a une autre version, celle défendue par les monarchies arabes du Golfe Persique, où la légitimité du gouvernement vient du haut vers le bas à travers les largesses du prince qui incarne l’Etat. Cela se traduit par des logements gratuits, des soins gratuits, études gratuites, emplois garantis…

Les pétro-monarchies ne supportent pas que la thèse des frères musulmans puisse prendre le pas sur leur modèle car cela signifierait que la population ait son mot à dire. Aujourd’hui, les émirats essaient à travers ces initiatives de véhiculer l’image que leur version de l’islam sunnite est plus tolérante, malléable au changement que la version pure et dure défendue par les frères musulmans. Quand les frères musulmans interdisent l’alcool là où ils sont au pouvoir, les émirats font l’inverse.

À travers ces initiatives, les Emirats arabes unis cherchent à montrer au monde ainsi qu’à leur population d’expatriés que leur version de l’islam sunnite est une version de l’Islam tolérante. Une version différente de celle défendue par les frères musulmans et de celle défendue par les Saoudiens qui ont une version de l’islam encore plus fanatisée que celle des frères musulmans.

L’Arabie Saoudite n’a-t-elle pas donné aux femmes le droit de conduire pour montrer faire évoluer sa société ?

Les femmes qui ont manifesté pour avoir ce droit-là sont aujourd’hui en prison… Depuis que ce droit a été octroyé, seulement onze permis ont été délivrés. Le permis de conduire pose problème car dans la version radicale de l’islam wahabite, celle de l’Arabie Saoudite, la femme est une propriété de l’homme, un bien, donc par conséquent conduire et être libre de ses mouvements va à l’encontre du droit de propriété de l’homme. Aussi bien les Saoudiens que les Emirats arabes unis, avec l’autorisation du concubinage et la vente d’alcool ou encore le droit de conduire des femmes en ce qui concerne les saoudiens, cherchent à montrer aux sociétés occidentales qu’ils sont des pays différents. Dans la pratique, aucune femme n’ira habiter chez un homme sans être liée par le mariage et aucun émirati n’ira dans un lobby d’hôtel boire de l’alcool en en tenue traditionnelle. C’est un droit proclamé mais qui n’est pas amené à s’exécuter tellement les traditions sont fortes et persévérantes.

Ces nouvelles libertés sociales sont proclamées pour une consommation occidentale et non locale. Dans ces sociétés traditionnelles, une femme qui fréquente un homme en dehors du mariage devient socialement morte. Ces droits n’ont donc pas vocation à s’appliquer dans l’immédiat.

Les citoyens des Emirats arabes unis peuvent-ils espérer gagner en liberté à l’avenir ?

Dans la pratique non. Cette réforme est d’ailleurs valable à Abu Dhabi mais pas à Sharjah, un des émirats composant les Emirats arabes unis où c’est une version plus radicale de l’islam qui gouverne. L’alcool y est interdit même dans les hôtels alors qu’à Abu Dhabi et Dubaï l’alcool est autorisé dans les hôtels mais interdit à la consommation par les locaux.

Il n’est même pas sûr que ces nouvelles réformes soient appliquées à l’intérieur même de l’ensemble des émirats des Emirats arabes unis.

Propos recueillis par Vincent Pons

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