Non, l’unité nationale ne peut plus être invoquée par les élites françaises pour masquer leurs faillites<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron unité nationale
Emmanuel Macron unité nationale
©Julien DE ROSA / POOL / AFP

Le roi est nu

Face à la crise sanitaire, le chef de l'Etat a invoqué l'unité nationale dans le cadre de cette "guerre" contre le virus. L'Union Sacrée a pourtant été rare dans l'histoire de France. Le divorce entre les Français et leurs élites n'a pas débuté avec Emmanuel Macron. Il remonte à plusieurs décennies.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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"L'exercice solitaire du pouvoir" ne convient pas à l'union nationale

C'est devenu une formule rituelle: depuis le début de la crise des coronavirus, le président nous explique que nous sommes en guerre. Et il invoque l'unité nationale. Effectivement la guerre requiert l'Union Sacrée. Elle a été rare dans notre histoire mais elle a existé, quand les Français comprenaient contre qui ils se battaient. En l'occurrence, en cette année 2020, les Français Ce n'est pas seulement qu'on leur explique qu'ils se battent actuellement contre un virus - en fait, plusieurs virus successifs nous disent de plus en plus les spécialistes. C'est qu'ils ne ressentent aucune solidarité réelle des élites envers la nation. Richard Ferrand en a fait hier l'éclatante démonstration: en expliquant aux Français que c'était de leur faute s'ils attrapaient le coronavirus, ce proche d'Emmanuel Macron résume tout le grand malentendu sur lequel repose le macronisme. La part la plus aisée de la population française a voté pour que la France se "remette en marche". Le président a été mal élu au second tour (forte abstention, un tiers des voix pour une candidate populiste) mais, lors des élections législatives, l'immense majorité acquise grâce à une abstention encore plus forte pouvait conduire à un sursaut de lucidité: les députés de LREM pouvaient devenir des "missi dominici", des ambassadeurs de la politique du président. A condition d'être consultés, associés aux décisions. Et que le président soit prêt à dialoguer avec l'opinion. Au lieu de cela, nous avons eu l'affirmation d'un "exercice solitaire du pouvoir" comme la Vè République n'en avait jamais connu, qui après une année relativement calme, enchaîne les crises: Gilets Jaunes, conflit des retraites, confinement pris dans la panique, reconfinement décidé pour masquer l'inaction. Et Monsieur Ferrand, lui-même fortement soupçonné de corruption, fait la leçon au Français pour dissimuler le fait que nous avons affaire à plus mauvais encore que les gouvernements de François Hollande. 

Un divorce de 40 ans entre les Français et leurs dirigeants

Le divorce entre les Français et leurs élites ne commence pas avec Emmanuel Macron. Il remonte à il y a plusieurs décennies. C'est durant les septennats de François Mitterrand que tout a commencé. Cet homme renégat de la droite, cynique manipulateur de la gauche, a abandonné toute préoccupation des classes populaires dès que l'échec d'une politique économique socialiste était devenu patent. Il a alterné les déclarations fatalistes ("Contre le chômage on a tout essayé"), la fuite en avant européiste et la démagogie (jouer avec la perspective du droit de vote pour les immigrés aux élections municipales. Mitterrand n'était pas seul: ses choix ont été validés par la génération de 1968, qui avait encore fait une bonne scolarité dans une forme classique et exigeante et qui, par vanité, s'est appliquée consciencieusement à défaire l'école de la République. Comme par ailleurs la même génération était pour l'immigration à outrance, l'Ecole est devenu le creuset de la désintégration sociale. Un homme politique a décrit ce qui se passait, Jean-Marie Le Pen: et là les opposants de François Mitterrand se sont chargés de le seconder: sous l'impulsion de Chirac, complice de cohabitation mitterrandienne et successeur du président socialiste à l'Elysée, on a dressé un "cordon sanitaire" avec un parti qui avait un premier tort, faire dans la provocation inutile, et un second, en fait beaucoup plus grave aux yeux de l'establishment: désigner de manière insistante le divorce entre les dirigeants et le reste de la société. 

Et si Emmanuel Macron avouait que le bon sens du peuple français fait partie de la construction de l'unité nationale? 

La droite n'a pas fait mieux que la gauche. Jacques Chirac a reculé sur tous les points concernant l'intégrité de la famille et la souveraineté de la nation qui auraient pu le faire désigner comme un président de droite. Nicolas Sarkozy, plus sincère mais incapable d'accepter qu'une politique de réconciliation avec les classes populaires conduisait inévitablement à être un mal-aimé du système dirigeant, n'a pas mis en oeuvre les points les plus durs de son programme: la fin de l'immigration subie et le retour à la sécurité intérieure. Emmanuel Macron se glorifie - bien qu'étant un homme de gauche jusqu'à la moelle - d'être EN MEME TEMPS de gauche et de droite. Ce disant, il ne fait que souligner qu'il est l'héritier de la faillite du système. Face à l'intensification de la violence musulmane radicale, le président hésite entre les provocations et l'attitude guerrière face à la Turquie, des mesures spectaculaires du point de vue de la sécurité intérieure et des opérations de com (comme la cérémonie de la Sorbonne). A la différence de ce qui se passe face l'épidémie de COVID, qui relève de la politique santé publique (et de ses ratés), la lutte contre l'islamisme est une vraie guerre, presque civile et dont le commanditaire extérieur est polymorphe. Elle requiert effectivement une cohésion forte autour du président. 

Mais lui-même et l'ensemble du monde dirigeant n'obtiendront le soutien des Français à leur politique que s'ils commencent par reconnaître la faillite des trente à quarante dernières années. Emmanuel Macron sera-t-il capable de dire, non seulement, "Je me suis trompé" (par exemple quand il faisait l'éloge de la politique d'immigration de Madame Merkel) mais: je prends acte de 40 ans d'échecs. J'assume de commencer une nouvelle politique, où les points de vue qui vont contre la vulgate européenne et mondialiste ne seront pas systématiquement dépréciés comme ringards voire réactionnaires ou fascistes? J'accepte que ma politique s'appuie AUSSI sur le sens commun du peuple français. C'est la condition d'une union nationale.      

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