Les investissements s’effondrent et signent la fin d’une mondialisation effrénée… Sauf pour la Chine, grande gagnante de la crise <!-- --> | Atlantico.fr
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Chine mondialisation économie activité Pékin coronavirus covid-19
Chine mondialisation économie activité Pékin coronavirus covid-19
©NICOLAS ASFOURI / AFP

Atlantico Business

La crise sanitaire a stoppé net la mondialisation, a réduit de moitié les investissements internationaux des entreprises et dessine de nouvelles tendances durables.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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A perspectives incertaines, investissements incertains. C’est le b-a.ba des investisseurs, qui se traduit dans les chiffres des investissements mondiaux. Un rapport de la CNUCED, Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement, établit pour 2020 un effondrement de 49% des investissements directs étrangers. Une baisse de près de la moitié du total des investissements, ce qui viendrait mettre l’année 2020 au même niveau que l’année 1994 en termes d’investissements directs étrangers. Un grand retour en arrière.

Les investissements directs étrangers (les IDE) sont les moyens qu’ont les entreprises pour internationaliser leur activité. Ils peuvent être purement financiers, de façon à générer des revenus qui seront ensuite rapatriés ou réinvestis ; mais ces investissements peuvent aussi être industriels avec pour but d’augmenter la production et conquérir des nouveaux marchés.

Techniquement, ces investissements internationaux recensés par les organisations internationales, comme la CNUCED (ONU), l’OMC, le FMI ou la Banque mondiale,   comptabilisent  toute transaction dans laquelle une entreprise étrangère acquiert un intérêt durable dans une entreprise résidente, ce qui comprend à la fois les investissements entre pays frontaliers, les fusions acquisitions (rachats d’entreprises) ou les financements d’infrastructures (les routes de la Soie avec des ports rachetés par les Chinois en Grèce ou en Italie par exemple).

En cette année 2020, le secteur qui s’en tire le mieux est celui de la technologie où les investissements continuent, avec des opérations moins nombreuses mais d’un montant plus important, dans les services informatiques ou le commerce électronique.

Au niveau géographique, ce sont les États-Unis qui sont le plus pénalisés puisque le montant des investissements étrangers a chuté de 56%. L’effet Covid combiné à l’effet Trump pèse lourd dans la balance des paiements .

En Europe, ces flux sont négatifs pour la 1ère fois, c’est-à-dire que l’Europe a moins attiré qu’elle n’a investi ailleurs.

Ces évolutions marquent une préférence forte au protectionnisme. On investit, oui, mais à l’intérieur de ses frontières et encore ! Le système est paralysé par la peur ou la prudence.

Quoi qu’en disent les observateurs politiques, cette baisse des flux d’investissements internationaux est plutôt une mauvaise nouvelle car ils sont généralement pourvoyeurs d’emplois locaux, mais aussi de transferts technologiques et de savoir-faire.

Ce désinvestissement mondial qui marque un détricotage des liens internationaux s’explique par trois séries de facteurs :

D’abord, de la même manière que les flux de personnes se sont taries à travers le monde à cause de la propagation du virus, les flux financiers ont suivi la même tendance. Le virus voyage avec les hommes, l’argent aussi.

Ensuite, les entreprises ont arrêté de dépenser ce qui n’était pas utile ou directement productif. Tout comme les ménages, elles ont épargné en vue de préserver et d’accumuler de la trésorerie pour faire face aux futurs imprévus ou tout simplement payer les charges habituelles. Donc les investissements ont été repoussés dans le temps. Les horizons sont bouchés, la visibilité étant médiocre, les agents économiques se replient chez eux. Ils se confinent et placent l’agent en épargne de précaution.

Enfin et surtout, les entreprises sont occupées à la préservation de l’existant. Même s’il n’y a pas de destructions d’actifs comme pendant une guerre, certaines usines ont été fermées. Dans un contexte de récession, où les perspectives de rebond ne sont pas établies, certains investissements deviennent inutiles. Il faut donc déjà estimer les dégâts avant de lancer de nouveaux chantiers.

Concernant le futur des investissements, les perspectives de retour à la normale ne sont guère meilleures. Les investissements étrangers devraient continuer de baisser en 2021 de 10%. Mais selon le rapporteur de l’ONU pour la CNUCED, « à plus long terme, il y a une possibilité d’une transformation des chaînes de valeurs mondiales qui changera le paysage du commerce et des investissements mondiaux », en citant le retour au nationalisme économique, le développement durable et la transition énergétique qui impliqueront forcément des productions plus locales.

Le grand paradoxe dans cette mutation à l’échelle mondiale, c’est que la Chine se prépare à être le grand gagnant de la crise. Même si les informations sur l’état sanitaire sont peu fiables, il est vraisemblable que le pays a réussi à juguler l’épidémie. Le cout humain a dû être considérable dans certaines régions sous équipées, mais qui le sait ? Xi Jinping a réussi à gérer cette catastrophe sans trop de dommage politique pour le pouvoir. La Chine, de par sa démographie, va continuer à avoir besoin de technologie occidentale et de moyens de production pour donner des emplois à son peuple qui descend de la campagne. La Chine va donc être demandeur comme elle l’était avant le Covid de projets industriels et d’investissement.

Dans l’autre sens, la Chine, qui dispose de réserves financières considérables (puisque son peuple ne consomme pas ou peu),  va donc continuer à recycler ses excédents financiers en Occident. En Europe comme aux États-Unis, là où on a besoin de moyens financiers pour payer les factures de l’épidémie. La Chine se prépare, une fois encore, à être le banquier de la planète.

Par conséquent, la Chine va rester, aujourd’hui et demain, la seule destination mondiale où les investissements vont résister au choc. Si l’on prend les 3 premiers trimestres de l’année 2020, alors que l’épidémie a dévasté l’Occident, les IDE ont augmenté de 2% en Chine. C’est peu mais en temps de crise, c’est déjà énorme.

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