Petites leçons venues des Etats-Unis pour les conservateurs français <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Petites leçons venues des Etats-Unis pour les conservateurs français
©Olivier Douliery / AFP

Exemple

Combien de fois n’avons-nous pas entendu nos amis conservateurs français parler avec des réserves de Donald Trump ? Pourtant, ils ont beaucoup à apprendre du président américain.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

Voir la bio »

Ah ce populiste...! 

Combien de fois n’avons-nous pas entendu nos amis conservateurs français parler avec des réserves de Donald Trump ? Passons sur les clichés concernant la vulgarité américaine. Le soupçon de populisme pèse sur le président américain. Cela en dit long sur la manière dont les progressistes ont d’ailleurs la maîtrise du débat. Pourquoi le populisme serait-il condamnable? Combien de morts le populisme a-t-il fait par comparaison avec les grandes idéologies du XXè siècle, filles des Lumières et de la philosophie allemande? Les conservateurs malheureusement ne réfléchissent pas ainsi. Ils ne vont pas plus loin que l’apparence. 

Nicolas Sarkozy, ce précurseur de Trump qui ne s’est pas assumé

La situation des Etats-Unis ressemble pourtant beaucoup à celle de la France. Des élites, des classes moyennes supérieures, des habitants des métropoles qui se sont progressivement - à tous les sens du mot ! - détachés du reste de la nation, avec en particulier une croissance des inégalités. Les gagnants de la mondialisation aux Etats-Unis se sont regroupés, majoritairement, derrière la bannière du parti démocrate. Une désindustrialisation massive. Une immigration clandestine encouragée par une coalition d’industriels et de la gauche culturelle en radicalisation permanente. Le basculement des campus universitaires dans l’idéologie individualiste absolue.  Une « Amérique périphérique » comme il y a une « France périphérique » - même si cette Amérique là est géographiquement centrale. On dira peut-être que les Etats-Unis sont en avance sur la France? Je n’en suis pas sûr, dans ce cas : les deux pays ont trouvé des moyens d’adoucir la « sécession des élites » (Ch. Lasch). En France, ce sont des dépenses sociales et la création d’emplois publics. Aux Etats-Unis, c’est le budget de la défense. Et puis rappelons-nous 2006-2007: un candidat pré-trumpien, aux accents clairement populistes, se présente et gagne l’élection présidentielle française. Il s’appelle Nicolas Sarkozy. Il amène une touche de « vulgarité » inédite dans la famille politique de droite modérée. Il rassemble derrière lui le grand parti « conservateur », héritier du gaullisme, qui grogne un peu pour se rallier à lui mais finit par le suivre parce qu’il garantit la victoire. 

Un président qui fait ce qu’il a promis

La France avait en l’occurrence une dizaine d’années d’avance sur les Etats-Unis pour imaginer une réponse à la « sécession des élites ». Mais Nicolas Sarkozy n’est pas allé au bout de ce qu’il avait annoncé. En matière d’immigration et de lutte contre l’insécurité, Nicolas Sarkozy n’a pas tenu ses promesses. Et il a perdu de justesse la réélection en 2012. La différence, c’est que Donald Trump a réconcilié une partie des Américains avec la politique car il a réalisé ce qu’il avait annoncé: pas de nouvelle guerre, un rééquilibrage des relations avec la Chine, la renégociation des traités commerciaux, Le soutien très fort à Israël, la construction d’une frontière renforcée avec le Mexique, la baisse des impôts, la nomination massive de juges pro-vie, d’une manière générale, le soutien à l’Amérique chrétienne. C’est pourquoi j’ai tendance à pronostiquer qu’à la différence de Nicolas Sarkozy, il sera réélu, malgré le déchaînement de l’élite, des classes moyennes des métropoles, des médias, des gauchistes contre lui. L’opposition qu’il rencontre est à la hauteur de sa détermination. Et l’on se dit qu’au fond Nicolas Sarkozy a eu peur, à l’époque, de perdre le confort de bonnes relations avec l’establishment - même si ses relations avec les journalistes étaient médiocres. 

Trois leçons pour les conservateurs français...s’ils veulent être élus

Mais le plus important est ailleurs. Même si Trump - pour le malheur de l’Occident et de l’Europe - perdait mardi 3 novembre 2020, il a d’ores et déjà apporté la preuve: 

1. Qu’il est difficile de se faire élire, comme conservateur, sans une composante populiste au programme. Les conservateurs français, qui ont le catholicisme social et le gaullisme dans leurs gènes, ne devraient pas refuser de voir cette réalité - que Nicolas Sarkozy avait bien comprise en termes de conquête du pouvoir. 

2. Une fois élu, avec une base populaire solide, il est nécessaire à un président conservateur qui veut réussir de passer un pacte avec une partie de l’establishment. C’est la grande faiblesse de beaucoup de populistes (a fortiori quand ils sont ancrés à gauche) de refuser de voir cette réalité. C’est dans ce refus que s’est enfermée, par exemple, Marine Le Pen.

Les discours qui disent que Trump a le Deep State contre lui se trompent. Dès avant son élection en 2016, il avait réussi à rallier à lui une partie du Pentagone. Le Deep State n’est d’ailleurs pas une réalité « diabolique ». c’est aussi ce qui tient un pays, par la continuité de l’administration et la coalition des intérêts des riches et des puissants. Pourquoi refuser cette réalité? Pourquoi ne pas chercher à la faire servir à la réussite de la nation, dans un grand « compromis conservateur », pour parler comme David Goodhart. il serait temps que la droite française cesse de se laisser imprégner par un marxisme de pacotille, qui empêche ses élites d’aimer la nation et les porte-paroles de sa variante populiste, de trouver les moyens d’arriver au pouvoir. 

3. On ne saurait trop insister sur le fait que Donald Trump est allé plus loin encore que Ronald Reagan dans le soutien au mouvement pro-vie. Il a réalisé sans trembler la partie la plus éminemment « conservatrice » de son programme. 

Ce compromis improbable entre le populisme, le Deep State, et la droite du sens commun

En fait, Donald Trump a réalisé un compromis que beaucoup pensaient impossible entre le populisme,  une partie du Deep State et la droite conservatrice sur les moeurs, d’inspiration chrétienne. Il s’agit d’une alliance où aucune des parties n’a dû renoncer au coeur de sa susbstance. C’est la raison pour laquelle, le parti républicain a réussi à se sortir du bushisme quand le parti démocrate est englué dans le clintonisme. 

Alors nous verrons bien ce qui arrive mardi 3 novembre. Mais, conservateurs de France, si vous voulez un jour arriver au pouvoir, prenez le temps de méditer sur les nombreuses photos qui montrent un Trump rayonnant à côté de la nouvelle juge de la Cour Suprême, Amy Coney Barrett. God Bless America! Pardon, vive la République...conservatrice !   

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !