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Rokhaya Diallo n'est pas responsable de la mort de l'équipe de Charlie. Mais voilà de quoi ses idées sont incontestablement responsables
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Ce mercredi sur Arte, Pascal Bruckner a débattu avec Rokhaya Diallo et l'a accusée d'avoir "armé le bras des tueurs" de Charlie Hebdo. "Aucun de mes textes n’a entraîné la mort de quiconque", a répondu la militante.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Rokhaya Diallo n'est bien sûr pas responsable des attaques contre Charlie Hebdo. Mais n'est-elle responsable d’un impossibilité d’enseigner et de débattre sur les questions de laïcité ou de décolonialisme sans être taxé de stigmatisation ?

Edouard Husson : Dans le relativement bref échange que Madame Diallo a avec Pascal Bruckner à propos de Charlie Hebdo, le plus révélateur est la manière dont elle revendique sa liberté d’expression, tandis que Bruckner la renvoie à la question de la responsabilité que l’on porte, selon les propos que l’on tient. Bruckner aurait pu lui faire remarquer qu’elle a changé d’attitude: très arrogante lorsqu’elle signe l’appel contre le soutien à Charlie Hebdo en 2011, Madame Diallo était penaude le lendemain de l’attentat de janvier 2015. Le plus étonnant, c’est qu’elle revient, face à Pascal Bruckner, à une attitude de défi. Mais cela définit le fond de son attitude. Née de parents étrangers généreusement accueillis par la France, elle a grandi en acquérant vite tous les codes de l’intégration dans la société française. Elle possède tous les codes de la militante, de l’intellectuelle de gauche. On peut dire qu’elle est une caricature de la militante révolutionnaire française, forte en provocations et on ne peut plus bourgeoise dans son habitus. Vis-à-vis de Charlie Hebdo, elle a au fond témoigné le mépris d’une version plus jeune de la culture révolutionnaire contre une plus ancienne. Ce qui m’a toujours frappé chez Charlie, c’est le côté vintage - on est dans la bonne vieille culture anticléricale et antireligieuse revue par 1968 (l’obsession du sexe). Madame Diallo, elle, est une « woke », une « social justice warrior » transposée dans un environnement français.

En quoi la cancel culture, dont elle est une représentante, n’est-elle pas compatible avec la démocratie libérale ?

Edouard Husson : Personnellement, je n’aime pas le terme de « démocratie libérale ». La démocratie est légitime lorsqu’elle laisse s’exprimer des conservateurs, des libéraux et des socialistes, chacun de ces partis ayant une forte capacité d’intégration sociale. La modernité révolutionnaire est rarement démocrate : pour une Rosa Luxemburg, authentique démocrate,  combien de Lénine et de Trotski ? Madame Diallo vit, comme tous les militants révolutionnaires, avec un peuple imaginaire et un oppresseur non moins fantaisiste dans la tête. Pour elle il existe un racisme systémique en France et elle se fait le porte-parole de toutes les victimes de l’oppresseur qu’elle a construit intellectuellement. Il faut insister sur le fait qu’elle est le pur produit d’un accueil particulièrement généreux de la part de notre pays. Elle a fait ses études à la Sorbonne puis à Novancia, école de commerce du coeur de Paris ! Comme elle n’a jamais dû se battre pour accéder à de telles formations, elle s’invente des obstacles imaginaires. Comme la France l’a accueillie avec l’absence de sévérité d’une société devenue très laxiste sur le plan éducatif, Madame Diallo se comporte en enfant gâtée de la République, insolente et faussement iconoclaste. En fait, elle est représentative de la culture du ressentiment que Tocqueville avait pressentie quand il réfléchissait au développement des sociétés démocratiques.

Sa vision identitaire, indigéniste, communautariste est-elle une menace pour l’universalisme ?

Edouard Husson : De quel universalisme parle-t-on? L’universalisme abstrait, qu’il soit jacobin ou mondialiste nourrit des cultures de gauche qui finissent par le combattre: le socialisme est fils du jacobinisme comme le communautarisme de Madame Diallo est un fils de la mondialisation. Marx était lucide sur les défauts de la société bourgeoise mais il était hors de question pour lui de retrouver le réalisme de la société pré-révolutionnaire. Marx se moquait du peuple réel ; il préférait assouvir son ressentiment envers la bourgeoisie à laquelle il appartenait par l’invocation d’un peuple imaginaire, le « prolétariat », qui a rarement fait beaucoup de place aux ouvriers en chair et en os. De même, Madame Diallo se préoccupe peu des souffrances sociales réelles de la France d’aujourd’hui. Et si l’on commençait à discuter sérieusement avec elle des moyens d’empêcher, par exemple, les dérives vers l’islamisme d’un certain nombre de jeunes, elle débiterait son discours bien rôdé sur le racisme systémique, sur l’oppression des femmes etc. Il est important, me semble-t-il, de discerner derrière les contenus révolutionnaires qui changent, un habitus qui est toujours le même: celui de la constitution d’une caste idéologique qui s’installe dans les médias de service public, dans l’Education Nationale ou dans le monde de la culture subventionnée comme des souris dans un fromage. Marx vivait de ce que lui mettait à disposition le riche héritier qu’était Engels. Madame Diallo est une professionnelle subventionnée du dénigrement de la nation qui l’a généreusement accueillie.

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