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Islamisme : la République de la complaisance
©BERTRAND GUAY / AFP

Liberté Égalité Lâcheté

Nous avons laissé s’installer une société dans la société. Dans dix ans, aurons-nous un Etat dans l’Etat ?

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

Voir la bio »

« Sire, au-delà du numéro vert, que faisons-nous pour l’attentat de Conflans-saint-Honorine? 
- J’hésite entre deux solutions radicales: soit faire un Grenelle, soit faire un Ségur. »

Tel est le dialogue satirique imaginé par un compte twitter féroce qui répond au nom de « Duc de Saint-Frippon ». Peut-on mieux résumer la réalité de toute une partie de la réaction de nos dirigeants depuis que François Hollande a été confronté aux assassinats de janvier 2015?  

On pourrait même remonter à mars 2012, avec les assassinats de Toulouse et Montauban. Non pas pour mettre en cause le gouvernement sortant de Nicolas Sarkozy, dont personne ne sait ce qu’il aurait fait si le président sortant avait été réélu mais pour souligner que François Hollande ne s’est pas emparé du sujet. Le professeur assassiné à Conflans-Sainte-Honorine est la 267e personne à être tuée par un musulman radicalisé. Toulouse, Montauban, à nouveau Toulouse, Paris, Montrouge, Villejuif, Saint-Quentin-Fallavier, à nouveau Paris et Saint-Denis, Magnanville, Nice, Saint-Etienne-du-Rouvray, à nouveau Paris, Marseille, Carcassonne, Trèbes, à nouveau Paris, Strasbourg, à nouveau Paris, à nouveau Villejuif, Romans-sur-Isères, Conflans-Sainte-Honorine, forment la sinistre géographie d’autant de défaites de nos gouvernants. 

Défaites gouvernementales

Je n’irai pas jusqu’à dire défaites de l’Etat. Depuis 2015, nos services de police et de renseignement ont remarquablement travaillé et l’on peut accorder du crédit à Alain Bauer quand il dit que plusieurs dizaines d’assassinats du même type ont été déjoués. Mais la police et le renseignement ne peuvent pas pallier l’absence de volonté au sommet de l’Etat. Les remarquables enquêtes menées par l’Institut Montaigne nous ont montré que 40% des musulmans vivant en France font passer leurs convictions religieuses avant les valeurs de la République. Le chiffre est même beaucoup plus élevé chez les 15-24 ans, effrayant même : 74%, les trois-quarts ! Comment mieux signifier l’échec de l’assimilation à la République par l’Ecole ? 

Ce qu’on pourrait qualifier de « sale polémique » est en train de naître, autour du rectorat de Versailles. En allant vite en besogne, on explique que le rectorat allait en fait sanctionner le professeur qui vient d’être assassiné. Le témoignage est celui d’un parent d’élève musulman qui dit avoir reçu un appel d’un inspecteur d’académie. Et aussitôt on remonte la chaîne jusqu’à la rectrice, de la même promotion à l’ENA qu’Emmanuel Macron. Je ne sais même pas si c’est de bonne guerre politique. Le moment est trop grave, de mon point de vue, pour se livrer à ce genre de polémiques. Voulez-vous savoir la vérité, plus prosaïque ? Nos gouvernants sont dépassés et, depuis François Hollande, ils essaient d’arbitrer entre leurs peurs. On imagine très bien ce qui s’est passé quand on connaît le fonctionnement de l’administration et du gouvernement. 

Je n’ai pas encore pris mes informations mais j’imagine être plus près des faits en imaginant le scénario suivant. Samuel Paty fait cours à ses élèves. Aussitôt, les milieux musulmans durs se mobilisent et commencent à faire pression sur l’établissement. Parallèlement, le services de renseignement signalent au rectorat qu’il y a un problème. La rectrice le signale au cabinet du ministre. Jean-Michel Blanquer fait partie des gens lucides sur le danger posé par l’islamisme. Cependant il faut éviter un embrasement. La mission du rectorat est donc de soutenir le professeur et EN MEME TEMPS d’apaiser les parents. Il faut gagner du temps, que la polémique s’apaise. Je suis prêt à parier que le professeur avait reçu, par l’intermédiaire de son proviseur, un message qu’on appellera au choix de soutien conditionnel ou de désaveu constructif. Bon, la laïcité c’est important mais vous ne recommencez pas ! Il faut que tout cela s’apaise. Et il est en effet probable que l’on ait demandé à la hiérarchie de l’académie, d’être « à l’écoute des parents », dans une discussion on a vraisemblablement concédé que l’enseignant était allé « trop loin » ; ce qui se traduit chez des gens excités, pleins de haine pour Samuel Paty et appelant leurs coreligionnaires à un châtiment, par « Il allait être sanctionné ». 

Une société dans la société

Gagner du temps n’aura servi à rien, puisque le professeur a été assassiné onze jours après le cours qu’il avait dispensé sur la liberté d’expression et de conscience. Il y a, dans ce délai aussi court, quelque chose de profondément terrifiant. Comme le disait très bien Marion Maréchal vendredi soir 16 octobre : « Le terrorisme n’est que la partie émergée de l’iceberg ». Nos autorités gouvernementales sont dépassées parce qu’elles ne voient pas - ne veulent pas voir ? - qu’elles ont en face d’elles une « société dans la société », qui déclenche rapidement un brouhaha lorsque l’on va contre ses croyances. Il suffit alors de l’intervention d’une personnalité musulmane radicale, en France ou à l’étranger, pour que tel écervelé se mette en marche, quelquefois avec un plan approximatif (le nouvel attentat manqué contre Charlie Hebdo il y a quelques jours), quelquefois en étant plus aguerri par une expérience étrangère (l’assassin tchétchène de Samuel Paty). 

Des gens de l’entourage de l’assassin ont été ou sont interrogés par la police. Mais il va falloir envisager un véritable changement de stratégie. Ou plutôt la mise en place d’une stratégie. Il est encore temps qu’un gouvernement agisse, à condition d’envisager tous les sujets, non pas « en même temps » mais de manière cohérente. Cela va, pour donner quelques exemples, de l’interdiction de prêcher à des personnalités ouvertement hostiles à la laïcité (et leur éventuelle expulsion immédiate) à la fermeture complète, le temps qu’il faudra, des frontières pour les ressortissants d’un certain nombre de pays musulmans en passant par le gel, aussi longtemps que nécessaire, de la construction de mosquées, le contrôle des flux financiers (dans les deux sens) entre les pays musulmans et la France, la réinstauration du service militaire afin de pouvoir contrôler toute une classe d’âge mais aussi recréer un lien social et inculquer des valeurs que l’école ne sait plus transmettre. Il faut d’urgence étoffer les services de renseignement et de police, leur donner plus de moyens. Il s’agit de reprendre en main le traitement judiciaire laxiste des dossiers - on sait que la justice avait, en 2011, donné raison à la famille de l’assassin de Samuel Paty, à qui l’administration avait d’abord refusé l’asile. 

Un président qui garantit le « droit au blasphème » mais est impuissant à défendre ceux qui le pratiquent

Le plus important à comprendre est le nécessaire passage des mots aux actes. Nos dirigeants s’enferment eux-mêmes dans l’impuissance des discours. Un jour Emmanuel Macron dit combattre le séparatisme. Le surlendemain, suite à la pourtant très résistible intimidation de musulmans en France et à l’étranger, le mot « séparatisme » disparaît du discours gouvernemental et l’on revient à « laïcité ».  Il faut moins parler et mettre en place discrètement - comme dans toute opération pensée de manière militaire - une série de contre-attaques. Notre adversaire relève de la subversion intérieure. Il a ses terroristes, ses théoriciens, ses complices; ses « idiots utiles », aussi, et ses agents infiltrés dans l’appareil d’Etat. Et il est bien plus dangereux encore que les communistes autrefois; puisqu’il mobilise non pas seulement des individus mais des familles et des communautés entières. Nous avons laissé s’installer une société dans la société et, à ce rythme, dans dix ans, nous aurons un Etat dans l’Etat. 

Nous devons sortir rapidement d’une situation où un président de la République confirme qu’il existe en France, pays de la liberté, un « droit au blasphème » mais est incapable de défendre à temps la vie d’un professeur de lycée qui prend au sérieux la liberté. 

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