Journée mondiale d’Alzheimer : comment nos rythmes de sommeil peuvent prédire le moment de l'apparition de la maladie <!-- --> | Atlantico.fr
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©MIGUEL MEDINA / AFP

Le bouclier du sommeil profond

Selon une étude de neurologues de l'université de Berkeley, un des mécanismes de défense contre Alzheimer serait une bonne quantité de sommeil tout au long de sa vie. Le sommeil permettrait de réguler la quantité de β-amyloïde dans le cerveau. Comment l'expliquer ?

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico.fr : Ce lundi 21 septembre, est la Journée mondiale de la maladie d'Alzheimer. Cette maladie neurodégénérative touche plus de 200000 personnes en France chaque année et est pour l'instant incurable. Mais certains laboratoires annoncent des avancées, notamment Biogen qui mène actuellement une étude clinique prometteuse sur la molécule aducanumab. A-t-on enfin des raisons d'espérer ?

Stéphane Gayet : La recherche d’un nouveau médicament contre la maladie d’Alzheimer est un processus particulièrement complexe. Les essais cliniques évaluant les thérapeutiques centrées sur la pathologie amyloïde (les dépôts de substance bêta-amyloïde sont le principal mécanisme tissulaire impliqué dans la genèse des morts de neurones au cours de la maladie d’Alzheimer ; ces thérapeutiques font principalement appel aux anticorps monoclonaux anti-bêta-amyloïde et aux inhibiteurs de l’enzyme à l’origine de l’accumulation de la substance amyloïde : inhibiteurs de la sécrétase) sont jusqu’à présent négatifs à l’exception de l’annonce toute récente (octobre 2019) de l’efficacité clinique de l’aducanumab.

L’aducanumab est un anticorps monoclonal anti-bêta-amyloïde (anticorps monoclonal : anticorps ayant une spécificité très étroite vis-à-vis de son antigène cible) dans un essai clinique de phase III (étude EMERGE ; la phase III est la dernière phase d’un essai thérapeutique avant l’éventuelle commercialisation) : un ralentissement significatif du déclin cognitif a été constaté chez les malades ayant reçu les plus fortes doses. L’aducanumab pourrait dès lors devenir le premier traitement à visée anti-amyloïde à être utilisé en pratique clinique. Son évaluation en cours par la « Food and Drug Administration » (FDA : l’équivalent aux États-Unis d’Amérique de l’Agence nationale pour la sécurité des médicaments et autres produits de santé française ou ANSM) pour une « ré-administration » à tous les patients inclus dans les études de phases I et II est prometteuse (car les essais cliniques avec l’aducanumab avaient été dans un premier temps abandonnés, et le voilà à présent réhabilité pour poursuivre ces essais). Les pistes actuelles des indications sont représentées par la prévention, avec la mise en place notamment d’une intervention chez des sujets asymptomatiques sur le plan cognitif, mais ayant un ou des biomarqueurs de la maladie positifs.

Par ailleurs, à côté de la substance amyloïde, la protéine « Tau » est également impliquée dans le processus pathologique. Les traitements anti-Tau constituent une alternative crédible à la cible amyloïde dans la maladie d’Alzheimer et il s’agit d’une autre voie de recherche toujours active.

Une étude de neurologues de l'université de Berkeley montre que l'un des mécanismes de défense contre Alzheimer serait une bonne quantité de sommeil tout au long de sa vie. Ils expliquent que le sommeil permettrait de réguler la quantité de β-amyloïde dans le cerveau. Comment l'expliquer ?

Le sommeil est indispensable à une bonne santé et même à la vie ; mais étonnement, on est loin de tout savoir de ses différentes fonctions. Il aurait des fonctions spécifiques au système nerveux central : la mémorisation ; la reconstitution du capital énergétique cérébral, nécessaire au fonctionnement du cerveau ; l’organisation et l’évolution des réseaux de neurones encéphaliques, par une adaptation de leurs synapses, c’est-à-dire leurs connexions ; enfin l’épuration du cerveau par l’élimination des substances inutiles ou indésirables, qui se sont accumulées pendant l’état de veille, épuration qui serait exercée par le tissu glial via le système lymphatique, le tissu glial désignant l’ensemble des cellules nerveuses qui assistent les neurones et leur sont indispensables.

On le voit, l’expression intuitive de sommeil réparateur est pertinente. Une personne qui dort insuffisamment est moins performante, altère sa santé et s’use en quelque sorte plus vite. Il ne doit surtout pas être interprété comme un état de passivité, car le travail de réparation et de restauration à accomplir est majeur. Sur le plan de son déroulement, le sommeil se caractérise par la succession de plusieurs cycles, chaque cycle étant constitué de deux phases tout à fait différentes. Il s’agit de la phase de sommeil à ondes lentes ou sommeil lent, et de la phase de sommeil paradoxal. Au cours de la phase de sommeil paradoxal, l’activité électrique du cerveau ressemble paradoxalement à celle de l’état de veille. Elle succède à la phase de sommeil lent et débute subitement ; le sommeil paradoxal est en réalité le plus profond, car il est très difficile de l’interrompre. Le cerveau est très actif, c’est le sommeil des rêves et des érections. Le déroulement normal d’une nuit de sommeil, son architecture, comporte de 4 à 6 cycles d’environ 90 minutes, chaque cycle étant constitué d’une phase de sommeil lent, de 60 à 80 minutes, et d’une de sommeil paradoxal, de 10 à 30 minutes. Au cours d’une nuit, les premiers cycles de sommeil sont les plus riches en sommeil lent et les derniers les plus riches en sommeil paradoxal. La durée moyenne du sommeil chez l’adulte est d’environ 8 heures, mais le besoin varie largement d’une personne à l’autre : les différences portent toujours sur la durée du sommeil lent léger.

La fonction de réparation du cerveau pendant le sommeil est tout à fait cruciale : cette réparation comporte un nettoyage qui élimine notamment les molécules et substances indésirables, dont la substance bêta-amyloïde. Cette étude a montré qu’un sommeil physiologique en quantité et en qualité permettait de réduire le risque de maladie d’Alzheimer grâce à ce nettoyage cérébral (étude portant sur les signes biologiques et radiologiques). On sait que les lésions cérébrales de la maladie d’Alzheimer commencent à se constituer 10 à 20 ans avant que n’apparaissent les premiers signes. Un mauvais sommeil dès 50 ou 60 ans serait déjà un signe pouvant annoncer la maladie plus tard.

Dans l'attente d'un traitement, quels sont aujourd'hui les meilleurs moyens pour tenter d'éviter - ou de retarder - l'apparition de la maladie d'Alzheimer ?

La prévention est aujourd’hui assez bien connue.

Il faut lutter contre l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, l’excès de poids et la sédentarité. Le tabagisme est un facteur de risque important ainsi que la consommation excessive d’alcool.

Il est essentiel de pratiquer régulièrement de l’exercice physique.

Il est tout aussi crucial de faire travailler son cerveau quotidiennement (exercice cérébral).

Comme on vient de le voir, il faut absolument soigner son sommeil en quantité et en qualité : surtout, ne pas se mentir et ne pas tricher avec son sommeil. Les benzodiazépines (hypnotiques) favorisent un sommeil de mauvaise qualité et on sait qu’elles peuvent contribuer au développement de la maladie d’Alzheimer.

Or, l’exercice physique favorise le sommeil. Il faut éviter tous les excitants (café, vitamine C…) l’après-midi et bien sûr le soir. Les activités sur écran doivent également être évitées le soir avant de se coucher.

C’est encore une fois l’hygiène de vie dont il est question.

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