Ronan le Moal, ex-Arkea, lance "Épopée gestion" : des fonds d’investissement du troisième type <!-- --> | Atlantico.fr
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Ronan Le Moal Epopée gestion
Ronan Le Moal Epopée gestion
©FRED TANNEAU / AFP

Atlantico Business

La situation économique et l’exigence de mutation appellent sans doute des fonds d’investissement qui ne soient pas exonérés de responsabilités sociétales et environnementales.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pour Ronan le Moal, l’ancien directeur général de Arkéa-Crédit Mutuel, les fonds d’investissement ne peuvent pas continuer à s’exonérer d’exercer une responsabilité sociale, sociétale et environnementale.

Agitateur d’idées il était, agitateur d’idées il restera. Ronan le Moal ne pouvait pas rester inactif après avoir quitté le Crédit Mutuel de Bretagne, Arkéa, où il avait déjà converti la banque à la nécessité de prendre en compte très rapidement la mutation digitale. Et si l’industrie française de la banque a pris conscience de prendre l’arrivée des Fintech très au sérieux, c’est parce qu‘il a été un des premiers à comprendre qu’elles répondaient plus à une demande de la clientèle, jeune notamment. Il en a été une sorte de parrain mais au-delà, il a aussi très vite compris que le digital diffusé dans tous les secteurs d’activité était un des facteurs clefs de la création de richesses et d’emplois. Et pas seulement dans les services. Quoi qu’on fasse et où qu’on soit, dans le quartier de la Défense comme au fin fond de la Bretagne. Quant au Covid-19, on sait très bien qu’il va impacter durablement les façons de travailler, de consommer et de produire, mais qu’il va aussi accélérer les mutations portées par les tendances lourdes du réchauffement climatique ou des clivages sociaux entre la France périphérique et Paris.

En créant aujourd’hui « Epopée gestion », Ronan le Moal, associé à Charles Cabillic, poursuit et accélère cette mutation au bénéfice du développement.

Le premier a travaillé pendant 25 ans dans le groupe Arkéa et il y a développé une approche collaborative et innovante au service des territoires. Arkéa est ainsi devenue la première banque partenaire des Fintech.

Charles Cabillic, quant à lui, est un serial entrepreneur. Ce Brestois d’origine a notamment écrit quelques belles « success stories » dans l’immobilier (Ac3), du digital (West web Festival), de la mobilité ou de la distribution (Openfly, Allovoisins) mais il s’est surtout appliqué à susciter l’émergence d’un tissu de startups en Bretagne, plus de 400 initiatives locales dont beaucoup de pépites nées au sein de la digital school qu’il a cofondée dans le grand Ouest.   

Ensemble, ils ont pensé que le moment était venu de se lancer dans le grand bain de l‘entreprenariat en créant une société de capital-investissement pas comme les autres. Ils ne voulaient pas et ne pouvaient pas imaginer créer des fonds comme il en existe depuis un demi-siècle et qui ont pour seul objectif d’optimiser le rendement financier. Pour eux, le problème d’aujourd’hui est d’inventer des structures qui donnent un sens au travail, qui permettent de créer de la richesse évidemment, mais au service de la région et pas seulement de Paris ou de n’importe quelle autre place financière.

Entretien avec Ronan le Moal.

Ronan le Moal : Je pense que la crise économique et sanitaire que nous traversons est un signal fort pour que nous accélérions des mutations qui étaient déjà en germe avant le Covid. Nous devons faire évoluer nos façons de travailler et nous allons le faire en accompagnant les mutations qui sont inéluctables. Alors, fort, de l’expérience acquise dans la banque, j’ai personnellement pensé qu‘il était l’heure pour moi de me lancer dans l’entreprenariat. J‘étais banquier. J’ai eu envie de passer de l’autre côté du bureau. ÉPOPÉE a un double objectif : générer de l’impact à l’échelon local par la création d’emplois et l’amélioration de la qualité́ de vie, et contribuer directement à la transition économique, écologique et sociétale – dans la droite ligne de l’Agenda 2030 des Nations Unies.

JMS : Plus précisément, vous allez créer plusieurs fonds qui consistent en quoi ?

Ronan le Moal : ÉPOPÉE lancera plusieurs types de véhicules d’investissement pour créer des écosystèmes locaux durables. L’objectif est de créer trois fonds. L'un pour accompagner les jeunes entreprises du numérique, parce qu’il y a des pépites dans ce secteur et qui sera doté de 60 millions d'euros. Un autre pour les sociétés industrielles et de services, y compris l’agricole et l’agroalimentaire qui est très présente en Bretagne et dont nous avons bien vu le caractère essentiel pendant le confinement, ces industries sont en pleine mutation. Ce deuxième fond portera entre 100 à 120 millions d'euros. Le troisième financera les infrastructures d'immobilier de bureau et de logistique pour lequel on mise sur 100 millions d'euros d'apports. Un quatrième est prévu et concerne les mobilités et le travail à distance, le télétravail qui, au-delà des nécessités actuelles, va devoir s’organiser.

JMS : Des fonds d’investissement, il y en a déjà beaucoup. Les fonds n’ont pas une très bonne image, notamment auprès des syndicats et des salariés. Ces fonds sont trop souvent obsédés par l’optimisation financière à court terme, ce qui rend beaucoup de patrons de PME très frileux.

Ronan Le Moal : Vous êtes sévère, mais c’est vrai que très souvent, le travail des fonds s'arrête à la gestion de l’investissement qu'ils engagent et s’attachent au return parce qu’ils ont eux-mêmes des comptes à rendre. Nous irons au-delà parce que la difficulté n’est pas tant d’apporter de l’argent que d’aider le chef d’entreprise et de l’accompagner dans son développement. Ça veut dire que nous lui apporterons le soutien éventuel en marketing, en organisation de production, en gestion, en internationalisation de nos différentes participations. Les chefs d’entreprises sont souvent très seuls à mettre les mains dans le cambouis. Je suis sûr qu’on peut participer à accélérer la croissance, leur croissance, et créer ainsi une nouvelle génération d'ETI.

JMS : Très concrètement, vous allez donc cherchez des pépites principalement en Bretagne.

Ronan le Moal : Pas seulement, le Grand Ouest de la France, de la Normandie à la Nouvelle-Aquitaine, en passant évidemment par la Bretagne.

JMS : Quel va être le montant de vos interventions ?

Ronan le Moal : Dans le secteur du numérique, le ticket moyen pris dans les startups sera de 300.000 à 2 millions d’euros, et de 2 à 10 millions d'euros dans l'industrie. La première participation devrait être annoncée d'ici à la fin de l'année. Mais j’insiste que, ce qui nous importe surtout, c’est d’accompagner l’entrepreneur. Nous allons donc nous équiper en propre, d’experts soit dans le métier ou les fonctions supports, soit faire appel à des consultants extérieurs. Ces entrepreneurs ont un besoin d’accompagnement si on veut accélérer leur croissance.

« Épopée gestion » est véritablement une entreprise qui, d’un côté va financer via des fonds des entreprises ou des projets mais de l’autre, va placer également autour de l’entrepreneur   une infrastructure, dite d’accélération, qui apportera du support aux sociétés accompagnées dans tous les domaines d’expertise : stratégie, marketing/commercial, digital, RH, international…

Concrètement on va développer une équipe dédiée qui sera mise en place aux côtés des directeurs de participations et qui apportera l’expertise opérationnelle permettant d’amplifier « l’euro investi ».

JMS : Vous ne créez donc pas seulement une structure de financement ?

Ronan le Moal : Nous créons une entreprise de développement. Notre idée est d’apporter un financement mais l’intérêt, c’est d’accompagner le développement. Générer un résultat financier oui, mais créer de la richesse en termes d’activité régionale, et d’emplois et autrement plus passionnant et utile.

JMS : On a compris aussi que vous alliez créer une fondation. Mais là on a l’impression que vous cédez à une mode.

Ronan le Moal : C’est vrai, mais ce n’est pas une mode, c’est une urgence. Si vous voulez maintenir en vie une campagne, un village, il faut trouver un moyen de laisser un commerce ouvert, permettre à un médecin de s’installer... Actuellement, c’est une catastrophe, cette désertification. ÉPOPÉE va lancer une Fondation ÉPOPÉE, qui a pour objet de dynamiser le financement de commerces et services de proximité́ nécessaires à la relocalisation durable des populations et des entreprises en région. Ce fonds de dotation sera alimenté par une partie des frais de gestion et du carrier (un pourcentage des plus-values des fonds) d’ÉPOPÉE, ainsi que par les investisseurs qui souhaiteront l’accompagner en direct.

Propos recueillis par JMS 

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