La ministrite, cette maladie des ministres qui confondent réponse aux réseaux sociaux et politique gouvernementale<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Gérald Darmanin ministre de l'intérieur
Gérald Darmanin ministre de l'intérieur
©Thomas SAMSON / POOL / AFP

Action politique

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé sur Twitter son intention de déposer plainte contre Jérôme Rodrigues après des propos qualifiant les policiers de "nazis". Cette politique de la réaction immédiate n'a-t-elle pas tendance à vouloir se substituer à une véritable action politique?

Arnaud Lachaize

Arnaud Lachaize

Arnaud Lachaize est universitaire, juriste et historien. 

Voir la bio »

Atlantico.fr : Après s'être personnellement déplacé dans le cadre de l'enquête sur les chevaux mutillés, le Ministre de l'Interieur a personnellement répondu hier matin à une énièmme provocation du gilet jaune Jérôme Rodrigues qui avait comparé la police à une "bande de nazis" et de parler d' "ouvrir un camp de concentration" dans le Nord Est de Paris. Le Ministre porte plainte au nom de la République mais pensez-vous que ce soit à lui personnellement de réagir?

Arnaud Lachaize : En soi, il est de la responsabilité d’un ministre de protéger juridiquement les fonctionnaires placés sous sa responsabilité. M. Darmanin est donc dans son rôle quand il porte plainte contre Jérôme Rodrigues ayant traité la police de « bande de nazie ». D’ailleurs, le ministre de l’Intérieur avait fait de même en juillet dernier contre le maire de Colombe ayant comparé l’action des forces de l’ordre contre la lutte contre l’immigration illégale aux rafles antisémites de Vichy, avant de s’excuser pour ses propos. C’est une vieille tradition en France d’utiliser le nazisme et Vichy comme modes d’insultes contre l’autorité de l’Etat. On se souvient du célèbre slogan de mai 1968, CRS=SS ! Maintenant, il n’y a pas un jour où l’on ne trouve des insultes contre la police ou les institutions en charge de l’Etat de droit, raciste, nazie, fasciste, dans des tracts et des brochures de mouvements extrémistes gauchisants.  Si le ministre veut être crédible, il faut faire la même chose systématiquement contre toutes ces insultes et amalgames de ce genre qui reviennent d’ailleurs à banaliser les atrocités de la Deuxième guerre mondiale. A condition que la justice donne des suites, ce qui n’est pas gagné… 

En terme de communication politique, le rôle d'un ministre de l'Interieur n'est-il pas justement de se tenir hors du champ de l'émotionnel? Quel message tente -t-il de faire passer?

Clairement, il veut faire passer un message de fermeté. Il vaut donner des signes d’autorité pour toucher surtout l’électorat de droite. C’est exactement la même chose quand il a parlé de « l’ensauvagement » de la société. Un ministre sur un poste aussi sensible que l’Intérieur, ne peut pas faire abstraction de l’émotionnel qui fait partie de la vie politique. Ce qui est grave, c’est quand l’émotionnel se substitue à l’action pour couvrir une situation dramatique, l’impuissance et l’inaction. La plainte contre M. Rodriguez, si elle peut se comprendre, est un épiphénomène, une infime broutille par rapport à la réalité que vivent les Français. D’après l’INSEE, 812000 personnes en France ont été victimes de violences physiques ou sexuelles en 2018 (tableau de l’économie française). Cet été a été marqué par une déferlante de faits divers abominables comme le lynchage à mort d’un père de famille, chauffeur d’autobus à Bayonne. Quant aux attentats islamistes qui ont fait 250 morts sur le territoire national depuis 2015, ils restent présents dans tous les esprits. Le rôle d’un ministre de l’Intérieur est d’assurer concrètement la sécurité des Français et non de communiquer sur tous les sujets en permanence pour masquer la réalité. 

Le ministre est réactif, notamment sur les réseaux sociaux (c'est via Twitter qu'il a annoncé son intention de porter plainte contre Jérôme Rodrigues). Mais ne l'est-il pas trop et cette politique de la réaction immédiate n'a-t-elle pas tendance à vouloir se substituer à une véritable action politique?

Le ministre de l’Intérieur actuel, M. Darmanin, vit dans le court terme. Il a un objectif suprême qui l’emporte sur tous les autres, la réélection de M. Macron à l’Elysée en 2022. Tout ce qui compte pour lui, pour les 18 mois qui viennent est de donner une image de fermeté, de couvrir les problèmes d’un voile de gesticulation et de coups de menton, plutôt que de les régler. Les media l’ont beaucoup comparé à Nicolas Sarkozy à cet égard.  La comparaison est fausse : M. Sarkozy, même s’il jouait beaucoup d’une présence sur le terrain parfois médiatisée – parfois non médiatisée – avait à l’esprit de réformer et d’obtenir des résultats. Il a entrepris d’importantes réformes comme ministre de l’Intérieur : les fameuses lois d’orientation sur la sécurité intérieure (LOPSI), ou sur la maîtrise de l’immigration (lois de 2003 et 2006) œuvré pour la modernisation de la police : fichier informatique des délinquants sexuels, renouvellement des commissariats, équipements en armes et véhicules. La communication était un outil chez lui mais pas une fin en soi. Avec l’actuel ministre de l’Intérieur, il semble que la communication soit l’unique fin en soi au détriment de toute velléité d’action avec en toile de fond une obsession politicienne. A cet égard le véritable maître de M. Darmanin n’est sûrement pas Nicolas Sarkozy, mais celui qui l’a nommé à ce poste, M. Macron. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !