Le Brexit retombe dans le délire, le bazar et le blocage. On va revenir très vite à la case départ<!-- --> | Atlantico.fr
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Brexit Royaume-Uni accord no deal négociations
Brexit Royaume-Uni accord no deal négociations
©JOHN THYS / AFP

Atlantico Business

Brexit : à quelques jours de la deadline, le Royaume-Uni sera-t-il finalement concurrent ou partenaire économique ? Les négociations sont à nouveau bloquées sur certains points clés de l’accord de divorce.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Si juridiquement, le Royaume-Uni est bien sorti de l’Union européenne, économiquement, le divorce est loin d’être réglé. Le coronavirus nous avait presque fait oublier que la période de transition, pendant laquelle le Royaume-Uni formellement sorti de l’UE restait régi par la réglementation européenne, se termine le 31 décembre 2020. Après cette date, le Royaume-Uni va redevenir progressivement un pays tiers pour les Européens.

Pour préparer les futures relations commerciales, tout devait être réglé pour le 15 octobre, date du prochain Conseil européen. Normalement l’Union européenne et le Royaume-Uni devraient se mettre définitivement d’accord sur l’acte final de divorce pour aboutir enfin à une séparation en bonne intelligence qui aurait ménagé les intérêts des deux parties. Tout aurait dû être prêt afin de pouvoir entrer en application le 31 décembre minuit, jour et heure de la fin de la période de transition. Mais les experts des deux côtés du Channel reconnaissent qu’on aura du mal à décider des dernières conditions de séparation d’ici la fin de l’année.

Car il aurait fallu que les choses avancent très vite maintenant, alors qu’elles sont au point mort. Londres multiplie les initiatives plutôt douteuses soit pour retarder les échéances, soit pour remettre en cause ce qui avait déjà été décidé en 2019, menaçant de tout remettre à plat.

C’est le Financial Times qui a lancé un pavé dans la mare en dévoilant que le Royaume-Uni concoctait un projet de loi sur son marché intérieur, qui viendrait en contradiction avec ce à quoi il s’était engagé dans l’accord de retrait de janvier 2019, l’accord préalable qui a fixé les grandes lignes de la séparation entre Royaume-Uni et Union européenne. Concrètement, Boris Johnson s’accorderait beaucoup plus de libertés que ce que l’Europe ne prévoyait de lui en laisser en échange d’un accès au marché unique.

Pour minimiser les retombées économiques de cette séparation pour les deux parties et sceller les relations commerciales futures, un accord post-Brexit se négocie en ce moment. Sauf que cette discussion se passe très mal. Des tensions réapparaissent quand Boris Johnson annonce vouloir revenir sur ce qu‘il avait accepté.

Au risque de transgresser un accord de droit international, le Premier ministre britannique menace de revenir sur l’accord de janvier 2019. Il demande notamment la liberté de circulation pour les biens et les services mais sans avoir à respecter les normes sociales, fiscales et sanitaires appliqués par l’Union européenne. Il est évident qu’aucun Européen n’acceptera l’entrée sur son marché d’un produit britannique qui n‘aurait pas la garantie de respecter les normes que les Anglais respectaient avant le Brexit. D’ailleurs aucun Britannique n‘accepterait de manger un produit européen qui n’aurait pas le label de qualité adéquat. Tout le monde a en mémoire les dégâts catastrophiques causés par la vache folle.

L’Europe souffre de beaucoup de disfonctionnements mais s’il est un domaine où elle a permis beaucoup de progrès et de sécurité sanitaire, c’est bien dans le domaine de la consommation. En vérité, et pour tous les observateurs, y compris ceux du Financial Times, ce projet de Londres qui voudrait s’affranchir de ces normes s’apparente plus à un énorme coup de bluff pour renégocier les deux points que le Royaume-Uni ne digère pas.

Premier point, la pêche. Les Européens souhaitent profiter des eaux britanniques comme si le Royaume-Uni était toujours un pays de l’Union européenne, où l’accès automatique était la règle. Évidemment, les Anglais aimeraient retrouver l’exclusivité de l’accès à leurs eaux, qui sont parmi les plus poissonneuses au monde. Même si le sujet ne concerne pas tous les pays de l’UE (seulement 8 pays), le front européen fait bloc sur le sujet. Ce doit être un préalable et une condition non négociable pour tout partenariat économique.

Deuxième point, les aides d’État. C’est même devenu le principal point de blocage officiel aujourd’hui. Il concerne les aides d’État, subventions utilisant des ressources d'État et distribuées sélectivement à des entreprises, ce qui pourrait fausser la concurrence. Ce pourquoi la Commission européenne doit valider l’attribution de ces aides d’État pour tous les pays européens, comme cela a été le cas en France pour l’aide à Renault ou Air France.

La position initiale de l'UE dans les négociations de Brexit a été que le Royaume-Uni continue d’être lié par les mêmes obligations sous prétexte du statut spécifique de l’Irlande du Nord. En l’absence de frontière physique avec la République d’Irlande, ce petit territoire britannique situé en Irlande reste membre du marché unique et soumise aux règles communautaires.

Dans l’accord de retrait 2019, il avait été convenu que le Royaume-Uni adopte des règles similaires à celles de l’Union européenne. Mais Boris Johnson, pas très pressé de présenter de prendre sa copie, s’est récemment fait bousculer par les Européens, qui veulent que la question soit réglée ces prochaines semaines. Au contraire, le Premier ministre britannique joue dans la provocation et clame maintenant sa volonté d’indépendance et dénonce l’ingérence européenne. Le Royaume-Uni voudrait utiliser ces subventions pour aider le secteur technologique de son pays, sans avoir à rendre de comptes.

Au regard de laccès à son marché unique et d’un partenariat de libre-échange qui viendrait conserver l’absence de droits de douane, les Européens savent qu’ils sont en position de force pour négocier. Et la crise du Covid-19 est venue mettre le Royaume-Uni dans une position économique délicate.

Le PIB britannique a chuté de 25% au cours des trois mois précédant le mois de juin, la plus forte baisse trimestrielle de tous les pays du G7.

Si les choses continuent de s’envenimer entre le Royaume-Uni et l’UE et qu’on en vient à un non-accord, bon nombre de secteurs de l’économie britannique seront touchés.

Formalités administratives, contrôles sanitaires, droits de douane,… Les entreprises verront leurs coûts augmenter dès janvier, ce qui pourrait aggraver les dommages déjà causés par la pandémie.

Dans l’industrie automobile, la production a chuté de 70 % au cours du deuxième trimestre 2019. Les voitures représentent 7 % des exportations britanniques vers l'UE et seraient soumises à un droit de douane de 10 % si aucun accord de libre-échange n'était mis en place cette année.

Ou encore la production agricole, c'est le secteur le plus vulnérable aux droits de douane, qui dépassent souvent 30%.

C'est certainement le pire moment possible pour infliger un nouveau choc économique au pays. C'est pourtant exactement ce que Boris Johnson prévoit de faire.

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