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Nationalisme à tout crin et propagande anti-occidentale massive : mais que préparent les médias chinois ?
©HECTOR RETAMAL 000_1WE6EX AFP

CHINE

Les médias d’Etat chinois prônent le nationalisme, critiquent un Occident fantasmé, et cherchent à convaincre la population que les pays occidentaux seraient en train de devenir leurs ennemis. Comment les médias chinois influencent la population en diffusant une propagande anti-occidentale ? Décryptage d'Antoine Bondaz.

Antoine  Bondaz

Antoine Bondaz

est chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).

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Atlantico : En quoi les médias chinois cherchent-ils à décrédibiliser les nations occidentales ?

Antoine Bondaz : L’Université de Cambridge devrait se souvenir que sa gloire, commecelle du Royaume-Uni, appartient au passé ». C’est en ces termescondescendants que le très médiatique éditeur en chef du Global Timescritiquait hier, sur Twitter, l’université britannique. Depuisplusieurs semaines, les médias d’Etat chinois exaltent lenationalisme, critiquent quotidiennement un Occident fantasmé, etsemblent chercher à convaincre la population chinoise que les paysoccidentaux seraient en train de devenir leurs ennemis. Une telleoffensive de communication est dangereuse, et il est urgent de sortirde ce cercle vicieux.

Encore plus qu’avant, toute analyse critique en Europe ou auxEtats-Unis des politiques mises en œuvre par le régime communiste estprésentée comme le « symptôme de la crise idéologique de l'Occident »,le symbole de son déclin, ou le fruit des analyses biaisées dechercheurs qui seraient « anti-Chinois ». En parallèle, la crisesanitaire est utilisée pour décrédibiliser les démocraties présentéescomme moins à mêmes de protéger leur population, et pour promouvoir lemodèle de gouvernance chinois, notamment dans les pays endéveloppement. L’ambassadeur de Chine en France affirmait par exemplele 24 avril que la Chine se développe « beaucoup mieux que la plupartdes pays qui ont adopté un système démocratique libéral occidental.C’est une vérité »,


Ce rapport conflictuel avec l’Occident est depuis plusieurs décenniesau cœur du nationalisme chinois. Cette association d’une gloirechinoise à une auto-victimisation par Pékin n’est pas nouvelle ets’inscrit dans la stratégie du Parti de réaliser le « Rêve chinois »
et de parvenir au « rajeunissement » de la nation chinoise, et ainsilaver l’affront de qui demeure encore présenté comme le « siècle del’humiliation nationale » (1842-1949). En ce sens, le nationalismechinois ne célèbre pas seulement les gloires de la civilisationchinoise, il commémore aussi les faiblesses passées du pays. Comme lesouligne l’universitaire William Callahan, la Chine est une nationpessoptimiste, où le salut national est le jumeau discursif del’humiliation nationale.


Quel est l'objectif de cette propagande anti-Occident ?


Ce discours nationalise préexistait donc avant l’arrivée au pouvoir duParti Communiste en 1949, mais est utilisé depuis par ce dernier afinde se légitimer tant en Chine qu’à l’étranger. Garantir la survie dusystème politique demeure en effet l’objectif premier du Parti,notamment en assurant la cohésion et la mobilisation de ses membres(près de 90 millions), et avec la population. Un des éléments delangage clé est notamment que le Parti et le peuple sontindissociables, et que critiquer le Parti est critiquer l’ensemble desChinois. Le Consul Général de Chine à Cape Town en Afrique du Sud,affirmait ainsi récemment que le Parti est « le grand sauveur, leguide, le protecteur du peuple chinois. (…) Rien ne peut les séparer». C’est ce mélange d’orgueil et d’insécurité qui prédomineaujourd’hui en Chine dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Lesenjeux sont donc politiques et non civilisationnels.

Il est indéniable que depuis 40 ans, la Chine s’est métamorphosée tantsur le plan économique, militaire que sociétal. Le PIB de la région duGuangdong dépasse à lui seul celui de l’Espagne, et la Marine chinoisea mis à l’eau l’équivalent de plus de deux fois la Marine italienneentre 2014 et 2018. C’est notamment avec ce développement considérableque le Parti Communiste chinois cherche à se légitimer auprès de lapopulation, comme mis en scène lors du 70ème anniversaire de laRépublique populaire en octobre dernier. En parallèle, on note unaffaiblissement relatif des Etats-Unis et surtout de l’Europe, qui s’accompagne surtout d’une perte de confiance de notre place dans lemonde. De plus, la campagne présidentielle aux Etats-Unis poussel’administration américaine a multiplié les sanctions et mesuresfortes contre la Chine afin de faire du pays un enjeu majeur del’élection, présenter Trump comme le défenseur des intérêts américainsface à un candidat démocrate présenté comme conciliant et faible faceà la Chine.

C’est donc bien une logique politique de rapports de force, et noncivilisationnelle, qui est en jeu. Or, c’est justement l’objectif desautorités chinoises qui visent à convaincre en Chine et à l’étrangerqu’un Occident, uni et homogène, s’opposerait à la Chine etchercherait à entraver son développement. Le quotidien chinois GlobalTimes affirmait dans un éditorial le 27 avril que l’Occidentchercherait à « empêcher la Chine de devenir puissante » et seraitréceptif à l’idée « d’alimenter la haine contre la Chine », un moyenrelativement efficace pour souder la population autour du régimepolitique dans un pays où l’accès à une information objective demeuretrès difficile. Or, il est incorrect d’affirmer que les paysoccidentaux chercheraient collectivement à empêcher l’émergence de laChine alors même que c’est justement l’intégration du pays et lamultiplication des échanges politiques, économiques, éducatifs ettechnologiques avec les pays occidentaux qui l’a en grande partierendue possible.


En quoi représente-t-elle un danger pour l'Europe ?


Cette escalade verbale à Pékin, et cette campagne de critiques etd’invectives contre un Occident fantasmé sont dangereuses en cequ’elles rendent tout compromis et toute concession plus difficileentre la Chine et les pays occidentaux. Or, alors que la confrontationentre Washington et Pékin ne cesse de s’accroitre et que lesnégociations entre Bruxelles et Pékin patinent, il n’est pas dansl’intérêt des pays Européens de se retrouver otages de cetteconfrontation, ce qui ne signifie pas pour autant de refuser deprendre position pour l’un ou l’autre quand nos intérêts sont en jeu.En parallèle, un débat publique apaisé sur la Chine est indispensableen France alors que le pays est désormais un acteur incontournable surl’ensemble des grands dossiers du monde. Dans ce cadre, l'Ambassade deChine devrait jouer un rôle constructif et non critiquer de façon bientrop fréquente les médias et chercheurs français, ce qui est non
seulement injuste mais surtout contreprodutif.

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