3 universités françaises dans le TOP 40 du classement de Shanghai : réalité et limites d'un succès <!-- --> | Atlantico.fr
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Paris-Saclay universités classement Shangai
Paris-Saclay universités classement Shangai
©DR / Alticlic/Université Paris-Sud

Progrès

L’université de Paris-Saclay est parvenue à intégrer le top 15 des meilleures universités de la planète dans le classement de Shanghai. Le palmarès a été publié ce samedi 15 août. A la 36e place figure l’Université Paris sciences et lettres et à la 39e Sorbonne université. Ces trois établissements sont les seuls à figurer dans le top 50 cette année.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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La fin d'une malédiction? 

Cela faisait 17 ans que les médias français se livraient, chaque année à mi-août, à une bonne dose d'auto-flagellation. La France ne s'en sortait pas bien pour classer ses universités dans le désormais fameux classement de Shanghai. Et puis, au cœur de l'été 2020, une surprise pour les non-initiés.  L'université de Paris-Saclay apparaît à la 14ème place! L'Université PSL (Paris Sciences & Lettres) à la 36ème place, juste suivie par Sorbonne Université, à la 39è place (ayant gagné quatre places par rapport à 2019).

Que s'est-il passé? Un coup de baguette magique? Non! C'est une longue histoire, qui commence en 1998, qu'il faut raconter. Un des rares exemples de continuité française malgré les alternances politiques. Un entêtement un peu laborieux, mais qui a fini par payer. Un résultat fragile, aussi, comme nous le verrons, loin d'être consolidé.

Allègre: la preuve par Shanghai

Au commencement, il y eut Claude Allègre, ministre de l'Education dans le gouvernement de Lionel Jospin, entre 1997 et 2002. Le géologue français de réputation scientifique internationale avait le premier tiré la sonnette d'alarme. En 1998, il avait parlé du grand déclassement des universités françaises dans la compétition internationale. Cette remarque de connaisseur causa un tintamarre de sifflets. De quoi le Ministre parlait-il ? N'avions-nous pas les meilleures grandes écoles et de puissants organismes de recherche? Oui mais expliquait justement Allègre, la meilleure recherche internationale se faisait dans de grandes universités et la France manquait cruellement de ces "universités de recherche" imaginées par Humboldt en Prusse au début du XIXè siècle et devenues la référence mondiale quand leur modèle fut adopté par les Etats-Unis au début du XXè siècle. Peine perdue, Claude Allègre ne fut pas entendu.Il faut dire que notre pays n'a jamais pensé jusqu'au bout la folie qui consista à détruire les corporations universitaires à la Révolution; ni ce que signifiait la formation d'élites selon un savoir encyclopédique dans des grandes écoles où l'on ne faisait pas de recherche; ni le développement d'organismes nationaux de recherche sur le modèle de l'Académie des sciences d'Union Soviétique.    

Cinq ans plus tard, le Ministre Allègre fut vengé par une information inattendue.  Des Chinois de l'université Jiao Tong de Shanghai avaient publié, à l'été 2003, un classement mondial des universités. Ce fut un choc pour la France. La première université française, "Pierre et Marie Curie" (aujourd'hui dans Sorbonne Université) était 65è; "Paris-Sud', aujourd'hui coeur de Paris-Saclay, était 72è ! L'Ecole Normale Supérieure, aujourd'hui noyau de PSL, était au-delà de la 100è place. Fondé sur la production scientifique des universités, le classement de Shanghai révélait que l'Université de Zurich, celle d'Utrecht ou celle de Munich étaient mieux classées que les nôtres. Surtout le "ranking" démontrait la domination mondiale des universités américaines et, en Europe, britanniques - Margaret Thatcher, en conditionnant l'aide publique à la performance, avait rendu un fier service aux universités de son pays ! 

Aussitôt on décria le thermomètre. Le classement de Shanghai faisait la part trop belle aux universités américaines et anglophones. C'était un coup monté des Américains et des Chinois. Il fallait beaucoup de mauvaise foi pour expliquer qu'un classement destiné à expliquer aux universités chinoises où l'on faisait la meilleure science dans le monde afin d'inspirer la construction de grandes universités autochtones était destiné à dénigrer les performances françaises ! Mais dans l'université ou au gouvernement, à droite comme à gauche, on ne fut pas à court d'imagination. Que signifiait, de toute façon, cette volonté d'évaluer le savoir? Il se mit en place à cette époque tout un discours, assez répandu jusqu'à aujourd'hui, sur la marchandisation à venir de l'université, qui allait être soumise à des objectifs de performance. Au pays du recrutement sur concours, on n'est pas à une contradiction près.  

Les Etats Généraux de la Recherche (2004)

Heureusement, le monde scientifique français prit le classement de Shanghai au sérieux. Des Etats Généraux de la Recherche furent organisés. Certains élèves de Claude Allègre, comme Philippe Gillet (qui serait en 2007 le premier directeur de cabinet de Valérie Pécresse Ministre de la Recherche) y jouèrent un rôle essentiel. Il en sortit une série de propositions raisonnables qui ont formé la matrice des réformes ultérieures. Pour mettre les universités au cœur du dispositif, encore fallait-il leur insuffler ce qui leur manquait, en partie (la force de recherche) ou complètement (l'établissement d'un lien fort avec l'étudiant, depuis la possibilité, pour l'institution de le choisir jusqu'à l'instauration d'une fidélité du diplômé à son ancien établissement en passant par la capacité à préparer les apprenants au marché de l'emploi). C'est dans ces années-là que l'on a commencé à rapprocher sérieusement les universités des grandes écoles, d'une part, des organismes nationaux de recherches d'autre part. Nombreux étaient, également, les observateurs qui soulignaient le manque d'autonomie des universités françaises par rapport à leurs homologues étrangers. Et puis, on était en plein débat sur la "pensée unique". La certitude inébranlable de nos hauts fonctionnaires ou de nos capitaines d'entreprise une fois mis sur des rails ne venait-elle pas d'une absence de formation par la recherche, à la différence de ce qui se passe en Allemagne (importance du doctorat dans la vie professionnelle) ou aux Etats-Unis, où il est fréquent de passer de l'université dans le monde politique ou celui des affaires - ou l'inverse? La question valait la peine d'être posée.  

Une première tentative d'autonomisation des universités eut lieu quand Luc Ferry était ministre de Jean-Pierre Raffarin. Mais Jacques Chirac, dont le courage politique n'était pas la première caractéristique et qui vivait toujours, vingt ans plus tard, dans le souvenir de l'échec du projet Devaquet (1986), renonça. Cela n'empêcha pas le monde scientifique et un certain nombre de responsables ministériels de continuer à travailler.  En 2006, la "Loi Recherche" posa deux jalons essentiels. Elle créa deux instances, sur le modèle de ce qui se faisait dans d'autres grands pays scientifiques: l'Agence Nationale de la Recherche, pour financer de la recherche sur projets; et l'Agence d'Evaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur (AERES, devenue aujourd'hui le Haut Comité, HCERES). Une brèche était ouverte dans les prérogatives des organismes de recherche, à commencer par le CNRS. Non moins importante fut la possibilité des regroupements d'écoles et d'universités. On les appelait "Pôles de Recherche et d'Enseignement Supérieur" (PRES), mais le sigle bureaucratique allait paradoxalement ouvrir la porte à la construction de vraies universités pluridisciplinaires et crédibles internationalement, en particulier grâce à l'intelligence et la volonté de Jean-Marc Monteil (un rare exemple, dans notre pays, de promotion sociale par l'université), ancien président d'université devenu Directeur Général de l'Enseignement Supérieur (puis conseiller du Premier ministre François Fillon à partir de 2007). 

Nicolas Sarkozy, le président qui a le plus fait pour l'université !    

Le tournant décisif a cependant été atteint durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. C'est non seulement l'énergie de ce dernier mais aussi sa compréhension des enjeux qui firent basculer du bon côté. S',il existe aujourd'hui une université Paris-Saclay, c'est grâce à l'obstination du président de l'époque, qui décida que l'Etat, qui avait commencé à déplacer vers le fameux plateau des écoles et des institutions de recherche quarante ans auparavant, devait changer de braquet et y constituer une grande université capable de rivaliser avec les meilleures du monde. Sans aucun doute, le fait que Nicolas Sarkozy ne fût pas un produit des grandes écoles lui avait donné une grande liberté d'esprit sur le sujet de la formation des élites. L'ambition inavouée de ce président, bavard sur l'accessoire et rarement explicite sur ce qui le motivait véritablement, était de complètement changer l'état d'esprit de la formation des élites, afin de sortir de la "pensée unique". Comme il n'avait peur de rien, il n'hésita pas à ouvrir le sujet tabou de la sélection (en master, pour commencer) et réussit à amadouer les syndicats étudiants sur le sujet. Il fit aussi dans la provocation lorsqu'il mit en cause les performances de la recherche française en janvier 2009, lors de la présentation d'une "Stratégie Nationale de Recherche et d'Innovation". Il s'ensuivit trois mois de contestation des universitaires. Mais le président tint bon; à rebours d'un Jacques Chirac, il soutint son remarquable ministre, Valérie Pécresse, sans l'engagement de qui la politique présidentielle n'aurait pas pu être mise en oeuvre en un temps record. Quelques années plus tard, les universitaires feraient preuve d'une attitude quelque peu incohérente, en votant Hollande puis en développant une nostalgie de la "période Pécresse". Il faut dire que le président Sarkozy avait imposé à Bercy un budget de l'université et de la recherche en augmentation, contre toutes les "règles d'or", "critères de Maastricht" et autres mesures malthusiennes. Le plus rebelle de nos présidents depuis le Général de Gaulle est celui qui a le plus fait pour l'université - le paradoxe n'est qu'apparent si l'on se rappelle que les pères de l'université moderne, Wilhelm von Humboldt et le Cardinal Newman, ont fsouhaité que les universités de leurs pays respectifs deviennent des écoles de la liberté !   

La majorité présidentielle à peine installée avait voté, en août 2007, la loi d'autonomie des universités. Mais le président Sarkozy était trop fin politique pour ne pas discerner le risque d'enlisement de l'université si rien n'était fait de plus. La "loi Pécresse" ne risquait-elle pas  de se limiter au bout du compte à l'introduction du nouveau management public dans la gestion des institutions académiques?  Comment la France pouvait-elle faire émerger ces vraies universités, lieu de déploiement d'une recherche d'excellence? A peine sorti de son bras de fer avec le monde de la recherche, le président saisit l'occasion que lui offrait le  "grand emprunt" imaginé par Henri Guaino. Alors qu'Alain Juppé et Michel Rocard lui avaient proposé, dans un rapport préparatoire des "investissements d'avenir", un saupoudrage qui faisait un peu de place à la recherche, le président décida que les 2/3 du "grand emprunt" iraient à l'université et à la recherche. Il lança en particulier l'objectif de faire émerger 5 à 10 universités d'excellence.   

Le coup de maître de Sarkozy fut de confier la sélection de ces nouvelles universités à un jury international. Il s'agissait d'éviter à la fois les lobbyings dont le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, rue Descartes à Paris, était familier. Il fallait aussi réduire l'influence des organismes de recherche. Sans l'intégrité du jury international, jamais Monique Canto-Sperber, directrice de l'Ecole Normale Supérieure, n'aurait pu faire émerger autour de son établissement un Princeton de la Montagne Sainte-Geneviève en puissance, l'université "Paris Sciences et Lettres" (PSL) - au Ministère on n'aimait pas ce projet "atypique" mais on s'inclina devant le verdict du jury. Sans l'appui très ferme du gouvernement aux décisions du jury international, il est probable que l'Ecole Polytechnique aurait réussi à faire dérailler le projet d'Université Paris Saclay, dont elle ne voulait pas puisqu'à Palaiseau et au Ministère de la Défense on était convaincu de pouvoir créer sans véritables forces de recherche un "MIT à la française" - bel exemple de l'ignorance de nos élites sur ce qu'est une université. Sans ce même jury international, jamais les universités de Grenoble (99è dans le classement de Shanghai en 2020) Strasbourg ou Aix-Marseille (dans le TOP 150 de Shanghai), Bordeaux (dans le TOP 300) n'auraient pu émerger comme des projets à succès avant les universités parisiennes: le jury, en effet, sans égard pour les universités de la capitale, força Sorbonne Université (la fusion de "Paris Sorbonne" et de "Pierre et Marie Curie", et "l'Université de Paris" (la fusion de "Paris Descartes" et "Paris Diderot", 65è dans Shanghai) à réécrire leur copie, au départ bâclée par des porteurs de projet qui pensaient que la "sélection internationale", c'était pour la galerie. 

Il régna alors, entre 2010 et 2012, une atmosphère d'innovation, d'élan national. Rien n'a égalé la période d'effervescence où fut inventé ce qui vient enfin d'être reconnu par le classement de Shanghai 2020. L'effort commencé quelques années plus tôt fructifia grâce à la créativité et la solidité conjuguée de René Ricol (commissaire général à l'investissement), de Thierry Coulhon (en charge du programme des universités d'excellence - il est aujourd'hui conseiller du président Macron), de Patrick Gérard (recteur de Paris), de Patrick Hetzel, Directeur Général de l'Enseignement Supérieur et de l'Insertion professionnelle de 2008 à 2012, pour créer les cadres appropriés; grâce aussi à l'humilité de nombreux présidents d'universités ou directeurs de grandes écoles qui acceptèrent le verdict du jury international et remirent sur le métier, au besoin, leurs projets; grâce enfin au réalisme des présidents d'organisme de recherche qui comprirent qu'il valait mieux "jouer le jeu" des nouveaux projets plutôt que de les entraver. Pour une fois, la volonté présidentielle était suffisamment forte pour que la bureaucratie plie l'échine. 

Portée et  limites d'une réussite 

Un peu moins d'une décennie plus tard, la France s'en tire plutôt bien. Une université dans le TOP 20 de Shanghai, trois dans le TOP 40 et la quatrième place, ex aequo avec la Suisse, dans le TOP 100, derrière les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Chine et devant l'Allemagne. Dans les 1000 meilleures universités du monde, la France en place 72. C'est moitié moins que la Grande-Bretagne mais ne nous place pas si loin que l'Allemagne (96), que nous égalons dans le TOP 200 (14). Nous voilà devant le véritable bilan d'une politique entamée il y a quinze ans. Et il vaut la peine d'en tirer quelques conclusions provisoires. 

1. On aurait pu aller plus vite pour arriver au résultat. Le quinquennat de François Hollande a été largement perdu: la pression stratégique de l'Etat sur les projets en construction s'est alors relâchée, tandis que les présidents d'organisme nationaux de recherche ont essayé de reprendre une partie de l'influence qu'ils avaient perdue durant la période Sarkozy. Il y a eu une part de chance dans le fait que l'Université PSL ou l'Université Paris-Saclay ont finalement vu le jour: l'intelligence collective des acteurs, qu'il s'agisse du jury international ou des porteurs de projet, l'a emporté - contre l'inertie ministérielle (Hollande s'était cru obligé de remplacer les personnels, y compris de gauche, qui avaient servi la vision universitaire de Sarkozy). Il a fallu attendre l'élection d'Emmanuel Macron pour qu'une partie de l'élan soit retrouvé. Et pour que soit enfin trouvé l'équilibre institutionnel (texte législatif de décembre 2018) qui permet à des universités et des grandes écoles de fusionner. 

2. Le temps perdu à faire aboutir ce qui avait été lancé en 2010 a fait prendre du retard ailleurs. Les universités françaises sont encore loin d'avoir fait leur mue digitale. Elles ne se sont pas lancées autant qu'elles le devraient dans la collecte de fonds privés pour assurer leur développement (les budgets publics stagnent depuis 2012 et ils n'augmenteront pas dans les années qui viennent). Il n'a pas été véritablement travaillé sur les limites des lois de 2006 et 2007: la France a du mal à recruter suffisamment de chercheurs internationaux de haut niveau car les mécanismes pour doter les chaires et les laboratoires sont encore lourds et bureaucratiques. 

3. Il a manqué le courage politique pour supprimer les structures anciennes en même temps que l'on en créait de nouvelles. Je me souviens d'un président du CNRS qui, tout à l'enthousiasme de la période Sarkozy, assurait (en privé) que les "laboratoires d'excellence" dotés par le "grand emprunt" avaient vocation à se substituer aux unités mixtes de recherche communes aux universités et aux organismes. Enthousiasme vite retombé. On n'est pas allé au bout de l'impulsion donnée il y a quinze ans: aucune structure nouvelle ne devrait être créée sans que soit supprimée une structure ancienne. Aujourd'hui, on devrait se rendre compte qu'il n'est pas raisonnable d'avoir à la fois des organismes de recherche et une direction générale ministérielle de la Recherche et de l'Innovation. Il n'est plus possible de prétendre que des organismes de recherche dont plus de 80% du budget est de la masse salariale, ont une stratégie ! Il n'est pas possible, non plus, de parler d'autonomie et d'ancrage des universités dans leur environnement socio-économique et leur territoire et de garder des administrations centrales pléthoriques et des services déconcentrés de l'Etat manquant de moyens pour assurer leur mission de contrôle et de suivi. 

4. Depuis 2003, on voit les universités chinoises monter dans le classement de Shanghai. Elles sont désormais plus nombreuses que les universités françaises dans le TOP 100. On ne crée pas du jour au lendemain une tradition d'excellence académique. Mais, par comparaison, nos universités manquent de moyens. Pour donner un point de repère, la seule université de Tsinghua a recruté, entre 2009 et 2017, l'équivalent de dix professeurs et maîtres de conférence quand l'Université PSL en recrutait un. A ce rythme, on observera un déclin de nos universités dans le classement de Shanghai alros que les universités britanniques et américaines résisteront à la poussée asiatique. Un prochain président de la République aura à poser la question des moyens affectés par l'Etat; tandis que les universités doivent trouver les moyens, aussi, de développer leurs ressources propres. La formation tout au long de la vie est encore un champ inexploré - il faut dire qu'il a été singulièrement compliqué par le législateur ces dernières années. 

5. Toute à la griserie du succès, indéniable, la France devra cependant prendre garde à ce qu'elle est atteinte par la même crise que beaucoup d'universités du monde:

- les sciences sociales sont en train d'être idéologisées à vitesse grand V, sous l'empire du néo-marxisme, du discours du genre, des élucubrations postcoloniales, de la subversion du terme de culture. Ce sont des pans entiers de notre recherche qui sont menacés. Et c'est la formation de nos dirigeants qui est en jeu. Les réformes de Nicolas Sarkozy avaient pu donner l'espoir que l'on desserrerait l'étau des "pensées uniques". Elles reviennent affublées du masque idéologique hideux de l'intolérance dont bien des campus français imitateurs serviles du pire des campus américains nous donnent l'idée aujourd'hui. 

- les sciences dures ne sont pas à l'abri. La crise du COVID 19 a permis de se rendre compte de l'avancée des fraudes dans les revues médicales. L'article du Lancet sur l'hydroxychloroquine - vite retiré par la revue mais le mal était fait -  restera dans les annales comme une honte absolue. La capacité de la bureaucratie française à empêcher la diffusion des travaux du Professeur Didier Raoult nous montre comment on peut politiquement porter atteinte à la science. Le parcours de Didier Raoult est emblématique du renouveau des quinze dernières années: dans le sillage des Etats-Généraux de la Recherche, il imagine des structures scientifiques de taille intermédiaire, insérées au sein d'une université, plus puissantes qu'un  laboratoire et moins rigides qu'un organisme. Les IHU, instituts hospitalo-universitaires, sont nés du fait que Nicolas Sarkozy, dans le cadre des investissements d'avenir, avait demandé que l'on fasse émerger tous les objets originaux, qui mettent la France à niveau et qui avaient été imaginés par les Etats Généraux de la Recherche. Dans le cadre des programmes universitaires d'excellence, un appel à projets fut lancé: le professeur Raoult se soumit au jugement du jury international comme bien d'autres de ses pairs et il fut parmi les lauréats. En 2016, le même jury revint pour évaluer la réussite des projets dotés. C'est alors qu'Yves Lévy, président de l'INSERM, essaya de profiter du manque de vision de François Hollande et de mettre en cause l'autonomie des IHU par rapport aux organismes de recherche et leur installation dans les nouvelles universités renforcées (l'IHU du Professeur Raoult est essentiel pour la réussite dans Shanghai de l'Université d'Aix-Marseille). François Hollande aurait sans doute penché du côté de la réaction des organismes si le président du jury évaluant les IHU, un professeur de médecine britannique, n'avait pas présenté sa démission, obligeant le chef de l'Etat à sauver la réputation de la science française. Il faut connaître cette histoire pour comprendre ce qui s'est déchaîné, a posteriori, lorsque Didier Raoult a proposé une thérapie du coronavirus correspondant à l'état de l'art médical....

6. Même si la France a réussi à faire émerger des "universités d'excellence", elles ne pourront se développer que si la France se réindustrialise.Et pour cela on aura besoin des formations supérieures appropriées. Le défi du prochain président sera de faire émerger un tissu d'établissement où l'on recrute, en formation continue comme en formation initiale, les talents et les cadres de la nouvelle révolution industrielle. Au-delà du slogan de la start up nation et de l'indéniable courage qu'il a fallu pour mettre en place une forme de sélection à l'entrée en licence, l'actuel gouvernement manque de vision pour créer une nouvelle génération d'instituts universitaires technologiques, ceux où l'on formera à l'industrie 4.0. Cela veut dire sans aucun doute repenser en profondeur tout le système de formation depuis le collège et de lycées. Nous avons besoin de codeurs et de spécialistes de l'économie symbiotique plus que de fournées de diplômés au rabais de sciences sociales idéologisées. Cela se prépare très en amont. 

Au-delà de toutes les réserves que l'on peut faire et de l'identification des prochains chantiers - simplification administrative,digitalisation, développement des ressources propres des universités, protection de l'intégrité de la science contre toutes les prises d'influence idéologiques ou politiques, renouveau de la formation aux métiers de l'industrie - réjouissons nous d'un beau succès français dans le classement de Shanghai 2020 ! 

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