Covid-19 : ce que les bonnes nouvelles en provenance de Suède et d’Italie pourraient nous apprendre pour maîtriser le retour du virus<!-- --> | Atlantico.fr
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Suède coronavirus santé ministres
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©Naina Helen JAMA / TT News Agency / AFP

Enseignements

La Suède et l'Italie ont déployé des méthodes spécifiques pour lutter contre le coronavirus. La France pourrait-elle s'inspirer de ces méthodes pour faire face à un retour éventuel de la maladie sur son territoire ?

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico.fr : Quelles stratégies ont été employées par la Suède et l'Italie pour faire face à la pandémie liée à la CoVid-19 ?

Stéphane Gayet : Avant d’entrer dans le cœur des stratégies de lutte contre l’épidémie, il me paraît essentiel de revenir quelques instants sur les éléments d’appréciation d’une épidémie telle que la CoVid-19. Il y a d’un côté, des éléments qualitatifs qui sont surtout constitués d’adjectifs et d’adverbes (faible, grand, énorme, très…), et de l’autre, des grandeurs numériques, représentatives de tel ou tel phénomène : celles-ci sont les « indicateurs ». Un indicateur est toujours quantitatif ; il est le fruit d’un calcul, c’est une grandeur que l’on a inventée, construite, pour rendre compte d’un phénomène de façon aussi objective et synthétique que possible. Nous sommes abreuvés quotidiennement d’indicateurs en économie et il y a souvent de quoi se perdre. Il faut le reconnaître, le plus souvent, les indicateurs ne parlent vraiment qu’aux spécialistes ou aux « semi-spécialistes ».

L’épidémiologie des maladies infectieuses n’échappe pas à cette règle : elle ne peut pas exister sans indicateurs ; et il y en a beaucoup. Mais il faut savoir les décrypter, ce qui ne va pas de soi. Il faut être précis quand on cite des indicateurs. Le sous-site Géodes de Santé publique France fournit chaque jour des informations épidémiologiques actualisées. Les indicateurs disponibles y sont nombreux. J’en ai retenu cinq plus un (plus un, car le sixième se déduit du quatrième et du cinquième) ; il s’agit d’indicateurs globaux pour toute la France et tous âges confondus :

Pour chaque indicateur, cliquer sur « Synthèse » pour faire apparaître la courbe.

1. Le nombre quotidien de personnes nouvellement hospitalisées pour CoVid-19.

2. Le nombre quotidien de personnes nouvellement admises en réanimation lors d’une hospitalisation pour CoVid-19.

3. Le nombre quotidien de personnes nouvellement décédées d’une CoVid-19.

4. Le nombre quotidien de personnes testées par PCR pour le SARS-CoV-2.

5. Le nombre quotidien de personnes testées positives par PCR pour le SARS-CoV-2.

6. Le taux quotidien de positivité des tests PCR pour le SARS-CoV-2.

Il faut déplorer que la communication ne soit souvent imprécise et ambiguë : on parle tantôt de contaminations, tantôt d’infections, tantôt de progression de l’épidémie… Les informations que nous recevons chaque jour des médias sont en général un cocktail de données qualitatives, semi quantitatives et quantitatives, avec qui plus est une variation dans les termes utilisés d’un jour à l’autre. Comment s’y retrouver ?

Les stratégies respectives de la Suède et de l’Italie

Cette comparaison est éloquente, car elle oppose l’esprit germanique à l’esprit latin, la résistance à la résilience.

Le mot « résilience » est devenu très en vogue depuis quelques années, notamment en écologie et en psychologie. Il est tellement à la mode qu’il est employé à contresens, à la place du mot résistance dont il est pratiquement le contraire.

La résistance signifie que l’on tient bon dans l’épreuve ; la résilience signifie que l’on se relève efficacement d’une épreuve qui nous a durement atteints : la résistance est préventive, la résilience réactive. C’est tout de même bien différent.

Boris Cyrulnik s’est illustré par ses travaux sur la résilience des enfants ayant été victimes d’un traumatisme grave.

Ces deux pays ont adopté des stratégies tout à fait différentes, eu égard à leur culture, leur système de santé et aux circonstances.

La Suède (10 millions d’habitants) est un petit pays imprégné de démocratie sociale. La santé publique et la prévention sanitaire y occupent une place importante et de longue date. Le civisme, le respect mutuel, le sens du bien commun et la discipline ne sont pas de vains mots dans ce pays scandinave. Les analystes qui connaissent bien la Suède insistent sur le fait qu’il y existe une relation de confiance entre la population et le gouvernement ; c’est déterminant. C’est l’un des rares pays à ne pas avoir imposé de confinement généralisé : on s’est limité à des recommandations et des incitations à limiter ses déplacements et respecter les mesures préventives (masque, distance, décontamination des mains). Cela a relativement bien fonctionné et l’économie a pu éviter le pire. La Suède a été résistante face à l’épidémie CoVid-19.

L’Italie (60 millions d’habitants) est un pays politiquement louvoyant, qui n’a pas de tradition socio-démocrate. C’est un peu l’opposé de la Suède. Les Italiens ne manquent pas de charme, ils savent exceller dans la fantaisie, les arts, la création, la confection, l’ingéniosité, la cuisine, le commerce, l’humour…, mais le civisme, la discipline et le sens du bien commun ne sont pas leurs points forts. Leur système de santé est pour le moins perfectible. L’hôpital de Bergame (en Lombardie, dans le nord-est de l’Italie) a été submergé par une vague catastrophique de personnes gravement atteintes de CoVid-19. Le pays n’était pas bien préparé à la survenue de l’épidémie et il a été très gravement touché. Les témoignages des médecins de Bergame sont affreux. Mais l’énergie italienne a repris le dessus et le pays s’est montré résilient, jusqu’à maîtriser l’épidémie.

Alors que ces deux approches de la lutte contre la CoVid 19 sont extrêmement différentes, comment expliquer leur efficacité respective ?

Ce qui me frappe dans ces deux pays, depuis la France, c’est l’impression d’une certaine cohésion sociale. Elle est plus évidente en Suède, étant donné la culture politique et sociétale de ce petit pays scandinave. Mais elle est également présente en Italie, du moins dans une certaine mesure ; la solidarité et l’entraide y sont ancestrales ; la fierté d’appartenir à un magnifique pays très prisé par les touristes, à une puissance économique et industrielle qui se respecte : cette fierté est réelle, en dépit de la triste pauvreté qui règne dans certains territoires d’Italie du sud.

Je crois que, face à ce fléau pandémique qui a frappé le monde dont l’Europe, la réponse suédoise et celle de l’Italie sont représentatives de deux types de société qui ont chacune leur efficacité : d’un côté, l’organisation, l’anticipation et la discipline ; de l’autre, l’énergie vitale bouillonnante, la puissance de réaction et le pragmatisme.

Le problème de la France vient peut-être de son hétérogénéité, de son désenchantement, ainsi que sans doute de la conjonction d’une politique sociale idéologique conduisant à une véritable gabegie et d’une gravedéfiance vis-à-vis de la classe politique qui a beaucoup trop abusé et qui continue à le faire. Beaucoup de Français sont aigris et moroses, ce qui n’est pas en faveur de leur efficacité ; sans parler des atermoiements, des incohérences et des erreurs dans la gestion de l’épidémie CoVid-19.

Comment la France pourrait-elle s'inspirer de ces méthodes pour faire face à un retour éventuel de la maladie sur son territoire ?

Fort heureusement, les indicateurs significatifs en France (voir la première partie) restent rassurants : voici l’indicateur n° 1 dont la dernière valeur le 31 juillet est de 152 (cliquer sur « synthèse »).

La mesure de prévention la plus efficace est le port adéquat d’un masque efficace. Face à une certaine indiscipline qui est manifeste en France, que faire ? On ne peut pas changer l’esprit français en trois semaines ; la répression policière est en train de montrer ses limites et de toute façon n’est pas la solution.

Notre résistance n’est pas celle de la Suède et notre capacité de résilience n’a pas été sollicitée comme en Italie.

Alors, il faut compter sur l’instinct de survie et un sursaut de civisme de la part du peuple français désabusé : c’est notre seule chance en cas d’éventuelle reprise épidémique (peu probable). Mais si les mouvements « anti-masque » se déchaînaient, je ne sais pas bien comment nous pourrions faire face au danger.

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