Covid-19 : si le bon élève Hong Kong est désormais confronté à une 3e vague, saurons-nous en éviter une 2e alors que nous sommes beaucoup moins rigoureux ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Hong Kong coronavirus covid-19 Chine colonie britannique seconde vague exemple méthodes
Hong Kong coronavirus covid-19 Chine colonie britannique seconde vague exemple méthodes
©Anthony WALLACE / AFP

Avertissement

Alors que le territoire chinois avait réussi à stopper net toute propagation de l’épidémie lors de la première vague, puis de la 2eme avec le retour de Hong-Kongais de l’étranger, un assouplissement des règles de protection a généré une très forte hausse des cas de Covid à Hong Kong.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

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Atlantico : Si le bon élève Hong Kong est désormais confronté à une 3e vague, saurons-nous en éviter une 2e alors que nous sommes beaucoup moins rigoureux ? Qualifiés de bons élèves, les Hongkongais traversent actuellement un rebond de l'épidémie. Pourrons-nous éviter un retour de l'augmentation des cas, alors que nous sommes moins rigoureux ?

Deuxième vague, troisième vague ; qui dit mieux ?

Stéphane Gayet : Je commencerai par contester la notion de 3e vague et même celle de 2e vague. Les vagues successives lors d’une épidémie d’infection respiratoire sont manifestement une notion qui plaît et qui connaît même un grand succès. On se réfère aux raz-de-marée (la deuxième vague est en général plus forte que la première) et aux épidémies et pandémies (épidémies qui touchent plusieurs continents) de grippe. Mais la CoVid-19 n’est pas un raz-de-marée (tsunami en japonais) ni une grippe. Avec la grippe, c’est surtout la grande pandémie meurtrière (appelée improprement espagnole) de 1918-1919 qui avait donné lieu à une deuxième vague effroyablement meurtrière (véritable hécatombe) et chez des sujets jeunes de surcroît, fin août et septembre 1919 (on présume que la souche virale avait muté pendant l’été). Mais le SARS-CoV-2 n’est pas un virus qui peut muter aussi facilement que le virus grippal et même loin de là (son génome est assez stable et bénéficie pour cela d’un dispositif de réparation des erreurs de réplication). En France actuellement, la (première) vague épidémique n’est pas terminée, elle est contrôlée à un très bas niveau, mais persiste à bas bruit : on fait chaque jour environ 90 000 tests virologiques par méthode PCR (ce nombre est en augmentation modérément progressive) dont le taux de positivité est de l’ordre de 1,5 % (ce taux est à la fois très bas et assez stable) ; il y a chaque jour environ 150 nouvelles hospitalisations spécifiquement pour CoVid-19 ; on déplore chaque jour une dizaine de décès attribuables à la CoVid-19. Je le répète, l’ensemble de ces indicateurs est rassurant.

Charles Reviens : Toute analyse de la situation de Hong Kong doit prendre en compte que depuis plusieurs années et bien avant la crise sanitaire covid-19, le statut et l’avenir de ce territoire qui a cessé d’être une colonie britannique en 1997 est l’objet d’une confrontation politique et médiatique d’abords entre une opposition locale et gouvernement chinois, ensuite entre la Chine et l’Occident, sur la base de la remise en cause par Pékin du statut spécial du territoire et sa reprise en main suscitant opposition interne et protestations internationales notamment américaines.
Un doute peut exister sur l’instrumentation politique de la crise sanitaire, situation quasiment inéluctable et dont la Chine ou le gouvernement de Hong Kong n’ont absolument pas le monopole. La récente décision de décaler d’un an les élections peut consolider ce doute. En tout état de cause, cette configuration impose plus de prudence dans l’analyse que par exemple pour la Corée du Sud, le Japon ou Singapour.

Ces précautions étant posées, il n’en demeure pas moins que Hong Kong présente d’étincelants chiffres « asiatiques » à date : 3.511 cas détectés et 35 morts, soit 4,6 morts par million d’habitants, globalement CENT fois moins que la même statistique française.

Cette bonne performance globale n’empêche toutefois pas une accélération de la contamination depuis mi-juillet 2020, avec plus de 100 cas de contamination quotidiens depuis le 22 juillet (contre quasiment aucune entre début mars et fin juin) et un record de 6 mors le 1er aout. Le gouvernement du territoire a mis en garde sur un risque de débordement et de saturation du système hospitalier pour cette nouvelle configuration qualifiée de « troisième vague ».

https://www.worldometers.info/coronavirus/country/china-hong-kong-sar/ 

La « seconde vague » avait eu lieu en mars en lien avec des retours de l’étranger. Les pouvoirs publics avait mis en jeu une interdiction du territoire, le dépistage systématique et une quarantaine de 14 jours à domicile (avec bracelet électronique) pour les personnes entrant sur le territoire.

Comme les cas ont fortement chuté ensuite jusqu’à la crise de début mai, les mesures de fait ou de droit ont été allégées avec notamment une exemption de quarantaine pour certain publics et un allègement des règles de distanciation sociale.

Aujourd’hui 3 aout il y a seulement 80 nouveaux cas de contamination, tandis qu’il y a de la part des pouvoirs publics une importante mise en avant d’initiatives chinoises comme l’arrivée de spécialistes et la création rapide d’un hôpital provisoire.

Le point d’intérêt pour la France tient à la nécessité d’adaptation permanente à une situation changeante. Dans tous les cas et comme partout les pouvoirs publics doivent arbitrer en permanence entre sécurité sanitaire et fonctionnement normal de l’économie et de la société.

Que se passe-t-il à Hong Kong en matière de CoVid-19 ?

Stéphane Gayet : Depuis 1997, date de sa rétrocession à la République populaire de Chine par le Royaume-Uni, Hong Kong est chinoise, mais sans être complètement chinoise et tout en étant quand même chinoise. Les Anglais ont en effet, depuis les années d’après-guerre jusqu’en 1997, fait de cette conquête coloniale (1842, traité de Nankin) une région infiniment plus riche que les autres régions chinoises. Sous leur férule, Hong Kong est véritablement devenue une place commerciale, industrielle et financière mondiale de premier plan, ainsi qu’un port stratégique de grande activité.

Pour bien comprendre Hong Kong, il faut s’imprégner des chiffres (hors du commun) et de la culture d’Asie du Sud-Est. La population de Hong Kong est d’un peu moins de 7,5 millions d’habitants, soit plus que la Bretagne (3,3 millions) et les Pays de la Loire réunis (3,8 millions). Cette population est répartie sur une surface de 1 100 km2, soit moins de deux fois celle du Territoire de Belfort (600 km2) : impressionnant, n’est-ce pas ? C’est une densité de population vertigineuse, l’une des plus fortes du monde. En vérité, Hong Kong est considérée comme une région de Chine, mais c’est plutôt une immense ville. Hong Kong n’a rien de comparable avec la France, c’est une mégalopole invraisemblable.

Le développement de Hong Kong dépasse presque l’entendement. Il ne reste plus beaucoup de mètres carrés libres et les immeubles se rapprochent toujours un peu plus de la mer.

Statutairement, Hong Kong est une région de Chine qui bénéficie d’un statut particulier : les autorités chinoises y ont maintenu l’économie capitaliste et le régime démocratique mis en place par les Britanniques, mais l’étau du parti communiste chinois se resserre lentement sur Hong Kong.

Quant à la culture de l’Asie du Sud-Est et particulièrement celle du peuple chinois, on peut affirmer qu’elle est diamétralement opposée à celle de la France et cela pratiquement point par point.

Le Chinois n’est pas du tout belliqueux, tout au contraire. Il écoute les autres, il est attentif et patient et ne porte pas de jugement péremptoire à l’emporte-pièce. Il y a chez ces gens ce que l’on peut appeler une « intelligence collective » : la vie sociale est naturelle, elle va de soi. Les relations interhumaines sont fluides, détendues, décomplexées, sans vantardise ni arrogance. Le Chinois n’est pas individualiste : la solidarité, l’entraide et le partage sont plutôt des évidences. Bien appréhender la culture chinoise nécessite de s’imprégner de la notion d’équilibre : cette recherche permanente du juste milieu entre le Yin (lune, obscurité, froid, eau, passivité…) et le Yang (soleil, lumière, chaleur, feu, activité…). Il faut encore ajouter la discrétion et surtout une tendance au travail à la fois laborieux (quantité) et industrieux (habileté et rendement : les Chinois travaillent vite et bien), inculquée dès le plus jeune âge. C’est pourquoi Hong Kong a tout d’une fourmilière. Comment ne pas être séduit par ce peuple, de surcroît poli et souriant ?

Le résultat de cette activité : Hong Kong est riche, son produit intérieur brut (PIB) par habitant est le 12e du monde. Pour la République populaire de Chine, Hong Kong est une aubaine : c’est la « poule aux œufs d’or » qui finance les régions de Chine les plus pauvres. Mais en contrepartie, Hong Kong est une ville où le coût de la vie est très élevé.

Dans une telle population discrète et active, aussi dense, j’ai du mal à comprendre ce que peut être une deuxième vague, une troisième vague. De toute évidence, le virus circule toujours dans cette population très concentrée et trépidante, et il n’a jamais cessé de circuler ; le contraire est impensable. Comme il circule en France et dans la plupart des pays du monde.

Les Hongkongais sont-ils de bons élèves de la CoVid-19 ? Ils sont assez disciplinés, ne passent pas leur temps à tout discuter et tout contester et du reste n’aiment pas cela, ne se croient pas plus intelligents que les autres – alors qu’ils le sont peut-être ; quoiqu’il en soit, ils réfléchissent plus qu’ils ne parlent – et ont plutôt tendance à faire confiance à leurs dirigeants. Quand on leur dit qu’il faut porter un masque et qu’on leur explique clairement pourquoi, ils le font naturellement, sans protester. Et tout le monde s’en trouve bien.

Il y a tout de même une incertitude quant à la situation épidémique à Hong Kong. On le sait, tout le monde a fini par l’admettre, les Chinois – le gouvernement de la République populaire de Chine – a menti au monde entier et à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et continue probablement à le faire en matière de données épidémiologiques ; c’est plus grave que de la non-transparence, c’est de la désinformation systématique, stratégique et décomplexée. Mais qu’en est-il à Hong Kong ? J’ai tendance à croire que Hong Kong communique librement au reste du monde (en particulier sur l’épidémie CoVid-19), mais peut-être suis-je dans l’illusion…

Le pont entre Macao et Hong Kong n’est-il pas une vitrine technologique pour le monde entier ?

Stéphane Gayet : Je ne peux pas résister à la tentation de vous montrer cette photo aérienne sur laquelle le fameux pont exceptionnel entre Macao et Hong Kong figure sous la forme d’une ligne jaune. Sa longueur est de 55 km, c’est le plus long pont maritime du monde. Attention : sur cette photo, les étendues vertes unies (les à-plats verts) sont de la mer littorale peu profonde et non pas de la terre (ce pourquoi la construction du pont a été possible).

Macao, ancienne colonie portugaise (rétrocédée en 1999), est bien différente de Hong Kong : c’est essentiellement un vastequartier nocturne de jeux, de casinos et de spectacles, plus un complexe de centres commerciaux, une sorte de Las Vegas chinoise. C’est également une région bénéficiant d’un statut particulier, comme Hong Kong. Macao génère aussi beaucoup de recettes qui bénéficient à la Chine.

Les Chinois sont fiers de ce pont exceptionnel qui a été conçu pour durer très longtemps (plus longtemps que les édifices qu’ils construisent en Afrique…). Au nord de Hong Kong, on distingue la ville de Shenzhen : elle est en République populaire de Chine ; c’est là que se préparent les forces militaires pour intervenir à Hong Kong quand le gouvernement central estime que les Hongkongais ont dépassé les bornes dans leurs manifestations.

Quel est l’intérêt de ce pont immense ? Permettre de se déplacer en 45 minutes entre Macao et Hong Kong, alors que par les routes du littoral il faut plusieurs heures. Dès lors, ce pont incite les gens à aller dépenser de l’argent à Macao dont les activités sont très rentables. Mais il y a aussi un deuxième intérêt : démontrer au monde entier le savoir-faire technologique de la Chine dans la maîtrise d’œuvre de haut niveau, ce qui devrait permettre de faire des offres de service au monde entier et de remporter des marchés de grande envergure.

On me pardonnera cette petite digression. Mais qui n’est en réalité pas forcément hors sujet : l’ensemble Hong Kong et Macao est à haut risque épidémique, étant donné ce que nous avons vu, auquel il faut ajouter le flux quotidien considérable de voyageurs d’affaires et de touristes dont il est l’objet.

Saurons-nous en France éviter une deuxième vague, alors que nous sommes moins rigoureux qu’eux ?

Stéphane Gayet : Ce sont deux cultures qui s’opposent radicalement, comme je l’ai dit. Beaucoup de choses qui vont de soi à Hong Kong sont compliquées en France. En France, la contestation systématique est devenue un comportement presque banal. Bien sûr, il y a aussi ceux qui acceptent tout sans trouver à redire, et ce n’est pas tellement mieux.

Depuis quelques semaines sont apparus sur les réseaux sociaux des « mouvements anti-masques ». On peut y lire notamment : « Il n’existe pas de preuve scientifique de l’utilité des masques dans la CoVid-19 ». Cette phrase lue plusieurs fois et y compris sur des réseaux sociaux professionnels, m’a interloqué. Déjà cette expression de « preuve scientifique » qui fait recette depuis plusieurs années ; comme s’il existait des preuves scientifiques et des preuves non scientifiques ; une preuve est soit incontestable (irréfragable en droit), soit contestable et dans ce cas de peu de valeur ; c’est vrai en histoire, en géographie, en géologie, en biologie, en physique, en chimie, en pharmacologie, en justice, etc. À dire vrai, cette notion de « preuve scientifique » est surtout employée par des non-scientifiques pour tenter d’impressionner leur public ; elle est souvent utilisée en médecine pour chercher à imposer ou au contraire rejeter une affirmation : « Il est prouvé scientifiquement que… ou il n’y a aucune preuve scientifique de… ». Le plus aberrant est que, dans cet usage, la science qui est ainsi mobilisée et mise en avant est la science mathématique (tests statistiques), ce qui ne confère pas ipso facto un caractère scientifique au reste de la démonstration.

Pour revenir aux masques, ils sont utilisés dans les soins depuis le 19e siècle. Dans ce domaine, le masque est un dispositif médical dont le pouvoir filtrant est défini par des normes européennes ou même internationales. L’intérêt du masque de soins comme barrière aseptique n’est plus à démontrer. On distingue les masques antiprojection (masques chirurgicaux : ils protègent les autres) et les appareils de protection respiratoire ou APR (FFP1, FFP2, FFP3… : ils protègent le porteur de masque). Leur efficacité est prouvée, elle est bien établie. Pour le grand public, l’Association française de normalisation (AFNOR) a conçu un modèle de masque dit « masque barrière grand public ». Ces masques remplissent les deux fonctions : antiprojection et protection respiratoire, mais uniquement en dehors des activités de soins, c’est-à-dire dans la vie courante. Ce sont des masques à usage multiple.

Il faut donc que les Français fassent l’acquisition de masques à usage multiple de qualité, à acheter soit en pharmacie, soit sur des sites marchands sérieux. Ces masques coûtent en général plusieurs euros, mais peuvent être utilisés longtemps et, contrairement à ce que l’on entend ou lit souvent, leur lavage systématique n’améliore pas leur caractère préventif, au contraire : il risque d’altérer leur pouvoir filtrant. Je recommande d’en prendre grand soin et je déconseille leur lavage s’ils ne sont pas salis ni souillés ; il est préférable de les suspendre pendant la nuit pour qu’ils soient ventilés et perdent ainsi leur éventuelle charge virale par simple dessiccation à l’air.

Le peuple français va sans doute s’habituer au masque : il faut tout faire pour éviter un second confinement généralisé qui conduirait la France à un désastre économique et financier, déjà bien amorcé.

Mais heureusement, avec la CoVid-19, la seconde vague à proprement parler tient plus du mythe que du danger réel.

Toujours est-il qu’il est incontestable que nous soyons moins rigoureux que les Chinois ; en revanche, les ravages du confinement généralisé obligatoire nous ont à ce point accablés et traumatisés, que nous sommes prêts à bien des efforts et des concessions pour éviter un deuxième confinement : c’est probablement ce qui va nous rendre plus disciplinés.

Le gouvernement Hongkongais a réussi à stopper toute propagation de l’épidémie grâce à des mesures fortes. Pensez-vous que nos dirigeants ont suffisamment œuvré pour casser les chaînes de contamination ?

Stéphane Gayet : Cela a été copieusement dit et redit, écrit et réécrit, la gestion de l’épidémie en France a pour le moins manqué de professionnalisme ; les élections municipales et le changement brutal de ministre chargé de la santé ont à l’évidence constitué des facteurs défavorables à une gestion avisée, rationnelle et proactive.

Les témoins de cette gestion hésitante et acrobatique sont les messages officiels diffusés sur les chaînes radiophoniques et télévisées publiques : leur évolution de février à aujourd’hui est saisissante. Je crois qu’ils sont enfin, pratiquement parvenus à maturité, mais les versions de début d’année étaient inappropriées et à mon avis contre-productives.

Les Hong-Kongais, comme les Vietnamiens, les Sud-Coréens, les Singapouriens… ne sont pas dans la valse-hésitation (les masques sont inutiles… les masques sont indispensables… la distance de sécurité est d’un mètre… la distance de sécurité est au minimum d’un mètre cinquante… il faut appeler le SAMU… il ne faut pas appeler le SAMU…). La vérité est que notre pouvoir exécutif a en permanence peur de faire des erreurs, alors que tout gouvernement en fait inéluctablement ; quelle que soit la décision prise, il y aura en France un mouvement de contestation, c’est dans nos gènes. Ce que les Français attendent, c’est une politique juste, franche, suffisamment expliquée et non louvoyante ; et non pas du « Un pas à droite, un pas à gauche, un pas en avant, un pas en arrière… », sans parler de la corruption de haut niveau et de la loi des trusts.

Certains disent que la France serait devenue ingouvernable ; peut-être, mais à qui la faute ? Ce n’est pas la faute du peuple qui ne fait que s’adapter – comme il le peut, mais aussi comme il l’entend - aux décisions successives.

1. La décision de rendre le confinement généralisé obligatoire à partir de mardi 17 mars a été une décision efficace sur l’évolution de l’épidémie en France ; personne ne peut le nier, il suffit d’observer la courbe des nouvelles hospitalisations quotidiennes pour CoVid-19 : elle s’infléchit brutalement 14 jours après le 17 mars (14 jours : la durée de l’incubation plus le délai d’apparition des formes graves ; cliquez sur SYNTHÈSE).

2. La décision de mettre fin au confinement généralisé obligatoire à partir de lundi 11 mai a également été une bonne décision, salvatrice pour l’économie.

3. La décision de rendre obligatoire le port du masque dans tous les lieux clos accueillant du public à partir de lundi 20 juillet a également été une bonne décision.

La première décision a sans doute été trop tardive. Et l’on peut imaginer qu’une décision du type 3, prise mardi 25 février ou mardi 3 mars, aurait peut-être permis d’éviter le recours au confinement généralisé obligatoire et aurait ainsi évité la crise économique.

On nous parle copieusement du département de la Mayenne depuis plusieurs jours (foyers infectieux de CoVid-19), dans lequel des mesures très coercitives ont été prises. Mais à part cette exacerbation locale, la situation française hexagonale est actuellement contrôlée. Cet équilibre apparent est peut-être fragile : préservons-le en portant correctement de bons masques, cela nous évitera d’être contaminés, infectés, hospitalisés et finalement… traités par remdésivir.

Charles Reviens : La France, comme tous ses voisins européens à l’exception de l’Allemagne, a eu des résultats médiocres au regard des cas de contamination avec début juin le 6ème ratio des décès rapporté à la population le plus élevé du monde, derrière la Belgique, le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Italie et la Suède. L’Asie du Sud Est a eu une performance incomparablement supérieure (la Corée du Sud vient de passer le cap des 300 morts pour une population de 50 millions d’habitants et le Japon n’en a eu que 100 pour 126 millions d’habitants…) avec une approche basée sur le dépistage massif, le levier des méthodes numérique et l’isolement et le traitement des personnes infectées.

La France a mis en œuvre un confinement très strict et généralisé du 17 mars au 11 mai très fragilisant pour des pans entiers de l’économie. Mais les pouvoirs publics et la société ont appris pendant la crise sanitaire. On constate certes actuellement une légère reprise des cas français détectés (plus de 1 000 par jour) mais on est très loin des cohortes de mars avril avec le plus haut de 7 578 nouveaux cas le 31 mars dernier. Les décès liés au covid représentent légèrement plus de 10 cas par jour contre le plus haute de 1 437 le 15 avril.

Donc la situation est très différente et nécessite des mesures rapides et ciblées pour ralentir ou arrêter la propagation du virus sans abîmer davantage l’économie, dans une situation où de nombreuses incertitudes demeurent et donc où la vigilance doit rester de mise. Le gouvernement français a ainsi calé plusieurs scénarios sanitaires face à cette situation avec la possibilité de retour à des mesures strictes sur certains territoires fragiles.

Comment amener la population à intégrer les gestes barrières ?

Stéphane Gayet : Quand vous additionnez le tempérament contestataire et individualiste des Français, les mouvements anti-masques, un certain degré d’insouciance et d’irresponsabilité chez certains et la période estivale des vacances, vous obtenez un résultat défavorable au port discipliné du masque.

Un autre handicap français est l’habitude de la gratuité des soins : « Le masque devrait être gratuit pour tout le monde », s’expriment ainsi nombre de personnes interrogées. Mon conseil (sans aucun lien d’intérêt) : achetez en pharmacie ou auprès d’un autre revendeur sérieux, quelques masques de bonne qualité et à usage multiple et vous serez de cette façon équipés jusqu’à la rentrée. On peut appeler cela un investissement santé.

Ensuite, portez de façon correcte ce masque dans tous les lieux clos accueillant du public ; vous apprécierez le confort d’un masque de qualité. Essayez de respecter une distance d’un mètre cinquante entre vous et les autres, mais je peux témoigner du fait que c’est presque de l’utopie dans la vie courante. Et puis pensez à vous laver ou vous décontaminer les mains avant de toucher vos yeux, votre nez, vos lèvres ou votre bouche, et de toucher tout ce qui va aller au contact de votre lèvre ou de votre bouche, tout particulièrement de la nourriture. Honnêtement, ce n’est pas bien compliqué ni très exigeant. Votre niveau d’hygiène personnelle aura, de cette façon, augmenté et vous aurez contribué à la santé et à l’économie de votre pays.

Je pense que nous aurons toutes et tous gagné en sagesse avec la CoVid-19 : ce terme n’est pas désuet.

Charles Reviens : Le confinement strict a globalement été respecté pendant la phase stricte de deux mois sur la base d’une forte autodiscipline.
Un point important à rappeler consiste à considérer que les Françaises et les Français sont intelligents et ont une bon sens, ce qui va à l’encontre d’une communication directive et infantilisante souvent retenue par les pouvoirs publics au cœur de la crise, avec le point d’orgue de la communication sur les masques et les tests de dépistage. Cela peut conduire au renforcement de la défiance qui étiole le contrat social national.

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