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Après avoir massivement accepté le télétravail, les Français commencent à en ressentir les perversions...
©LOIC VENANCE / AFP

Atlantico Business

Un peu, ça va ! Mais beaucoup de télétravail, « y en a marre ! ». Le télétravail commence à provoquer autant d’agacement, de lassitude et d’inquiétude qu’il a soulevé d’enthousiasme pendant le confinement.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Peu de dirigeants et encore moins de salariés osent en parler haut et fort, mais le télétravail commence à leur peser.

Au moment du confinement, au mois de mars, lorsque beaucoup d’entreprises ont demandé à leurs salariés de travailler de chez eux si leur activité le leur permettait, la perspective les a d’abord un peu surpris.

Ceux qui travaillaient dans les systèmes de production sont restés dans les usines, sauf à exercer leur droit de retrait s’ils estimaient que les conditions sanitaires les confrontaient à des risques de santé qu’ils ne pouvaient pas affronter et ceux-là sont partis en chômage partiel.

Dans le commerce non-essentiel, dans l’hôtellerie, la restauration, le transport, les personnels ont été invités au chômage partiel. Mais tous les personnels administratifs, appartenant notamment dans les entreprises aux fonctions supports, ont été mis au télétravail.

Le résultat est explosif. Une enquête réalisée par l'Association Nationale des DRH a révélé qu‘il existait un véritable engouement dans la majorité des cols blancs pour cette forme de travail.

A l‘issue des grèves contre la réforme des retraites, en décembre 2019, on avait compté 28% de personnes qui avaient décidé de rester travailler depuis chez elles. Au moment du confinement, c’est 40% des personnels qui ont opté pour le travail à domicile. Près de la moitié des salariés. Du coup, les entreprises qui n’étaient guère enthousiastes envers le télétravail ont équipé leurs salariés avec des logiciels et des ordinateurs.

Certaines ont même pris quelques libertés avec le droit du travail en demandant à leurs salariés de ne pas respecter les horaires légaux et de les dépasser jusqu'à 60 heures par semaine ou de rogner sur le repos hebdomadaire.

On s’est donc rendu compte que, pendant le confinement, le rapport au travail pouvait profondément se modifier. On a découvert que certains « jobs » étaient indispensables et pas seulement les personnels soignants qui sont devenus de véritables héros, mais aussi les caissières d’hypermarché, les travailleurs de l’agroalimentaire, parce que les usines ont continué de tourner et heureusement, parce qu’il fallait bien nourrir les Français, et puis tous les personnels d’entretien des voieries et des espaces publics.

Mais parallèlement, il faut reconnaître que les 40% de salariés (près 9 millions) bénéficiaires de l’allocation de chômage partiel, avec un bon tiers qui a continué de toucher 100 % de leur salaire, ont assez bien supporté cette période.

Tout comme ceux qui étaient au télétravail et qui ont découvert l’intérêt et le confort de la liberté de travailler chez soi : un cadre de travail plus calme, sans le stress du transport quotidien, sans horaires stricts. Bref, ils ont découvert ou redécouvert une forme de vie à laquelle il leur arrivait d’aspirer mais qui leur paraissait irréelle.

Sur les 45% de salariés qui ont été en télétravail, les deux tiers étaient des primo-télétravailleurs et pour eux, ça a été une révélation.

A tel point que si les premiers jours du confinement les ont angoissés, les premiers jours du déconfinement l’ont été tout autant.

Pour la grande majorité des salariés, ceux qui étaient au chômage partiel comme ceux qui étaient en télétravail, le déconfinement a suscité quelques inquiétudes au point de rendre difficile la remise en route de l’économie française.

En bref, beaucoup de Français se sont plu au chômage partiel, comme beaucoup de télétravailleurs s‘étaient installé chez eux.

Aujourd’hui, plus d’un salarié sur deux est encore réticent à l’idée de retourner en entreprise, parce qu’ils craignent les risques de se retrouver dans un système hiérarchique, avec des chefs, des petits et des grands et d’avoir à travailler avec des collègues qu’ils n’apprécient pas toujours. Ils craignent aussi de perdre cet équilibre entre vie privée et vie professionnelle qu‘ils avaient restauré avec en prime la liberté de s’organiser, la souplesse et la flexibilité dans les horaires.

Globalement, environ la moitié des télétravailleurs souhaitent continuer à télétravailler au moins une fois par semaine. Une fois, mais pas plus !

La proportion des télétravailleurs convaincus a quand même tendance à diminuer, compte tenu des inconvénients du télétravail parce que parallèlement aux atouts, l’expérience a révélé les effets pervers.

1e. Si on analyse la sociologie des télétravailleurs, on s’aperçoit que cette population n’est pas homogène. Entre les télétravailleurs, cadres moyens ou employés de bureaux de Paris ou de la région parisienne, et les cadres dirigeants qui ont les moyens de vivre à la campagne ou dans des espaces confortables et de se déplacer librement, il existe un fossé très profond. Il est évident que l’employé de banque coincé dans un quatre pièces avec ses trois enfants en bas âge a eu beaucoup plus de difficultés à télétravailler que le PDG refugié dans sa propriété normande.

Le télétravail met en évidence des inégalités de conditions de vie qui sont supportables en période de confinement, mais qui le sont beaucoup moins sur le long terme.

2) Il est évident aussi que le télétravail prive le télétravailleur de contacts professionnels et personnels qui sont, quoi qu’on dise, facteurs de progrès. Chez PSA où le télétravail semble être généralisé, la décision ne fait pas l’unanimité avec, dans l’industrie, le risque d’avoir deux catégories de personnels. D’un côté, des ouvriers qui travaillent dans l’usine, et de l’autre, des employés et des cadres qui auront la chance de travailler de chez eux.  

3) Le télétravailleur n’est pas aussi libérateur que certains le pensent. Il oblige les salariés à rester chez lui, il le prive donc de contacts personnels qui peuvent lui être utiles tant au niveau professionnel que de son épanouissement personnel.

4) Enfin, la généralisation du télétravail va obliger les directions de relation humaine à inventer des relations sociales nouvelles, mais aussi inciter les syndicats qui n’y sont naturellement pas très favorables à ouvrir des négociations pour obtenir de nouvelles règlementations du travail et compenser les inégalités qui ne vont pas manquer de se creuser.

Le télétravail génère évidemment des effets pervers, qu’il faudra bien réussir à éluder s’il doit correspondre à une tendance de fond en terme d’organisation du travail. Les théoriciens et coachs en organisation du télétravail ne manqueront pas de faire leur apparition.

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