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Allocations familiales, justice sociale et natalité : le plus simple serait-il de risquer un revenu universel ?
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Politique familiale

La France va-t-elle miser sur la politique familiale pour faire face à la crise annoncée ? La députée MoDem, Nathalie Elimas, va remettre au gouvernement un rapport parlementaire le 8 juillet prochain. Les 40 propositions doivent permettre de refonder les aides aux familles à travers une visée "nataliste".

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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Alors que la députée Modem Nathalie Elimas s’apprête à présenter son rapport sur la politique familiale, ses premières orientations attirent l’attention. Lorsqu’elle propose de remplacer la complication des 10 mécanismes actuels par des allocations familiales de nouveau universelles, dès le premier enfant, nous applaudissons !

Le péché originel de la politique familiale française est la coexistence de deux logiques irréconciliables : des allocations familiales censées compenser l’effort financier des familles qui accueillent un certain nombre d’enfants – au minimum deux, de préférence trois – et une vague « justice fiscale » qu’aucun principe théorique ne définit précisément mais invoqué par certains pour justifier le calcul de l’impôt selon le « quotient familial ». 75 ans après les ordonnances qui ont institué la sécurité sociale à la française, des dizaines de dispositifs plus ou moins éphémères ont redessiné la politique familiale. Aujourd’hui, une dizaine de mécanismes de transferts monétaires interagissent laborieusement pour aider les parents à assumer leurs charges financières[1].  

Léon Régent[2] a parfaitement montré que la multiplicité de ces dispositifs aboutit à des transferts totalement incohérents, chaque enfant faisant l’objet d’aides de montants différents selon de multiples paramètres. Son graphique est saisissant :

En découvrant ces graphiques en septembre dernier, les députés de la mission d’information parlementaire sur la politique familiale, ainsi que la rapporteur Nathalie Elimas, ont manifesté un certain désarroi devant « un tableau impressionniste ».  

Il est donc réconfortant de lire parmi les propositions de la « mission politique familiale au XXIe siècle » la volonté de « rationaliser les différentes prestations familiales existantes (une dizaine actuellement), dans un objectif de simplification et d’amélioration de la lisibilité pour les familles » (n°5 bis).

Il est aussi envisagé de « mettre fin à la modulation des allocations familiales en fonction des revenus » (n°1), introduite par François Hollande dans la dernière période de son quinquennat, ce qui sonnerait le glas d’une complication inutile et nocive pour l’unité nationale attendue sur un sujet tel que l’accueil des enfants.

Il est dommage que le rapport donne un coup de barre un peu trop à droite en demandant également de « relever le plafond du quotient familial pour le porter à 1700 euros par demi-part » (n°2) et envisage d’augmenter la demi-part fiscale du deuxième enfant à une part entière (n°2 bis), ce qui ne bénéficierait qu’aux 43% de familles suffisamment aisées pour être concernées par l’impôt sur le revenu. Cette proposition risque de raviver la tension qui avait fait éclater début 2019 la précédente mission d’information, animée par Gilles Lurton (LR) et Guillaume Chiche (LREM ex-PS).

On remarque aussi une lacune sur la diversité de traitement entre les couples et les familles monoparentales. Un tout récent rapport UNAF-OFCE montre que les dix dernières années de réformes ont massivement amélioré la situation des parents isolés, alors que les couples parents ont vu leurs prestations significativement rognées :

Ainsi, entre 2008 une mère isolée avec deux enfants bénéficie en moyenne de 470 euros de plus par unité de consommation pour une année (soit environ 70 euros de plus pour le ménage chaque mois), alors que les couples ont perdu 405 euros par UC (soit quelques 80 euros par mois pour le ménage). Ce différentiel de 150 euros a renforcé une situation déjà déséquilibrée, qui a une conséquence rarement documentée : un parent isolé a beaucoup à perdre financièrement en se remettant en couple !

Le rapport qui doit être présenté début juillet par la députée Nathalie Elimas présente donc une intention louable : universaliser la politique familiale, à rebours des réformes Hollande. Mais il comporte également quelques faiblesses, au risque de se disperser sur des pistes trop nombreuses et divergentes. 

L’allocation familiale unique définie par Léon Régent serait une solution nettement plus efficace, en ramenant l’aide monétaire aux parents à un simple forfait par enfant. Par exemple : 200 euros par mois en-dessous de 14 ans, 250 euros au-dessus. Ceci permettrait de supprimer sans états d’âme la majeure partie des dispositifs actuels, dont la complication extrême masque l’iniquité et l’inefficacité… et nourrit une technocratie et une bureaucratie parfaitement inutiles.


[1] Quotient familial, allocations familiales, majoration pour âge, complément familial, allocation de base de la Paje, allocation de soutien familial, allocation d’éducation d’enfant handicapé, complément de RSA et de Prime d’activité pour enfants à charge, réduction d’impôts pour scolarité des enfants, allocation de rentrée scolaire, bourses d’études et d’enseignement secondaire, calcul des aides au logement en fonction des enfants… 

[2]La face cachée des prestations familiales, 2018, Editions de l’Onde

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