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La France s’aveugle-t-elle sur la violence de la crise économique qui s’annonce comme elle l’a fait face au coronavirus ?
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Ravages économiques du coronavirus

La France se prépare-t-elle aussi mal à la crise économique qui vient qu’au coronavirus ? On a tout lieu de le penser.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Alors que l’activité est dans une situation dramatique, la presse mainstream s’efforce d’enjoliver la réalité. Et on n’entend guère dans la bouche du gouvernement des appels au sursaut national dont nous aurons besoin pour enrayer le désastre. 

La France se prépare-t-elle suffisamment à la crise économique qui vient ?  Fait-elle preuve d’autant de négligence qu’avec le coronavirus ? Plusieurs indicateurs soulignent que des tensions fortes devraient apparaitre dans les semaines à venir, et personne ne semble soucieux d’éveiller la conscience des Français sur l’ampleur des difficultés qui arrivent.

Le FMI annonce une crise plus grave que prévu

Nos lecteurs se souviennent que nous avons très tôt relayé la théorie de la crise en « l » de Nouriel Roubini, selon qui la crise liée au coronavirus sera suivie d’une longue stagnation de l’activité. Depuis plusieurs semaines, les éditorialistes français se relaient pour expliquer que la reprise devrait être rapide et que tout ira bien. Ces derniers jours encore, des titres délibérément optimistes font croire que l’activité connaît, en France, un rebond fulgurant. On lira par exemple aujourd’hui un article de La Croix affirmant que « L’activité économique française rebondit en juin« .

Toutes ces présentations euphorisantes contredisent les réalités aisément perceptibles : dans Paris, les magasins, les restaurants, les hôtels sont vides. La crise frappe. La chute du PIB devrait être colossale, et les statistiques économiques elles-mêmes sont inquiétantes. 

Ainsi, le FMI vient-il d’annoncer pour la France la pire récession du monde industrialisé, avec une contraction du PIB en 2020 de plus de 12%. Autrement dit, le FMI durcit les prévisions de récession déjà émises par le gouvernement. 

On notera quand même que la France fera presque deux fois moins bien que l’Allemagne, et se situera très près de l’Italie et de l’Espagne. Le « club Méd » aura le privilège de réaliser les pires performances du monde industrialisé, ce qui en dit long sur l’état de décrépitude de nos économies. 

Mais au lieu de prendre la mesure de cette déroute, nous continuons de répéter à l’envi : dettes, dettes, dettes. 

La réponse dangereuse du chômage partiel

Selon leurs habitudes, les élites françaises entendent « protéger » les Français comme on protège les enfants. On ne leur dit donc pas toute la vérité, et on encourage en sous-main les articles affirmant que le rebond est prometteur. Moyennant quoi les Français sont persuadés qu’ils devraient passer entre les giboulées qui s’annoncent. 

Sur ce point, le gouvernement est prêt à tout pour prolonger « coûte-que-coûte » l’euphorie nationale. Ainsi, le dispositif de chômage partiel devrait être prolongé encore, quitte à faire survivre des entreprises vouées à la disparition. À compter du 1er juillet, entre en oeuvre un dispositif dit d' »activité réduite de maintien dans l’emploi« , dispositif de prise en charge de 85% du salaire par l’État dans les entreprises qui ne sont pas vouées à disparaître, mais qui sont affectées par la baisse d’activité. 

Progressivement, l’État se substitue donc aux entreprises pour payer les salaires sans avoir le moindre euro d’avance pour payer. Tout ceci est financé par la dette. 

Véran augmente la masse salariale de 6 milliards dans les hôpitaux

De son côté, Olivier Véran, le bouillonnant ministre de la Santé, a annoncé mercredi qu’il dégagerait 6 milliards € supplémentaires pour certaines catégories de personnels hospitaliers. C’est une somme colossale, équivalente à 500 euros mensuels d’augmentation. 

Immédiatement, les syndicats se sont félicités de connaître enfin la « fourchette basse » de la négociation. On peut compter sur une surenchère à venir. 

Dans le même temps, Véran n’a évidemment rien dit sur d’éventuelles économies concernant l’épaisse bureaucratie hospitalière qui étouffe les soignants, et qui coûte plusieurs milliards toxiques au contribuable chaque année. On voit bien la posture dans laquelle on est : on ouvre les vannes au nom de l’utilité émotionnelle des hôpitaux publics, et on ne se demande plus avec quel argent ces dépenses somptuaires seront financées. 

Le FMI souligne que ses prévisions restent exposées à un “degré d’incertitude supérieur à la normale” et juge que “l’ampleur du rebond récent du sentiment sur les marchés financiers semble déconnectée de l’évolution des perspectives économiques sous-jacentes”. Reuters

Le pari risqué d’un financement européen

Dans toute cette affaire, la France parie évidemment sur la générosité européenne, et singulièrement allemande, pour maintenir son train de vie au-dessus de ses moyens. Les admirateurs sans limite de l’Europe sont parvenus à faire croire à l’opinion que l’Union était une oeuvre philanthropique qui nous aiderait à franchir la crise sans limite. 

Nous avons eu l’occasion d’alerter à plusieurs reprises sur le danger des illusions françaises. Il suffit de dire « coronabonds » ou « dettes européennes » pour agiter la baguette magique qui clôt tout débat. Mais hier encore, Angela Merkel a exprimé son hostilité au principe des dons aux pays du suc, et a exprimé sa préférence pour des prêts courts et remboursables rapidement. 

Tout indique donc que les Français se bercent d’illusions lorsqu’ils se persuadent que l’Allemagne volera à leur secours et qu’ils peuvent donc brûler du cash sans compter. Les déconvenues devraient arriver à partir de septembre. 

D’ici là, on dépense, on dépense, comme si le Trésor était un puits sans fond.  

La richesse nationale amputée de 250 milliards € en 2020

Reste que le PIB baissera en France, en 2020, d’environ 250 milliards €, c’est-à-dire autant ou presque que les recettes fiscales de l’État. Ce trou dans la caisse va coûter cher à combler et personne ne se soucie aujourd’hui d’expliquer aux Français qu’il faudra, quoi qu’il arrive, réviser notre train de vie à la baisse. Avec un PIB aussi brutalement amputé, on mesure bien que tout le reste suit : la sécurité sociale va de voir être reformatée, et la proportion des dépenses publiques par rapport au PIB va devenir digne de l’Union Soviétique

Bref, l’ajustement des dépenses aux recettes risque d’être d’autant plus brutal que l’opinion est maintenue dans des paradis artificiels et ne s’y attend pas. Au contraire, Emmanuel Macron laisse planer l’illusion d’un virage social avec un discours de 14 Juillet qui doit relancer son quinquennat et préparer sa réélection. Il faut sur ce point, avoir les idées claires.

Soit Emmanuel Macron opérera véritablement un virage social et nos amis allemands (et autres radins septentrionaux) risquent de le contrecarrer. On peut alors s’attendre à de fortes tensions sur les taux qui rendront l’exercice coûteux politiquement et socialement. 

Soit Emmanuel Macron déçoit l’opinion en demandant des efforts là où il promet plus de dépenses, de justice sociale et de réduction des inégalités, et cette déception risque de donner lieu à des troubles sociaux dont nous avons de réguliers avant-goûts depuis les Gilets Jaunes. 

Dans les deux cas, la fin du quinquennat risque d’être un exercice compliqué, et l’affaiblissement de l’État par Emmanuel Macron et son équipe risquent de nous jouer un bien vilain tour. Il réveille en effet les contestations et aiguise la tentation de l’agitation sociale. On sait quel genre d’arbitrages l’État rend dans ces moments : c’est d’ordinaire taxes à gogo et mesures punitives en tous genres pour reprendre la situation en main. 

Cet article a été initialement publié sur le site Le Courrier des stratèges, cliquez ICI

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