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Coronavirus : dans le Golfe, la protection des travailleurs à géométrie variable
©KARIM SAHIB / AFP

Pandémie

Le Qatar et les Emirats arabes unis, qui ont massivement recours aux travailleurs migrants en provenance d'Asie et d'Afrique, n'ont pas offert les mêmes garanties à leurs petites mains. Certaines d’entre-elles ont ainsi reproché à Doha de devoir mendier pour obtenir de la nourriture, tandis qu'Abou Dhabi les autorisait à trouver du travail à temps partiel.

Célia Kahouadji

Célia Kahouadji

Célia Kahouadji est diplômée d’une double licence en droit et science politique, d’un Master en Relations et affaires internationales de l’Université Jean-Moulin Lyon III et l’Université Saint Joseph de Beyrouth (Liban) ainsi que d’un MBA en Risque, Sûreté et Cybersécurité de l’Ecole de Guerre Economique. Spécialisée dans le conseil sûreté et de l’intelligence économique, elle est aujourd’hui consultante pour le compte d’un groupe immobilier.

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Lorsque la pandémie de coronavirus a éclaté, entre février et mars derniers, il est rapidement apparu qu'elle serait potentiellement désastreuse pour tout un pan de l'économie mondiale. Mise à l'arrêt des entreprises, populations confinées, baisse de la production et de la consommation : partout l'on promettait des récessions plus ou moins importantes. Et très vite, certains observateurs ont également braqué leurs projecteurs sur une catégorie de personnes en particulier, qui souffriraient à coup sûr de cette crise globale – à la fois de l'offre et de la demande – : les travailleurs, surtout les plus précaires, promis à de longs mois difficiles, où les inégalités, parfois déjà bien visibles, seraient renforcées.

Dès le mois d'avril, au Moyen-Orient, les organisations humanitaires s'alarment ainsi du traitement réservé aux travailleurs migrants, entassés dans des camps de travail, démis de leurs fonctions évidemment, et confrontés à des taux d'infection élevés. Selon Martin Chulov, le correspondant du Guardian dans la région, « des centaines de milliers de travailleurs migrants font [alors] les frais de la pandémie de coronavirus au Moyen-Orient », notamment dans la région du Golfe – la plus touchée –, « où la main-d'œuvre migrante représente la moitié ou plus de la population. » Les économies basées sur la production d'hydrocarbures (gaz et pétrole) ayant attiré depuis longtemps des millions de travailleurs peu qualifiés en provenance d'Asie du Sud et du Sud-Est, ainsi que d'Afrique.

Pour les groupes de défense des droits des travailleurs, la chose est entendue : face à la crise, il convient que les pays d'accueil offrent les mêmes protections que celles accordées à leurs citoyens. Car dans les dortoirs, par exemple, la situation est critique ; la distanciation sociale est délicate à mettre en place, et les organisations craignent que la forte densité de population – donc la proximité entre travailleurs – n'aggrave la situation sanitaire. Selon Martin Chulov, « dans les Etats du Golfe, les travailleurs migrants sont responsables d'une forte proportion des infections au Covid-19. » Problème, les réponses apportées par les autorités ne seront pas forcément à la hauteur des événements.

Au Qatar, par exemple, qui enregistre l'un des taux d'infection par habitant les plus élevés au monde (84 000 cas pour seulement 2,8 millions d'habitants), certains travailleurs migrants ont affirmé avoir été contraints de mendier de la nourriture après les retombées économiques désastreuses de la pandémie. Ces derniers, dans de nombreuses interviews, ont décrit un sentiment croissant de désespoir, de frustration, voire de peur ; au Guardian, ils ont ainsi affirmé n'avoir plus aucun moyen de gagner leur vie et être obligés de demander de la nourriture à leur employeur ou à des organisations caritatives. Mi-avril, le gouvernement permettait aux entreprises de mettre les travailleurs en congé sans solde ou de résilier tout simplement leur contrat...

Les Emirats arabes unis (40 000 cas pour 10 millions d'habitants), à l'inverse, ont cherché à s'assurer – dans la loi comme dans les faits – que les travailleurs les plus vulnérables continuent à recevoir de la nourriture et un logement pendant qu'ils ne travaillaient pas, et des mesures financières ont été prises pour soutenir l'ensemble des travailleurs et leurs familles. En cas de cessation d'activité, ces derniers pouvaient prétendre à un nouvel emploi temporaire ou signer un contrat de travail à temps partiel avec un nouvel employeur. Il leur suffisait de se rendre sur une plateforme Internet dédiée, où les offres d'emploi étaient régulièrement publiées, afin de postuler en ligne. Et les employeurs étaient tenus de remplir leurs obligations contractuelles envers leurs employés jusqu'à leur transfert – ce qui incluait la fourniture d'un logement, de repas, voire de traitements médicaux.

Les autorités émiraties sont restées particulièrement vigilantes en ce qui concerne les cas de virus dans les communautés de travailleurs migrants ; elles ont réagi rapidement et prévu le nettoyage et la désinfection de leurs lieux d'habitation afin de réduire la menace de propagation. Contrairement à beaucoup de pays, le gouvernement a également pris en charge les frais de santé d'un grand nombre de ces travailleurs étrangers, dont les revenus ne leur permettaient pas toujours d'être testés voire hospitalisés. Une fois qu'ils étaient testés positifs au coronavirus, les migrants et leurs colocataires étaient séparés, et les premiers mis en isolement dans un établissement approuvé par les autorités.

Certains n'ont pas hésité à souligner que si les Emirats arabes unis ont pu être pointés du doigt pour le traitement réservé à leurs travailleurs étrangers, tout comme le Qatar d'ailleurs, ils ont « profité » de la crise du coronavirus pour rééquilibrer la balance. Doha, en revanche, reste pointée du doigt, alors que le petit émirat doit accueillir la prochaine Coupe du monde de football, en 2022, et compte beaucoup sur « ses » travailleurs migrants pour ses chantiers.

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