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L’obésité chez les cinquantenaires augmente leur risque de développer des formes de démence sénile
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Surpoids

D'après une étude de l'University College London, les personnes atteintes d'obésité à cinquante ans ont 30% de chances de plus de développer une forme de démence par rapport aux personnes dont l'IMC (l'indice de masse corporelle) est normal (entre 18,5 et 24,9). Pourquoi l'obésité augmente-t-elle le risque de souffrir de démence chez les personnes de plus de 50 ans ?

Christophe de Jaeger

Christophe de Jaeger

Le docteur Christophe de Jaeger est chargé d’enseignement à la faculté de médecine de Paris, directeur de l’Institut de médecine et physiologie de la longévité (Paris), directeur de la Chaire de la longévité (John Naisbitt University – Belgrade), et président de la Société Française de Médecine et Physiologie de la Longévité.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment de "Bien vieillir sans médicaments" aux éditions du Cherche Midi, "Nous ne sommes plus faits pour vieillir"  chez Grasset, et "Longue vie", aux éditions Telemaque

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Atlantico.fr : Selon une étude menée par des chercheurs de l'University College London, les personnes atteintes d'obésité à cinquante ans ont 30% de chances de plus de développer une forme de démence par rapport aux personnes dont l'IMC est normal (entre 18,5 et 24,9).

Pourquoi l'obésité augmente-t-elle le risque de souffrir de démence chez les personnes ayant atteint la cinquantaine ?

Christophe de Jaeger : Nous savions depuis longtemps que l’obésité augmente les risques de maladies cardio-vasculaires (infarctus, accident vasculaire cérébral…), de maladies métaboliques (diabète…), de maladies inflammatoires, de maladies articulaires, etc. Et paradoxalement, malgré l’augmentation majeure des risques pour les personnes en surpoids et toute la communication grand public autour de ces risques, le nombre de personnes en surpoids augmente.

Cela met très clairement en évidence la dissociation forte qui peut exister entre un fait scientifique et médical parfaitement identifié depuis des dizaines d’années et le comportement des gens.

Nous savons depuis quelques années maintenant que le cerveau est également une victime à part entière du surpoids. Cette belle étude le met encore en évidence. L’explication est simple. Le surpoids entraîne un risque accru de maladies artérielles et métaboliques. Le cerveau est irrigué à l’extrême par des artères. Dès que les artères s’abîment du fait des facteurs de risques liés au surpoids (hypercholestérolémie, hypertension artérielle, diabète), la vascularisation du cerveau se dégrade et les cellules cérébrales vont en payer le prix.

La sédentarité très souvent associée au surpoids est un élément aggravant cette souffrance cérébrale.

Les résultats, publiés dans l'International Journal of Epidemiology, suggèrent que la démence est la dernière d'une longue lignée de problèmes de santé liés à l'obésité (augmentation des taux de cancer, de diabète de type 2 et de maladies cardiaques). Quelles sont les autres origines de la démence ? En quoi le fait que l'obésité ait des effets directs sur la santé cognitive est nouveau et pose problème ?  

Il y a 72 étiologies répertoriées de démence. La démence est une atteinte des fonctions cognitives. Pour simplifier, c’est une atteinte des mémoires, des praxies, de la parole, etc qui va aboutir après quelques années d’évolution, à une perte d’autonomie. La personne démente devient totalement dépendante de son entourage avec un coût social et humain considérable. D’où l’absolue nécessité de lutter activement contre tous les facteurs de risque de démence. Le surpoids est maintenant clairement identifié comme tel. Et cette lutte doit débuter le plus tôt possible.

S’il existe 72 étiologies possibles de démence, certaines sont excessivement rares, d’autres très majoritaires. Une des première cause est représentée par les maladies neuro dégénératives et en particulier la maladie d’Alzheimer. Juste après nous avons les démences vasculaires, puis les carentielles, etc… Le fait est qu’à partir d’un certain âge les différentes étiologies peuvent s’associer (vasculaire et dégénératif) pour détruire le cerveau. Il existe aussi de nombreuses questions sur le rôle possible du vasculaire comme cause possible chez certaines personnes de processus dégénératifs.

Mais quoi qu’il en soit, l’obésité peut être un facteur à terme de démence du fait de son action péjorative sur le système artériel, d’où une raison majeure supplémentaire d’accentuer cette prise en charge du surpoids.

Les démences vont représenter dans l’avenir un sujet majeur de préoccupation pour nos sociétés modernes. À travers les coûts qu’elles représenteront (et qu’elles représentent déjà aujourd’hui). Les coûts humains avec les souffrances personnelles et familiales qu’elles impliquent, mais également les coûts économiques des soins et de la perte d’autonomie et des institutionnalisations qu’elles impliquent avec des décalages importants dans le temps (il peu y avoir 30 ans ou plus, entre le début d’une obésité et une perte d’autonomie).

Le professeur Andrew Steptoe, directeur de l'étude anglaise sur le vieillissement, a déclaré: « La démence est l'un des principaux défis sanitaires du 21e siècle qui pourrait menacer le vieillissement de la population. » Comment expliquer l'augmentation du nombre de personnes atteintes de démence et comment lutter contre ce phénomène ?

La vraie problématique pour moi est le décalage sidérant entre un fait médical et scientifique bien établi (le surpoids est hautement pathogène), bien vulgarisé et diffusé et l’augmentation continue du nombre de personnes en surpoids dans nos sociétés modernes. Comment expliquer ce gouffre ? La seule explication se trouve dans les comportements. Nos comportements sont le fruit de pulsions immédiates non contrôlées et qui rendent la valeur à long terme d’un risque (même important) une non-certitude. En d’autres termes, « j’ai faim maintenant et je mange ce qui me plaît », sachant que personne ne peut me garantir que dans 30 ans je serais dément : alors… Et honnêtement les problèmes de la société dans 30 ans, ne sont pas les miens aujourd’hui (ce que l’on peut appeler une « déresponsabilisation »).

La seule solution pour moi est une prise de conscience individuelle. Chacun doit comprendre qu’il a un « intérêt santé personnel » majeur. Ce que l’on peut aussi traduire par un Capital santé personnel, important ou pas, en fonction de ses gènes, de son environnement et de ses comportements. Il en est responsable et doit le faire fructifier, plutôt que de le dilapider. Il faut donc multiplier les consultations médicales « santé » sur le territoire. Ces consultations ne doivent pas être centrées sur le dépistage et le traitement des maladies, mais sur un diagnostic précis du Capital santé de la personne (où âge physiologique) permettant d’identifier scientifiquement les vrais points forts et les vrais points faibles d’une personne et de les corriger en fonction de la personne elle-même, c’est-à-dire en fonction de ses possibilités physiques et mentales.

J’insiste sur le fait que ceci ne peut se faire que par une prise de conscience individuelle forte, un bilan physiologique adapté et des prises en charge personnalisées. Vous retrouverez d’ailleurs les grandes lignes de ce qui peut être fait dans mon dernier livre « Bien vieillir sans médicaments » aux Editions du Cherche Midi qui vous montre, où que vous soyez, que vous pouvez agir.

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