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Le gouvernement accélère le déconfinement. Mais au fait, serions-nous prêts en cas de seconde vague ?
©MEHDI FEDOUACH / AFP

Leçons de la crise

Alors que la France a été durement touchée et impactée par le coronavirus et la phase de confinement, notre pays est-il désormais suffisamment préparé en cas de deuxième vague ? Quels moyens devraient être déployés afin de limiter au maximum les conséquences de cette potentielle deuxième vague ?

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Atlantico.fr : Au cours de la 1er vague de l'épidémie, le gouvernement s'était fixé des objectifs ( le triptyque de l'immunité ) visant à limiter la contamination. Ces objectifs ont-ils été atteints ? A-t-il retenu les leçons de la 1ère vague ?

Hier le président de la République a exprimé un satisfecit à propos de la réponse à la pandémie.

Guy André-Pelouze : Pour ce faire il a opportunément mélangé la réponse de l'État, la prévention, les soins et le comportement des Français pour conclure à un bilan globalement positif. Les exemples cités étaient des itérations triées sur le volet plutôt qu’un examen équilibré de l’organisation des services de l’état et des résultats mesurables. Cette autosuggestion positive poursuit un double but: réveiller définitivement les Français de la léthargie qui s'est installée pendant les 55 jours du confinement indifférencié et tourner la page des multiples insuffisances observées pendant la réponse à la pandémie. Ainsi il a d’emblée présenté ses décisions sous les jours les plus avenants: libérer le pays de toutes les contraintes ou presque et “dessiner notre nouveau chemin”. Or cette pandémie n’est pas une pièce de théâtre, les actes ne sont pas écrits et rappelons le c’est l’impréparation et la désinvolture qui ont rendu la réponse difficile.

Les objectifs fixés sont loin d’être atteints

Dans ce contexte il est opportun d’examiner les objectifs fixés par E. Philippe évaluer leur niveau de mise en oeuvre. Car ce qui compte c’est bien l’organisation de la réponse dans ses détails les plus décisifs. L’organisation (ou son contraire) est telle que nous faisons peu de tests et que nous isolons très peu de porteurs du virus. La surveillance du territoire reste très globale alors que nous avons besoin d’une évaluation très fine pour contenir les résurgences. Troisième point le traitement des foyers est peu transparent et souvent trop long ce qui affaiblit la reprise économique notamment dans le secteur public. Les brigades ne font pas de reporting détaillé et transparent. Dans ce contexte le discours du président d e la république reste marqué par des ambiguïtés. Chacun pourra juger de la rationalité d’affirmer que les rassemblements sont à éviter car ils sont “la principale occasion de propagation du virus” et en même temps dans la phrase suivante décider d’organiser des élections le 28 Juin. Alors que des experts dissertaient aussitôt sur la “sémiologie” de l’intervention télévisée cette juxtaposition de deux phrases strictement contradictoires n’a pas été relevée. Un choix de décortiquer la forme au lieu de pragmatiquement étudier le sens. Au final, des objectifs très loin d’être atteints et surtout d’énormes progrès organisationnels à faire dans la rapidité de mise en oeuvre du triptyque Tester, Tracer, Traiter, voilà qui caractérise le bilan à ce jour.

En cas de deuxième vague, notre pays est-il désormais suffisamment préparé ?

La pandémie est un choc externe pas une vague. C’est la propagation biologique d’un virus dans une population. Dans une vague vous subissez un phénomène physique gravitationnel qui est quasiment non modifiable au moment où elle arrive. Dans une pandémie les comportements comptent beaucoup dans le succès ou la difficulté du virus à se transmettre d’un humain à un autre. C’est donc très différent. La vague ou bien vous la subissez ou vous la surfez. La pandémie peut être maîtrisée et les preuves abondent de cette affirmation. En effet le nombre de morts par million d’habitants n’est bien sur pas explicable uniquement par des différences de métrologie (Figure N°1). Ni par des différences de susceptibilité des populations. L’analyse de ces disparités n’est pas terminée mais ce que nous savons déjà des autres épidémies de coronavirus c’est que les comportements individuels sont déterminants et que les pratiques d’isolement de quarantaine ciblées sont tout aussi importants.

Figure N°1: Morts de la Covid-19 par million d’habitants des 25 pays les plus touchés dans le monde. À noter que des pays absents de cette liste ont des statistiques non vérifiables et en premier lieu la Chine.

Nous avons subi une pandémie, pas un acte 1 d’une fiction,  pas une vague de l’Océan. En réalité nous assistons à la première phase de la circulation du virus, une phase sporadique qui résulte de son importation de Chine et d’autre pays d’Europe. Cette importation malheureusement non contrariée a au contraire été amplifiée par les comportements intra hexagonaux. Essentiellement les rassemblements sans masques ni lunettes dans des endroits de grande promiscuité voire clos. Commence depuis quelques semaines la phase endémique qui elle sera celle des résurgences disparates c’est à dire non centrées sur les zones géographiques des foyers explosifs initiaux. Il n’est pas établi que nous soyons aujourd’hui mieux préparés. Personne au niveau de l’état ne s’est d'ailleurs aventuré à en en faire ni la promesse ni le pari. Les Français seraient bien naïfs d’acheter le nouveau chemin après le nouveau monde.

Quelle stratégie devons-nous mettre en place afin de limiter au maximum l'impact de cette deuxième vague ?

La première erreur à ne pas commettre c’est de passer à l'urgence sociale en lâchant tout ce qu’on a à peine effleuré c’est à dire la réponse intelligente à l’épidémie. Je note que le président de la république n’a pas insisté sur la poursuite des comportements anti transmission. En réalité il parie sur la décroissance de la contamination inhérente à la dynamique propre de la pandémie. Ce pari est risqué. Car la vie du virus ne s’arrête pas à l'état. En tous cas personne ne le sait.

Deuxième erreur ne pas discriminer les acteurs en fonction d’une idéologie “publique” ou “hospitalo centrée”. Cela a coûté très cher lors de la mise en place de la “doctrine” initiale de Mme Buzyn. J’ai noté que le message n’a pas changé et l’hôpital est toujours mis en avant.  C’est au contraire la surveillance et l’alerte en ambulatoire, la prévention qui commence dans les actes de tous les jours en privé, dans l’entreprise, dans la salle d’attente des médecins, et dans les commerces qui sont les barrières de la transmission.

Le développement de l’intelligence de l’épidémie doit être une priorité. Cela suppose des développements puissants en terme de santé publique et le recours à l’initiative privée des entreprises du secteur. Un exemple. Nous devons avoir, dans une pandémie à point d’entrée respiratoire, la possibilité de prévenir les personnes immuno fragiles. Cela concerne les patients transplantés, tous les patients prenant un traitement immunosuppresseur, les insuffisants respiratoires et d’autres groupes identifiables et moins nombreux. Ces personnes sont celles qui vont avoir plus de formes graves et leur protection est indispensable. Des actions ciblées, sélectives et maîtrisées dans le temps permettent d’éviter un lockdown généralisé que nous avons appelé le confinement indifférencié prolongé. Cette décision a été très coûteuse et finalement peu efficace. Cette intelligence de la pandémie sur notre territoire c’est le chemin de crête entre ce que nous devons aux plus fragiles et ce que nous ne devons pas détruire: notre prospérité. C’est le contraire de cette cynique musique binaire qui oppose les négationnistes de la pandémie et les tenants d’un lockdown prolongé quel que soit le coût.

Plutôt que d’inventer un “nouveau chemin” choisissons de défricher à la lumière des expériences étrangères un chemin intelligent.

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