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Pour les boursiers, la crise est terminée, les hausses sont historiques et vont continuer mais...
©ERIC PIERMONT / AFP

Atlantico Business

Tout le monde a besoin de rêver, mais à condition de pouvoir payer le loyer. La bourse de Paris a terminé la semaine dernière sur la hausse la plus forte depuis 2011. Le CAC 40 efface donc le risque de catastrophe sociale mais n’oublie pas la nécessité d’une évolution pragmatique du système.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pour les boursiers, la crise est donc terminée, les risques de catastrophe économique et sociale sont écartés... Mais les boursiers ont tous les défauts sauf d’être naïfs, ou utopiques. Ils ne sont pas naïfs parce qu’ils savent que la reprise a été dopée massivement par l‘Etat et la banque centrale européenne. Ils ne sont pas plus rêveurs et utopiques parce qu’ils savent bien que le monde d’après Covid 19 ne sera pas fondamentalement différent du monde d’avant, sauf que les faiblesses et les dérives précédentes devront être corrigées. Et ce qui rend les boursiers plutôt optimistes, c’est qu’ils ont la faiblesse de penser que la crise pandémique a réveillé des disfonctionnements et permis un commencement de prise de conscience quant aux réformes qu’il fallait nécessairement mettre en chantier.

Les faits d’abord : la semaine boursière s’est donc terminée sur une performance équivalente aux meilleures de celles de l’année 2011, quand tout le monde pensait que la crise financière était digérée. A plus de 5000 points (5197,79 en hausse de 11% sur la semaine) le Cac 40 a retrouvé des points d’appui pour continuer de grimper. Les volumes sont exceptionnels avec plus de 6,2 milliards de transactions qui témoignent d’un afflux de demandes à l’achat.

Les raisons ensuite sont nombreuses.La première est très mécanique et tient à l'action quasi-illimitée des banques centrales. Exactement comme la Réserve fédérale américaine, la Banque centrale européenne a fait savoir qu’elle ne laisserait pas tomber l’économie européenne. Les prévisions de récession sont sévères pour l’Europe (entre 5 et 11% de perte sur le PIB pour l’année 2020 et pas de reprise avant 2021) et c’est évidemment insupportable pour l’emploi puisque ça porte un risque de licenciements massifs qui seraient ingérables politiquement. Après le risque sanitaire, on va donc tout faire pour éviter le risque social et politique, Christine Lagarde a donc confirmé son programme de rachats d’actifs (c’est à dire de dettes) pour 1300 milliards, ce qui permet de réemprunter autant d’argent pour que les banques le réinjectent dans le système économique.

Du côté des Etats, on a bien compris qu’il fallait mettre le paquet « quoi qu’il en coute ». Et contrairement aux critiques dont il est l’objet, le gouvernement français n’a pas tremblé. La France est devenue le champion du monde de l’allocation chômage (pour perfuser plus de 8 millions de chômeurs partiels) et le champion en Europe et dans le monde des garanties de prêts aux entreprises (Plus de 100 milliards). Parallèlement, et loin des grands discours idéologiques, le ministre de l’économie Bruno Le Maire a donné dans le pragmatisme en prenant les secteurs industriels menacé les uns après les autres : le tourisme, l’aérien, l’automobile, l’industrie aéronautique, les PME, et demain s’il le faut, on se penchera sur les banques. Du coup, la bourse en a tiré les leçons ... Les grandes valeurs Airbus , Unibail, Société générale, Crédit agricole, Renault, Peugeot, et même LVMH ont commencé à rattraper leurs pertes boursières. 

Enfin, sur l’Europe, les boursiers tirent la leçon d’un changement de climat. Les boursiers décodent les intentions de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, du Commissaire à la concurrence, Thierry Breton et d’Angela Merkel et constatent que tous les pays de la zone euro sont au diapason. C’est nouveau. L'idée de relance, la décision de s’asseoir sur les critères de Maastricht et de lancer des emprunts au nom de tous mais dont le produit reviendra en priorité aux plus faibles comme l’Italie, tout cela prépare une mutation vers plus de fédéralisme. Un tabou serait tombé. Un des résultats de cette évolution c’est la force de l’euro. L'Euro a retrouvé un prix qu’il avait au moment de son lancement en l’an 2000 et qui, soit dit en passant, convenait à l'époque à tout le monde (1, 190 dollar). Ce prix d’équilibre nous met en situation compétitive avec le dollar, ce qui est une bonne chose pour le commerce extérieur.

Ajoutons que l’environnement international aide les boursiers en dégageant l’horizon. La pandémie n'a pas disparu (elle affecte durement l‘Amérique du sud) mais le risque du virus est sous contrôle, la vie normale va reprendre presque comme avant.

Enfin, les effets à moyen terme ne préparent pas un bouleversement du monde tel qu’il était. Le confinement de la moitié de la planète a démontré que la vie sans croissance s’avèrerait très rapidement impossible à supporter. Pas de croissance pour les mouvements écologistes, c’était évidemment moins de pollution, moins de risque de réchauffement climatique etc, mais c’était aussi plus de destruction d’emplois et de richesses, moins de progrès etc etc.

Donc, le retour à la normale nous ramènera au système de production tel qu’il s’est développé, y compris à la mondialisation capitaliste etc... A condition de corriger un certain nombre de dysfonctionnements.

Alors le marché va corriger beaucoup de ces dysfonctionnements, la variable prix va filtrer les choix du consommateur, mais ne va jamais lui interdire ces choix qui sont facteurs de progrès. Les chefs d’entreprises savent trop bien que, s’ils veulent conserver leurs clients, leurs salariés et leurs actionnaires, il va falloir qu‘ils s’adaptent. Les boursiers sont plutôt satisfaits de constater que la crise sanitaire doublée du coma artificiel de l’économie a révélé l’existence de fragilités et de vulnérabilités stratégiques chez beaucoup d’acteurs. Ces fragilités sont antérieures à la crise. Les boursiers sont plutôt satisfaits que les plans d’aides aux entreprises ne visent pas à maintenir en survie des entreprises ou des stratégies qui sont de toute façon condamnées.

Si le président de la République prend la parole à la fin du mois de juillet, il fera sans doute un bilan de ce qui s’est passé, pourquoi pas ! (Même si c’est passé), il projette surtout de tracer les lignes du monde futur. Son entourage nous laisse entendre qu’il annoncerait un monde vert, une économie verte et une révolution dans l’organisation de l’appareil d’Etat. On craint le pire. Pourvu qu’il reste pragmatique et qu’il laisse les entreprises travailler. Les entreprises savent commander et fabriquer des masques, elles savent appliquer les normes sanitaires pour leurs clients et leurs salariés ... elles savant aussi donner un sens à ce qu’elles –font notamment sur le terrain de l’écologie. Pourvu que la crise nous ait guéris des utopies. Même si par ailleurs on a aussi besoin de rêves, mais le rêve est d’autant plus beau que le loyer est payé.

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