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Le déconfinement de l’économie se passe mieux et plus vite que prévu... mais les Français craignent une 2e vague de chômage massif à la rentrée
©ERIC PIERMONT / AFP

Atlantico Business

La reprise de l’économie sera plus rapide que prévu, tous les moteurs sont allumés, mais la majorité des Français craignent la vague de licenciements à la rentrée de septembre.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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L’ambiance a changé. Tout se passe mieux que prévu. L’ouverture des magasins et des cafés restaurants a été bien accueillie dans les grandes villes et dans toutes les stations balnéaires, en Bretagne comme dans le Midi. Les consommateurs sont au rendez-vous. D’autant que la liberté de circuler a permis au plus grand nombre de profiter du beau temps. Du coup, tous ceux qui pleuraient d’inquiétude à l’idée de repartir si tôt se sont tus. Même les instituteurs et les profs, même la CGT qui avait entrepris d’apprendre à ses troupes le mode d’emploi du « droit de retrait ».

Donc ça redémarre. Alors ça ne redémarre pas au même rythme dans toutes les régions. Dans l’Est de la France, la situation reste compliquée, alors que tout l’Ouest a déjà bien rebondi. Tous les secteurs ne sont pas logés à la même enseigne.

L’industrie automobile, qui a été violemment touchée, attend les clients pour écouler leurs stocks (400 000 véhicules) et n’a pas la preuve que ce même client se précipitera pas sur l‘électrique pour accélérer la transformation vers la transition énergétique.

L’industrie de voyage aérien n’est pas encore repartie. Elle sait que le poids des normes sanitaires augmentera les prix mais ne connaît pas l‘impact de ces prix sur le voyageur.

Actuellement, le voyageur ne voyage plus. Qu’il soit touriste, étudiant ou homme d’affaires.

Puisque les avions ne volent pas, les compagnies n’achètent pas d’avion, et du coup, toute la filière qui participe à l’industrie aéronautique se retrouve au point mort.

En revanche, l’industrie du bâtiment n’a pas trop souffert, les chantiers qui s’étaient arrêtés ont redémarré. L’agroalimentaire a plutôt profité de la crise. Mais les grands gagnants sont des acteurs mangeurs du système de santé et toute l’industrie du digital.

Cela dit, le mur de la catastrophe annoncée s’est éloigné et les seules entreprises qui peuvent le craindre sérieusement sont celles qui étaient fragiles et vulnérables avant même la crise du Covid-19. Les entreprises ont risqué, soit parce qu’elles sont anciennes, soit parce qu’elles ne s’étayent pas structurées et modernisées, toutes ces entreprises sont condamnées à plus ou moins brève échéance.

Le Covid-19 a surtout tué les personnes à risque et âgées et notamment celles qui avaient déjà des pathologies graves. Le déconfinement va provoquer le même phénomène dans le monde des affaires.

Mais hormis cette caractéristique structurelle et quasi-démographique, on peut faire le pari que la reprise économique sera plus rapide et plus forte que prévue. Il existe une convergence de phénomènes qui peuvent contribuer à aligner les planètes et faire mentir toutes les perspectives très anxiogènes qui ont dominé toute cette période.

Le facteur premier, c’est évidemment le recul de l’épidémie et peut-être même la disparition du virus. Tous les indicateurs sont au vert. C’était évidemment la condition première du retour à des conditions de vie normales. Finie l’inquiétude qui minait le mental de tout le monde. Espérons simplement que le jeu des gestes barrières aura imprimé chez tout le monde un réflexe automatique de conserver les pratiques des mesures d’hygiène. Première étape d’un système de santé qui prioriserait la prévention, ce qui n’était pas dans sa culture.

Au-delà de la neutralisation du virus, la plupart des planètes et des facteurs de la reprise de croissance sont alignés.

1er facteur de reprise : l’action de l’Etat pour faire face à la crise économique et amortir la crise sociale. On pourra faire toutes les critiques possibles à l’exécutif dans la gestion de la crise pandémique, mais pas celle d’avoir hésiter pour amortir la crise économique et sociale. La généralisation du chômage partiel, l’allègement des trésoreries des entreprises à l’arrêt, le moratoire des dettes fiscales et sociales, les garanties de prêts bancaires, la création d’un fonds de garantis ouvert jusqu'à la fin de l’année, et toutes les mesures de relance de la consommation et de l’investissement au bénéfice des secteurs industriels à risque - l’automobile, l’aérien, la construction aéronautique, le tourisme etc… La facture globale est très lourde. Elle sera a priori financée sur emprunt à la charge du budget de l’Etat, des collectivités locales et de la Sécurité sociale, au minimum 250 milliards soit l’équivalent grosso modo de la destruction de valeur pendant le confinement. Cet effort public et immédiat est à la hauteur de ce qu’ont fait les grands pays occidentaux. Pour sauver son économie, l’Etat français a pris le risque d’une crise budgétaire qu’il faudra assumer.

2e facteur de reprise, les initiatives de l’Union européenne. Là encore, on pourra critiquer l’action de l'Europe, regretter sa timidité ou son incohérence, sa lourdeur administrative, mais au total, tout se passe comme si l’Union européenne s’était reconstruite sur le terrain économique et financier. La banque centrale a fait le job de fournir les liquidités que les pays partenaires de la zone euro pouvaient avoir besoin, afin de sécuriser les systèmes bancaires (500 milliards), les organismes d’interventions européens, le MES et le FES, ont été activés, ils pourraient apporter jusqu'à 500 milliards. Enfin, la France et l’Allemagne ont convenu de lancer au niveau de l’Union des emprunts garantis par les différents Etats. C’est la première fois que l’Allemagne accepte cette forme de mutualisation des dettes. Alors on pourra toujours rétorquer que certains pays européens rechignent à signer, que l‘Allemagne mettra des conditions... Sans doute, il n’empêche que la mécanique de financement de la solidarité intra-européenne est lancée. 

3e facteur de reprise, une capacité d’épargne record et disponible de la part des particuliers. Les bas de laine se sont gonflés de 60 milliards d’euros mis en réserve qu’il faudra bien recycler d’une façon ou d’une autre. La plus intelligente serait de les dépenser en consommation ou en investissement productif (actions d’entreprise). Mais pour cela, il faut que le consommateur en ait envie ou besoin. Ça n’est pas gagné. C’est aux entreprises de faire des offres désirables. L’enjeu est important. Si le consommateur ne dépense pas son argent, les hommes politiques vont se mettre à convoiter ce pactole et inventer des impôts nouveaux. C’est un vrai risque.

4e facteur de reprise, les appareils de production n’ont pas été détruits. La guerre détruit des actifs et désorganise les circuits. Le confinement a simplement endormi le système. Les actifs sont restés entretenus, et les contrats de travail n’ont pas été rompus. Il faut donc réveiller le système et les hommes qui travaillent dans le système. La sortie d’un coma est toujours compliquée, le réveil est difficile et parfois douloureux mais les fondamentaux existent à deux exceptions près.

-D’une part, les actifs immatériels ont été détruits ou abimés. L’image de l’entreprise a pu être hypothéquée, l’histoire qu’on raconte sur le produit ou le process a sans doute vieilli.  Ça peut être grave

-D’autre part, les défauts structurels de l'entreprises apparaissent au grand jour et peuvent la paralyser (trop forte dépendance à un partenaire étranger, retard flagrant dans la digitalisation, personnel démotivé etc…).

La révélation de ces problèmes peut être catastrophique. Ce sont toutes les restructurations qui n’ont pas été faites avant qui vont provoquer cette deuxième vague de chômage gonflée par des licenciements massifs.

Pour reprendre une phrase de Warren Buffet un peu brutale (et même vulgaire), c’est quand la mer se retire à marée basse qu’on découvre ceux qui ne savaient pas nager ou qui étaient sans maillot. Un peu énervé au lendemain de la crise de subprimes, le gourou américain parlait lui de tous ceux qui « se baignaient à poil... ». C’est encore plus explicite !

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