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Après le Coronavirus, les criquets ?
©SAM PANTHAKY / AFP

Le point de vue de Dov Zerah

Alors que le pays lutte contre le Covid-19, l'État du Rajasthan en Inde est confronté à la pire invasion de criquets depuis 30 ans. Les insectes dévastent les cultures locales dans ce qui est considéré comme le "grenier" du pays.

Dov Zerah

Dov Zerah

Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l'Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d'OSEO.

Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.

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Depuis plus d’un mois, des myriades de dizaines de millions de criquets pèlerins survolent des régions de l’Inde. Dans un premier temps, ce fut le Rajasthan ; situé dans l’ouest du pays, cela accrédite la thèse de l’arrivée de l’insecte par le Pakistan, la péninsule arabique et la corne de l’Est africain, berceau du criquet… une sorte de route du criquet !

Également dénommée « sauterelle tigre », le criquet pèlerin se laisse porter par le vent et peut couvrir jusqu’à 150 km par jour. Il ne dure pas longtemps, jusqu’à trois mois, mais la femelle peut pondre jusqu’à 300 œufs, ce qui entraine une reproduction rapide et importante.

Certains ont vu la vidéo présentant les criquets pèlerins déferlant sur Jaipur, capitale de Rajasthan, et ses habitants utiliser des ustensiles pour essayer de décrocher les indésirables des murs et arbres.

L’Inde connait la plus terrible invasion depuis 1993 ; la dizaine d’essaims d’un km² chacun ont entrainé la destruction de 50 000 km² dans le Rajasthan ; d’autres essaims sont apparus dans les États du Mahārāshtra, Gujurat, Madhya Pradech, Pendjab, Uttar Pradesh... Les agriculteurs indiens se trouvent confrontés à de nouvelles difficultés après les conséquences du Covid-19.

La conjugaison des deux fléaux, Covid-19 et criquets va-t-elle remettre en cause la poursuite de la trajectoire indienne, à savoir de dépasser la Chine grâce à la combinaison des croissances économique et démographique. Selon le FMI, l’Inde contribue déjà à la croissance mondiale à concurrence de 15 %. L’Inde est la 7ème puissance économique mondiale ; elle est en passe de devenir, d’ici 2030, la 3ème puissance économique mondiale, le grand acteur mondial.

Le gouvernement Narendra Modi table sur des baisses d’impôt pour relancer la croissance économique estimée aujourd’hui à 5 %, le plus faible taux depuis la crise financière de 2008 et inférieur aux 8 % des dernières années, pourcentage indispensable pour contenir l’augmentation du chômage et l’absorption de l’exode rural.

Cette invasion de criquets pèlerins est peut-être en train de se répandre à la surface de la terre à l’image de la pandémie du Covid-19. Cela fait plusieurs mois que l’agence des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO, acronyme du titre en anglais, Food and alimentation organization) a fait de la lutte acridienne une de ses priorités ; un dixième de la population mondiale peut être impacté par l’invasion. Cette organisation, au siège social basé Rome, et son service mondial d’information sur le criquet pèlerin (DLIS), suit ces insectes 24 par jour et 7 jours sur 7.

Le criquet pèlerin est considéré comme étant le ravageur le plus destructeur au Monde ; il est habituellement plus familier de l’Afrique de l’Est et y sévit depuis la fin de l’année.

Un nouveau fléau frappe l’Afrique. Plusieurs pays sont touchés : Éthiopie, Érythrée, Kenya, Somalie, Ouganda, Tanzanie.

Au XXème siècle, six invasions ont été enregistrées ; la dernière remonte à 2004-2005. La dernière invasion remonte à 70 ans au Kenya, à 25 ans en Éthiopie et Somalie ; l’urgence nationale a été décrétée dans ces deux derniers pays.

L’actuelle invasion est d’une importance inégalée avec plusieurs milliards d’insectes ; un seul des essaims couvrirait 2 400 km², la taille du Luxembourg. Un essaim contiendrait 200 milliards d’insectes ; en consommant 2 grammes par jour, l’équivalent de son poids, la prédation quotidienne porte sur 400 000 tonnes par jour ; 1 km² de ravageurs consomme les besoins de 35 000 personnes.

Pour les scientifiques, la prolifération des ravageurs a pour origine de fortes variations climatologiques, des alternances de sécheresse et de fortes précipitations, attribuées au « dipôle de l’Océan indien » ; mais, comme pour le Covid-19, il n’y a pas unanimité entre « les sachants ».

Il est à craindre l’extension géographique de l’invasion vers l’ouest du sub-continent, et plus particulièrement vers la bande sahélo-soudanaise avec l’arrivée de la saison des pluies en juin-juillet, le moment idéal pour les semis. Cela risque de compromettre toute une récolte.

La FAO estime qu’en l’absence de réaction coordonnée, le nombre de ces insectes voraces pourraient être multipliés par 500 d’ici fin juin. Ce fléau va aggraver la faim et la malnutrition dans une région déjà marquée par la présence de plus des dizaines de millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire

Le fléau ravage les cultures vivrières et fourragères ; des milliers d’hectares ont d’ores et déjà été détruits réduisant à la famine des milliers de familles, et ce n’est pas fini. Il en résultera une augmentation des prix agricoles et accentuera la crise alimentaire.

Mais les conséquences peuvent être plus importantes. Par exemple, en Éthiopie, le fléau entraine un triple coût, celui habituel lié à ses effets traditionnels. Mais cela va contrarier, voire remettre en cause le vaste plan de reboisement engagé par le gouvernement à l’été 2019 ; la famine va accompagner un désastre écologique.

Ce fléau démontre une nouvelle fois l’exigence d’une gouvernance mondiale. Comme le virus, le ravageur ne s’arrête pas aux frontières, traverse les mers et océans. Une réponse internationale s’impose !

Et pourtant l’enjeu n’est pas insurmontable. La FAO estime avoir besoin d’environ 80 M$, mais n’en disposerait que 20. Elle a déjà accordé aux gouvernements concernés 10 M$ pour l’achat d’avions ou véhicules d’épandage de pesticides, censés ne pas avoir d’effets environnementaux …

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