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Déconfinement : le match Français / Pouvoirs publics. Qui "assure" ou déraille le plus ?
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Levée du confinement

La première semaine de déconfinement a-t-elle été bien gérée par l'Etat ? Le comportement des Français a-t-il été exemplaire ? Le Dr Guy-André Pelouze revient sur la phase du déconfinement et sur les sujets essentiels comme les masques, les tests, l'attitude des services publics ou bien encore les vaccins.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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“Pensez-vous que l’Etat ait réussi la première semaine de déconfinement?”. Cette question entendue sur les ondes est étrange. Enfermés, dociles depuis 55 jours et toujours sans liberté d’aller et venir puisque depuis le 11 mai les activités autorisées ne sont que de nouvelles autorisations dérogatoires, les Français ne seraient acteurs de rien et le déconfinement (qui n’en est pas un) serait un potentiel succès de l’état? Voilà une question biaisée qui est une inversion des acteurs. Qui s’est organisé pour continuer à produire, livrer, vendre, ramasser les ordures, nettoyer ? Qui est allé soigner sans masque, qui a porté des repas, des courses, réparé en urgence des appareils indispensables? En réalité, la réponse de terrain, intelligente et adaptée à l’épidémie est en grande partie une initiative spontanée de la société civile. 

Les masques

Le constat est accablant, les français ont trouvé des masques dans le commerce, homemade, artisanaux, etc, c’est à dire sans CERFA et surtout avant que n’arrivent ceux des collectivités ou de l’état. Mais ils en ont. L’état nous assure que les siens sont en voie d’acheminement. Laissez faire le marché et la supply chain le fera beaucoup mieux voilà le constat. À n’en pas douter l’histoire des masques fera l’objet de plusieurs ouvrages tellement les errements de l’état qui veut tout faire sont nombreux. Car pour les masques qui protègent les autres de nos propres gouttelettes et aérosols tous les masques offrent un certain degré de protection puisque le tissu quel qu'il soit va retenir des gouttelettes. En revanche plus le masque a des fuites à n’importe quel endroit du visage moins il protège les autres et cela surtout à l'intérieur des bâtiments ou des véhicules de transport car l’air ne se renouvelle pas rapidement. Le patron d’une entreprise des leaders du CAC 40 au commerçant de la supérette ouverte 7/7 savent une chose: ne pas décevoir les clients en manquant d’un produit, d’un aliment. Donc gérer les stocks. Si je perds 20 kgs de tomates qui sont pourries je les jettent mais en même temps j’en recommande de suite. Apparemment ce principe de gestion de stocks était ignoré des responsables des masques au coeur de l’état… Un comble. 
https://m.20minutes.fr/amp/a/2780875 

Les tests

Il est heureux qu’à mi-mai nous soyons en mesure de faire ce que les Allemands faisaient en mars y compris pour de grosses entreprises. Une entreprise où il y a des cas avérés nombreux de la Covid-19 est fermée, les cas positifs sont en quarantaine et la traque des cas contacts pour les protéger ou les isoler est lancée. Les locaux sont désinfectés. Le travail reprendra ensuite. C’est exactement ce qu’une région doit pouvoir faire dans une épidémie et cela est possible sans l’énorme bureaucratie des ARS. Mais dans la configuration actuelle c’est leur mission. Elle suppose une très grande présence de terrain et une minime présence dans les bureaux. Un changement. Cette mission exige surtout des résultats et non des processus de vérification et de contrôle. 

Mais regardons de plus près ces exemples de petits foyers épidémiques présentés de manière catastrophiste par les chaînes de télévision. Ces signalements sont possibles car les médecins généralistes sont à nouveau le premier rideau de la réponse. C’est à dire un changement total de stratégie par rapport à l'hospitalo-centrisme de février mars et avril. C’est pourquoi il faut solliciter beaucoup plus les forces de la société civile comme par exemple la médecine du travail à qui il revient de faire de l’entreprise le lieu le plus sûr pour tous les personnels. Elle en a les moyens. 

L’autre urgence est de tester massivement grâce aux médecins généralistes libéraux et aux médecins coordonnateurs les résidents des EHPAD, ce qui a pendant la phase sporadique de la maladie été refusé à certains patients. 

Les hôpitaux sont aussi concernés car le personnel est en contact avec des cas porteurs du virus et plutôt avec des charges virales élevées car il y en a souvent plusieurs. Sans tests la conduite de ces établissements est aveugle au risque de transmission.

Dans cette phase endémique où le virus va continuer à circuler plus faiblement et de manière plus diffuse il faut absolument réussir les trois T tester, tracer et traiter. C’est le travail des ARS et il doit être fait avec détermination chaque jour sans se laisser déborder. Il n’est pas question de faire un quelconque chantage aux Français. Tout échec sera celui de cette mission pas celle des Français au motif que certains n’ont pas respectés un moment les comportements anti-transmission. Le chantage ou la culpabilisation ne feront qu’augmenter la défiance. Les citoyens ne sont pas des enfants de maternelle parqués dans des carrés de marelle tracés à la craie.

La logistique de la réponse intelligente et ciblée

Sans tracer les cas contacts et sans isoler les cas positifs les tests ne servent à rien. Le but de tester est de faire un diagnostic certain et seule la présence du génome du virus est certaine. Il ne s’agit pas de rassurer et les tests effectués pour rassurer sont autant de tests indisponibles pour ceux qui en ont besoin. C’est pourquoi, quand le test est positif il faut organiser la logistique de la quarantaine. Là aussi la société civile, la famille, les proches, les associations, les fonctionnaires territoriaux du front office ont été et continuent à être efficaces et discrets. C’est aussi une grande chance pour toutes les personnes fragiles quel que soit leur âge car il est préférable et vital qu’elles sortent prendre l’air mais pas celui des magasins. Répétons que la fermeture des parcs et jardins est un non sens. 

Dans ce domaine il reste beaucoup à faire et c’est difficile sans les outils de l’intelligence de la transmission ou bien la géolocalisation de personnes fragiles. Il est incroyable que certains refusent une soi disant atteinte à la liberté quand on parle d’une application d’aide à cette logistique du traçage et des aides alors qu'ils n’ont rien dit sur le confinement indifférencié prolongé de 55 jours! Là aussi la société civile fait ses choix. Loin des débats artificiels entretenus par des associations absentes du terrain des contributions collectives.

Les vaccins

Il y a eu l’affaire Sanofi et les propos surprenants du président de la république. Tout d’abord ne faisons pas comme par le passé (SARS, MERS, Ebola, grippe...) le vaccin n’est pas la solution c’est une des solutions. De même que dans la pneumonie à pneumocoques l'antibiothérapie a sauvé des millions de vie et à l’heure actuelle plus que le vaccin, un antiviral efficace changera la donne. Donc il ne faut rien négliger. Les antiviraux, les vaccins, les lits de réanimation les autres thérapies innovantes. Et en matière de vaccins soyons clairs on ne peut pas développer un vaccin comme inventer le MacIntosh dans un garage parental. C’est pourquoi annoncer que le vaccin doit être un bien mondial est un voeux pieux. Il y a plusieurs vaccins en piste car il y a plusieurs entreprises qui font des efforts énormes pour mettre au point un vaccin. Si il n’y avait qu’une entreprise de l’état le vaccin serait reporté aux calendes grecques. Le président a rendu un mauvais service aux Français en leur faisant croire que poser ce principe pourrait garantir un accès à tous. Pour que les humains qui en ont besoin aient accès à des traitements efficaces contre le SARS-CoV-2 il faut de que nombreuses entreprises dans le monde entier prennent des risques et des risque élevés. Ces risques sont financiers car il y a des perdants et des gagnants puisque certains vaccins, certains antiviraux seront efficaces d’autres non. Donc laissons cette expression extraordinaire de la société civile qu’est la communauté scientifique faire l’effort, finançons ces efforts avec sérieux mais faisons le massivement et nos chances de sauver des vies humaines augmenteront. Il faudra payer le vaccin et ce n’est pas un état qui dépense 800 milliards de dépense sociales qui peut nous faire croire qu’il serait impécunieux pour un antiviral ou un vaccin. Les faits malheureusement donnent raison à ce responsable de Sanofi car l’Europe avec son PIB de 15 908 milliards d’euros (2018) manque de projets académiques et privés (Figure N°1).

Figure N°1: Plus de 70% des groupes menant des recherches sur les vaccins proviennent d'entreprises industrielles ou privées. Les essais cliniques commencent par de petites études de sécurité chez les animaux et les humains, suivis par des essais beaucoup plus importants pour déterminer si un vaccin génère une réponse immunitaire. Les chercheurs accélèrent ces étapes et espèrent avoir un vaccin prêt dans 18 mois.

Les services publics

Quand on constate la fermeture des bureaux de poste alors que les relais de La Poste dans des supermarchés sont ouverts jusqu’à 20h le dimanche et 7/7 comment voulez vous revenir à La Poste? Force est de reconnaître que la réactivité des administrations publiques a été faible. En 55 jours certaines administrations n’ont pas eu le temps d’accoucher d’un plan de reprise. Il a fallu attendre les annonces de sortie du confinement indifférencié prolongé pour que le système bouge et encore le 11 mai beaucoup n’étaient pas prêtes. C’est la société civile qui a fait fonctionner pas mal de services “publics” dans la pandémie. Les livraisons, le courrier et les colis ont continué à fonctionner parce que des entreprises et des livreurs ont continué à travailler et à apporter les plis et les colis.

Dans une épidémie aussi grave une nation ne peut survivre sans son corps la société civile, individus, entreprises, universités, associations. 

L’observance des comportements anti-transmission est une courbe d’apprentissage. Pas un jeu de racket fiscal. Il est facile de montrer des images de non observance car cela fait réagir mais cela ne représente pas la réalité. Compte tenu du temps perdu pendant les 55 jours de confinement indifférencié prolongé où la reprise des activités et même cet apprentissage n’ont pas été évoqué ou enseigné ce que nous observons aujourd’hui est naturel. 

Il n’est pas nécessaire de faire de la France une maison de redressement. Tous ceux qui sont sur les plateaux donnent volontiers des leçons. Les Français ne sont pas fous mais on les a longuement bernés. De la petite grippe à la chloroquine potion magique avouons que nous n’avons rien à envier aux autres nations en terme de diversion de la menace. 

Faire confiance à la société civile c’est aussi rétablir la confiance par des garanties:

- Ne faire aucune recherche impliquant des données personnelles sans le consentement c’est à dire dans le cadre du volontariat

- Séparer les données de tout service étatique qu’il s’agisse des ARS ou de la sécu. C’est à dire permettre un contrôle sociétal permanent de leur stockage, de sa durée et de l’utilisation

- Ne pas faire intervenir le médecin traitant dans la transmission des données pour laisser tout le temps au soin et rien à la suspicion

C’est possible grâce aux techniques de l'information et à l’intelligence artificielle. Les partenaires indépendants peuvent être des instituts ou un consortium d’universités ayant de réelles compétences en épidémiologie. Les résultats peuvent être transmis à un serveur indépendant avec des données minimales mais opérationnelles comme le code postal. Il suffit d’une volonté. Il suffit d’accepter le contrôle des citoyens.

Le match état-société civile est impressionnant, il faut poursuivre cet effort extraordinaire. Les Français qui ont découvert un état régalien nu et dans l’impéritie la plus totale ont appliqué, souvent sans le savoir, le principe de JF Kennedy:

“Et donc vous, mes compatriotes américains, ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. Vous qui, comme moi, êtes citoyens du monde, ne vous demandez pas ce que les États-Unis feront pour vous, mais demandez-vous ce que nous pouvons faire, ensemble, pour la liberté de l'homme.” C’était le vendredi 20 janvier 1961 dans un discours de 13 minutes et 59 secondes, un autre exemple d’efficacité de la parole publique. Tous les mots de cette phrase sont porteurs d’espoir et ce que font au quotidien les Français est inspiré. Bravo.

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