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Avis de tempête à la BCE : Christine Lagarde se fait rappeler à l’ordre par la Cour constitutionnelle allemande
©FREDERICK FLORIN / AFP

Atlantico Business

La BCE, la banque centrale européenne que dirige Christine Lagarde, qui avait pris l’initiative de lancer un plan d’urgence massif en mars pour aider les Européens à se défendre de la pandémie, s’est fait rappeler à l’ordre par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Avertissement sans frais de l‘arrêt de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe à l’adresse de Christine Lagarde, pour qu‘elle fournisse des explications précises quant au plan de rachats de dettes d’Etat qu’elle veut mettre en place, pour soulager un peu les pays de la zone euro pris dans le cyclone du Covid-19. Sous peine de quoi l’Allemagne pourrait bien ne pas y participer.

Ces initiatives de politique monétaire, pour assurer le sauvetage des économies européennes, se retrouvent prises à partie sérieusement par les Allemands, dont une partie des dirigeants voudraient que la banque centrale revienne à des comportements plus orthodoxes.

L’histoire est très simple. Elle serait presque banale si l’accusé principal n’était pas la BCE, et si on n’était pas au cœur d’une crise plus grave que la situation économique après la 2e guerre mondiale.

Certains responsables politiques allemands, et notamment des parlementaires, ont porté plainte comme ils ont le droit (et souvent le devoir) contre la BCE auprès de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. En cause, le programme de rachat de dettes publiques mené par la banque centrale européenne en 2015 et 2018 alors que Mario Draghi était aux commandes. Si la Cour de Justice européenne, l’instance compétente en la matière avait donné raison à la BCE, les requérants allemands n’en sont pas restés là et ont déposé un recours devant une de leur Cour constitutionnelle allemande.

Cette décision pourrait remettre en cause la participation de l’Allemagne au plan d’urgence qui avait été annoncé par Mme Lagarde contre la pandémie.  C’était en mars, alors que la pandémie s’attaquait déjà à l’Europe, Christine Lagarde avait dégagé une sortie de liquidité pour presque 1000 milliards d’euros. Ces milliards d’euros sont destinés à des rachats de dettes d’Etat de façon à alléger les banques qui les portent et leur permettre de se réendetter.

Cette politique de la BCE permet d’éviter l’écroulement des économies les plus menacés (Italie, Espagne, France) en leur permettant de s’endetter dans des conditions plus favorables.

Cette initiative a été applaudie par tout le monde en Europe, alors qu’elle ne correspond pas tout à fait à ce que les statuts de la BCE stipulent.

Dans certains milieux européens très orthodoxes quant à la gestion budgétaire, on n’a semble-t-il pas aimé ce genre d’initiative, parce que ça revenait à autoriser la BCE à financer directement les Etats. Or les Etats ont la responsabilité de gérer leur budget dans le respect des normes maastrichtiennes. L‘Allemagne, par exemple, est très attachée à cette orthodoxie budgétaire.

Sur le moment, début mars, cette liberté de la BCE a été plutôt bien accueillie d’autant que les normes de Maastricht avaient été abolies pour un temps pour permettre aux Etats de disposer d’un peu plus d’oxygène. Bien accueillie oui, sauf quand des parlementaires allemands pas très amis avec Mme Merkel, profitent des recours déposés il y a quelques années déjà pour rappeler à l’Europe entière qu’ils ne sont pas d’accord avec ces pratiques.

La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a rendu son verdict et le verdict est sévère. Elle ne s’oppose pas au programme d’urgence puisque ce n’était pas la question.  Elle ne demande pas son annulation. Mais elle demande à ce que la présidente de la BCE aujourd’hui en charge, Christine Lagarde, s’explique en profondeur sur les modalités et les conditions de ses interventionspassées et futures.

Ça n’est pas un camouflet, mais c’est un avertissement. Ou un avis de tempête, qui appelle trois petites remarques.

1ère remarque :  les réserves formulées par les juges allemands sur la politique de la BCE de rachats systématique de dette d’Etat sont évidemment de nature à freiner les initiatives de Christine Lagarde pour répondre à la récession. Elle aura demain beaucoup plus de mal à agir de cette façon.

2e remarque.  Christine Lagarde, qui avait été plutôt bien accueillie par un conseil qui ne lui était pas favorable, va s’apercevoir que le management va être plus difficile, entre les pro-rachats de dettes et les pro-Allemands Le Conseil de la BCE, siège des représentants de chacun des grands pays, peut profiter de cet avertissement pour rendre la vie de Christine Lagarde beaucoup plus compliquée.

3ème remarque, à l’inverse, on peut aussi imaginer que Christine Lagarde passe outre cet avertissement, persiste et signe pour venir en aide à des pays particulièrement fragiles et abimés, l'Italie ou l‘Espagne. Moyennant quoi, elle entrerait en conflit avec une partie des responsables politiques allemands. Christine Lagarde a des atouts dans son jeu. N’oublions pas que cette politique généreuse avait été imaginée par Mario Draghi pour sortir de la crise financière et que Mario Draghi l’avait fait contre l’avis des représentants allemands. Il n’avait pas si mal réussi que cela.

La demande de la Cour constitutionnelle allemande commence à susciter des commentaires officiels de la part de dirigeants des Etats membres de la zone euro. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen qui a de façon assez discrète mais cinglante, rappelé aux représentant allemands que la Banque centrale européenne était indépendante de tout pouvoir politique, et même du pouvoir allemand. Bruno Le Maire s’est positionné sur la même ligne, en déclarant que la BCE était « seule capable de juger ce qui était nécessaire ».

Pour lire l'analyse de Jean-Paul Betbeze sur ce sujet, cliquez ICI 

Pour lire l'analyse de Christophe Bouillaud sur ce dossier, cliquez ICI 

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